Cher ami lecteur, tu es le e visiteur. La Paix soit avec toi.
Ecouter un enseignement sur la foi catholique
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Chers amis lecteurs,
Pour ce premier article de l’année, je voudrais revenir sur une sentence du Pasteur protestant Eric George, écrite dans le feu d’une joute « fleuve » sur le péché originel et l’existence du démon (cf. Ce que nous enseignent les sciences de la nature : commentaire n° 111).
« La foi, dit le Pasteur, est un don pas une conséquence de mon intelligence... Maintenant, si vous avez une preuve de l'existence de Dieu à me fournir, je suis preneur... En fait non ! je préfère la foi au voir... »
Il me semble que le Pasteur fait la confusion, par trop habituelle dans les milieux chrétiens – y compris catholiques –, entre la foi en Dieu et la croyance en l’existence de Dieu.
La foi est un don que Dieu communique par la Révélation et une lumière surnaturelle qui vient du Saint Esprit. La croyance en l’existence de Dieu est un don que Dieu communique par la Création et la lumière naturelle de la raison.
Tout homme peut avoir connaissance de l’existence de Dieu à partir de ses seules facultés naturelles, sans l’aide de la Révélation ni grâce particulière du Saint Esprit, à partir de l’observation de l’œuvre de la Création et d’une réflexion sur l’Univers physique et la Nature qui nous environne.
Nul besoin de la foi pour croire en l’existence de Dieu : l’activité de la seule intelligence suffit. Dire cela n’enlève rien à Dieu, puisque tout nous est donné par lui : et l’Univers physique que nous observons, et notre intelligence avec laquelle nous réfléchissons sur l’Univers physique.
En un sens, la Création est le premier livre de la Révélation. Par la Création, Dieu nous parle. Il nous révèle son existence, et quelque chose de son essence. Et cette Révélation est accessible à tous les hommes. Même les tribus les plus reculées et les plus primaires ont conscience que la Création est révélatrice d’une réalité transcendante (ou immanente, en tous les cas : surnaturelle, divine). C’est là l’intuition la plus commune et la plus universelle qui soit.
En cette fête de l’Epiphanie, qui est la manifestation de Dieu aux nations païennes (figurées par les Mages d’Orient), il nous est bon de considérer cette épiphanie de Dieu dans la Création, qui s’adresse à tout le genre humain : chrétiens, juifs et musulmans, mais aussi païens, agnostiques et incroyants. La Création est un fait qui s’impose à tous, et qui interroge la raison de tous. Une réflexion rationnelle, intelligente, métaphysique (pour employer un terme barbare…) sur ce donné de la Création, sur l’être même de l’Univers et sur ses caractéristiques, peut nous donner la certitude de l’existence de Dieu. Nul besoin, pour croire que Dieu existe, d’être un mystique ou un homme de foi ; il nous suffit de réfléchir sur l’univers. Et cela, tout le monde en est capable. Tout le monde peut croire en l’existence de Dieu à partir de l’œuvre de la Création.
Il n’est donc pas illégitime de vouloir rechercher des preuves de l’existence de Dieu. Car il en existe ; Dieu nous en a laissé de nombreuses dans l'oeuvre de la Création, et Il nous a donné une intelligence pour les reconnaître comme telles. Ne pas vouloir les « voir » serait sans doute un péché, au sens où le Pasteur l’entend : le « refus d’être humain » (cf. Ce que nous enseignent les sciences de la nature : commentaire n° 117) c'est-à-dire : créature douée de raison.
Une fois admis l’existence de Dieu, je pourrai ensuite réfléchir sur un autre fait réel, inscrit dans notre histoire, qui est le fait religieux, qui désigne tous les efforts entrepris par les hommes depuis leur origine pour entrer en relation avec ce Dieu inconnu dont l’existence nous est révélée par l’Univers physique. Et je pourrai m’intéresser plus particulièrement à ce petit peuple d’hébreux nomades installés en terre de Canaan au 19e ou 18e siècle avant notre ère, qui prétend avoir été choisi (« élu ») par ce Dieu inconnu tant recherché par les hommes, pour recevoir de Lui la Révélation de son mystère. Je pourrai éprouver l’authenticité de cette Révélation en vérifiant, avec le recul de l’Histoire, la pertinence et la véracité de son contenu. Je pourrai aussi m’interroger sur l’étonnante destinée du plus illustre des fils d’Israël : Jésus, le Nazaréen. Et méditer sur son œuvre, en particulier sur cette Eglise qu’il a bâtie autour de ses Douze Apôtres et qui existe encore aujourd’hui, répandue à travers le monde.
Sur tout ce donné, physique et historique, je pourrai réfléchir, raisonner, méditer, confronter des idées contradictoires, entendre les arguments des uns et des autres. Et me faire une opinion.
Je pourrai croire en l’existence de Dieu, parce que je pourrai reconnaître que cette option est la plus rationnelle de toutes.
Je pourrai croire en la Révélation divine, parce je pourrai en vérifier l'authenticité dans l’expérience historique du peuple d’Israël, de Jésus-Christ et de l’Eglise.
Je pourrai ainsi écarter de mon champ de pensée toutes les autres propositions de sens que l’humanité s’est forgée au fil des siècles, soit à raison de leur manque de rationalité, soit parce qu’elles contredisent la Révélation divine.
Convaincu que Dieu existe, par l’observation de l’Univers ; que Dieu s’est révélé à Israël, par l’étude du fait religieux ; que la Bible est porteuse de cette révélation et que Jésus-Christ est le Fils de Dieu fait homme annoncé par la loi et les prophètes ; que l’Eglise est Son œuvre et le moyen institué par Lui en vue du Salut de tous ; je pourrai alors adhérer par la foi à la Révélation divine, et me laisser transformer par elle. Je pourrai ouvrir toute grande la porte à Dieu, et lui permettre de changer ma vie.
Il est intéressant de noter au passage que c’est l’observation des étoiles qui a conduit les Mages d’Orient jusqu’au Christ, en passant par Israël et l’étude de ses Saintes Ecritures. Le cheminement des Mages me semble préfigurer et annoncer le nôtre à tous, « qui étions loin ». Nous aussi devons passer par l’étude de l’Univers et la Révélation biblique pour rencontrer le Logos, la Raison créatrice qui s’est faite homme, en Jésus de Nazareth.
La foi n’est donc pas adhésion irrationnelle et aveugle à l’existence de Dieu, mais bien plutôt adhésion de notre rationalité à une Raison plus haute révélée par Dieu, et que Dieu Lui-même est. La foi ainsi entendue présuppose la croyance en l’existence de Dieu, car pour accueillir la Révélation de Dieu, il nous faut d’abord croire que cette Révélation vient de Dieu ; et pour croire que cette Révélation vient de Dieu, il nous faut d’abord croire en l’existence de Dieu.
Bien entendu, le Seigneur est libre de bousculer ce bel ordonnancement en se révélant à nous dans une lumière éclatante comme il le fit pour St Paul, ou dans la beauté d’un chant liturgique comme il le fit pour Claudel. Il peut, s’il le veut, nous toucher en plein cœur, et se manifester directement à nous, sans la moindre médiation. Mais notons bien que tel n’est pas son mode d’agir habituel. Et quoiqu’il en soit, il nous faudra bien à un moment ou à un autre réfléchir sur Dieu et sur la Révélation qu’il a faite de Lui. Si ça n’est pas avant l’expérience de la foi, ce sera après (le cheminement de Claudel est exemplaire à cet égard). Mais on ne pourra pas, en tous les cas, faire l’économie de l’intelligence. Parce que notre nature le requiert. Et que Dieu le veut ainsi.
Dieu ne veut pas nous révéler des vérités auxquelles nous pouvons avoir accès par notre raison naturelle ; Il nous aime trop pour cela. Dieu veut nous laisser la joie de découvrir par nous-même les vérités contenues dans la Création et dans l’Histoire des hommes. La Révélation divine n’a pour objet que ce sur quoi notre raison ne peut avoir immédiatement accès, et c’est pourquoi elle requiert la foi, qui est l’assentiment de notre raison à la révélation que Dieu nous fait de vérités qui la dépasse, dans lesquelles notre intelligence trouve une Lumière précieuse pour son exercice propre – qui ne se trouve donc pas suspendu par l'accueil de la Révélation mais sur-élevé (dans l'activité théologique).
La foi est certes une grâce que Dieu communique à l’homme pour qu’il soit capable de le reconnaître comme son Seigneur et d’obéir à sa parole ; mais elle est aussi un acte de l’homme dont la raison le conduit à décider librement de s’en remettre à Dieu et de fonder son existence sur le roc de sa Parole ; la foi est libre réponse à cette Parole.
L’homme a donc une responsabilité au regard de sa propre foi : en ne réfléchissant pas rationnellement sur l’existence de l’univers et sur le fait religieux, l’homme peut entraver le don de la foi que Dieu veut lui faire. Inversement : l’homme peut déblayer en lui ce qui fait obstacle au don de la foi, en réfléchissant sérieusement à l’œuvre de la Création. Inutile par conséquent d’attendre que la foi nous tombe dessus comme le gain du gros lot au Loto. Et absurde d’affirmer que nous n’avons pas à nous convertir au motif que Dieu ne nous a pas donné la foi. Car si Dieu nous a donné la raison, c’est qu’il veut nous donner la foi.
S’il est vrai que la foi est un don surnaturel fait à quelques uns, la croyance est un don naturel accessible à tous afin que tous parviennent à la foi. Il convient donc de bien distinguer les deux ordres de connaissance de Dieu. Autant la croyance requiert des « preuves » tangibles pour être satisfaite et sollicite la raison humaine, autant la foi requiert la confiance du croyant et sollicite le consentement de sa volonté ; mais la seconde présuppose la première.
Pour prendre une image : je peux croire en l’existence de l’Himalaya sans l’avoir vu, parce que ma raison me commande d’y croire ; mais je peux ne pas vouloir y aller et la connaissance de son existence ne changera rien à ma vie. Eh bien pareillement : la croyance en Dieu est connaissance de l’existence de Dieu, mais cette connaissance est à elle seule impuissante à changer ma vie ; c'est la foi en Dieu qui me fait entrer dans la vraie connaissance de Dieu qui est intimité de vie avec Lui, dans l’obéissance de sa Parole. Ainsi, je crois en Dieu non pas parce que je crois en son existence, mais parce que, croyant qu’il existe, je Lui fais confiance pour gouverner ma vie, et la gouverner bien. Je peux alors la remettre entre ses mains pour qu’Il fasse de moi ce qu’Il lui plaira. Et je suis prêt pour cela à accepter des vérités qui dépassent ma raison – mais dont ma raison fera sa nourriture dans l'étude théologique – et à dépendre entièrement de Lui pour vivre ma vie sur cette terre. Voilà, me semble-t-il, ce qu’est la foi, celle-là même qui nous sauve et qui nous donne la vie éternelle.
Article initialement publié le 6 janvier 2008
Un petit Catéchisme pour entrer dans l'intelligence de ce grand mystère, si essentiel à la compréhension de la rédemption opérée par Jésus-Christ, Fils de Dieu mort et ressuscité pour notre salut : "On ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ" (CEC § 389).
2. Le Péché Originel et la Chute
Texte intégral du Credo du peuple de Dieu (dans une traduction non officielle en français) prononcé solennellement par Paul VI le 30 juin 1968.
Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, Créateur des choses visibles comme ce monde où s’écoule notre vie passagère, des choses invisibles comme les purs esprits qu’on nomme aussi les anges, et Créateur en chaque homme de son âme spirituelle et immortelle.
Nous croyons que ce Dieu unique est absolument un dans son essence infiniment sainte comme dans toutes ses perfections, dans sa toute-puissance, dans sa science infinie, dans sa providence, dans sa volonté et dans son amour. Il est Celui qui est, comme il l’a révélé à Moïse ; et il est Amour, comme l’apôtre Jean nous l’enseigne : en sorte que ces deux noms, Être et Amour, expriment ineffablement la même divine réalité de Celui qui a voulu se faire connaître à nous, et qui, "habitant une lumière inaccessible", est en lui-même au-dessus de tout nom, de toutes choses et de toute intelligence créée. Dieu seul peut nous en donner la connaissance juste et plénière en se révélant comme Père, Fils et Esprit Saint, dont nous sommes par grâce appelés à partager, ici-bas dans l’obscurité de la foi et au-delà de la mort dans la lumière éternelle, l’éternelle vie. Les liens mutuels constituant éternellement les trois personnes, qui sont chacune le seul et même Être divin, sont la bienheureuse vie intime du Dieu trois fois saint, infiniment au-delà de ce que nous pouvons concevoir à la mesure humaine. Nous rendons grâce cependant à la bonté divine du fait que de très nombreux croyants puissent attester avec Nous devant les hommes l’unité de Dieu, bien qu’ils ne connaissent pas le mystère de la Très Sainte Trinité.
Nous croyons donc au Père qui engendre éternellement le Fils, au Fils, Verbe de Dieu, qui est éternellement engendré, au Saint-Esprit, personne incréée qui procède du Père et du Fils comme leur éternel amour. Ainsi en les trois personnes divines, "coaeternae sibi et coaequales", surabondent et se consomment, dans la surexcellence et la gloire propres à l’être incréé, la vie et la béatitude de Dieu parfaitement un, et toujours "doit être vénérée l’unité dans la trinité et la trinité dans l’unité".
Nous croyons en Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est le Fils de Dieu. Il est le Verbe éternel, né du Père avant tous les siècles et consubstantiel au Père, "homoousios to Patri", et par lui tout a été fait. Il s’est incarné par l’œuvre du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie et s’est fait homme : égal donc au Père selon la divinité, et inférieur au Père selon l’humanité et un lui-même, non par quelque impossible confusion des natures mais par l’unité de la personne.
Il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité. Il a annoncé et instauré le Royaume de Dieu et nous a fait en lui connaître le Père. Il nous a donné son commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés. Il nous a enseigné la voie des béatitudes de l’Évangile : pauvreté en esprit, douleur supportée dans la patience, soif de la justice, miséricorde, pureté du cœur, volonté de paix, persécution endurée pour la justice. Il a souffert sous Ponce Pilate, Agneau de Dieu portant sur lui les péchés du monde, et il est mort pour nous sur la croix, nous sauvant par son sang rédempteur. Il a été enseveli et, de son propre pouvoir, il est ressuscité le troisième jour, nous élevant par sa résurrection à ce partage de la vie divine qu’est la vie de la grâce. Il est monté au ciel et il viendra de nouveau, en gloire cette fois, pour juger les vivants et les mort: chacun selon ses mérites - ceux qui ont répondu à l’amour et à la pitié de Dieu allant à la vie éternelle, ceux qui les ont refusés jusqu’au bout allant au feu qui ne s’éteint pas. Et son règne n’aura pas de fin.
Nous croyons en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils. Il nous a parlé par les Prophètes, il nous a été envoyé par le Christ après sa Résurrection et son Ascension auprès du Père ; il illumine, vivifie, protège et conduit l’Église ; il en purifie les membres s’ils ne se dérobent pas à la grâce. Son action qui pénètre au plus intime de l’âme, rend l’homme capable de répondre à l’appel de Jésus: "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait".
Nous croyons que Marie est la Mère demeurée toujours vierge du Verbe incarné, notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, et qu’en raison de cette élection singulière elle a été, en considération des mérites de son Fils, rachetée d’une manière plus éminente, préservée de toute souillure du péché originel et comblée du don de la grâce plus que toutes les autres créatures.
Associée par un lien étroit et indissoluble aux mystères de l’Incarnation et de la Rédemption, la Très Sainte Vierge, l’Immaculée, a été, au terme de sa vie terrestre, élevée en corps et en âme à la gloire céleste et configurée à son Fils ressuscité en anticipation du sort futur de tous les justes; et Nous croyons que la Très Sainte Mère de Dieu, nouvelle Ève, mère de l’Église, continue au ciel son rôle maternel à l’égard des membres du Christ, en coopérant à la naissance et au développement de la vie divine dans les âmes des rachetés.
Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes, dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord dans nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice, et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumise à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché. Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, "non par imitation, mais par propagation", et qu’il est ainsi "propre à chacun".
Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ, par le sacrifice de la croix, nous a rachetés du péché originel et de tous les péchés personnels commis par chacun de nous, en sorte que, selon la parole de l’Apôtre, "là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé".
Nous croyons à un seul baptême institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour la rémission des péchés. Le baptême doit être administré même aux petits enfants qui n’ont pu encore se rendre coupables d’aucun péché personnel, afin que, nés privés de la grâce surnaturelle, ils renaissent "de l’eau et de l’Esprit Saint" à la vie divine dans le Christ Jésus.
Nous croyons à l’Église une, sainte, catholique et apostolique, édifiée par Jésus-Christ sur cette pierre qui est Pierre. Elle est le corps mystique du Christ, à la fois société visible instituée avec des organes hiérarchiques et communauté spirituelle, l’Église terrestre ; elle est le peuple de Dieu pérégrinant ici-bas et l’Église comblée des biens célestes ; elle est le germe et les prémices du Royaume de Dieu, par lequel se continuent, au long de l’histoire humaine, l’œuvre et les douleurs de la Rédemption et qui aspire à son accomplissement parfait au-delà du temps dans la gloire. Au cours du temps, le Seigneur Jésus forme son Église par les sacrements qui émanent de sa plénitude. C’est par eux qu’elle rend ses membres participants au mystère de la mort et de la résurrection du Christ, dans la grâce du Saint-Esprit qui lui donne vie et action. Elle est donc sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce qu’elle n’a elle-même d’autre vie que celle de la grâce : c’est en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient ; c’est en se soustrayant à sa vie qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté. C’est pourquoi elle souffre et fait pénitence pour ses fautes, dont elle a le pouvoir de guérir ses enfants par le sang du Christ et le don de l’Esprit Saint.
Héritière des divines promesses et fille d’Abraham selon l’Esprit, par cet Israël dont elle garde avec amour les Écritures et dont elle vénère les patriarches et les prophètes ; fondée sur les apôtres et transmettant de siècle en siècle leur parole toujours vivante et leurs pouvoirs de pasteur dans le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui; perpétuellement assistée par le Saint-Esprit, elle a charge de garder, enseigner, expliquer et répandre la vérité que Dieu a révélée d’une manière encore voilée par les prophètes et pleinement par le Seigneur Jésus. Nous croyons tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel. Nous croyons à l’infaillibilité dont jouit le successeur de Pierre quand il enseigne ex cathedra comme pasteur et docteur de tous les fidèles, et dont est assuré aussi le corps des évêques lorsqu’il exerce avec lui le magistère suprême.
Nous croyons que l’Église, fondée par Jésus-Christ et pour laquelle il a prié, est indéfectiblement une dans la foi, le culte et le lien de la communion hiérarchique. Au sein de cette Église, la riche variété des rites liturgiques et la légitime diversité des patrimoines théologiques et spirituels et des disciplines particulières, loin de nuire à son unité, la manifestent davantage.
Reconnaissant aussi l’existence, en dehors de l’organisme de l’Église du Christ, de nombreux éléments de vérité et de sanctification qui lui appartiennent en propre et tendent à l’unité catholique, et croyant à l’action du Saint-Esprit qui suscite au cœur des disciples du Christ l’amour de cette unité, Nous avons l’espérance que les chrétiens qui ne sont pas encore dans la pleine communion de l’unique Église se réuniront un jour en un seul troupeau avec un seul pasteur.
Nous croyons que l’Église est nécessaire au salut, car le Christ qui est seul médiateur et voie de salut se rend présent pour nous dans son Corps qui est l’Église. Mais le dessein divin du salut embrasse tous les hommes ; et ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et son Église mais cherchent Dieu sincèrement et, sous l’influence de la grâce, s’efforcent d’accomplir sa volonté reconnue par les injonctions de leur conscience, ceux-là, en un nombre que Dieu seul connaît, peuvent obtenir le salut.
Nous croyons que la messe célébrée par le prêtre représentant la personne du Christ en vertu du pouvoir reçu par le sacrement de l’ordre, et offerte par lui au nom du Christ et des membres de son Corps mystique, est le sacrifice du calvaire rendu sacramentellement présent sur nos autels. Nous croyons que, comme le pain et le vin consacrés par le Seigneur à la Sainte Cène ont été changés en son Corps et son Sang qui allaient être offerts pour nous sur la croix, de même le pain et le vin consacrés par le prêtre sont changés au corps et au sang du Christ glorieux siégeant au ciel, et Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d’apparaître à nos sens de la même façon qu’auparavant, est une présence vraie, réelle et substantielle.
Le Christ ne peut être ainsi présent en ce sacrement autrement que par le changement en son corps de la réalité elle-même du pain et par le changement en son sang de la réalité elle-même du vin, seules demeurant inchangées les propriétés du pain et du vin que nos sens perçoivent. Ce changement mystérieux, l’Église l’appelle d’une manière très appropriée transsubstantiation. Toute explication théologique, cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit pour être en accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé d’exister après la consécration, en sorte que c’est le corps et le sang adorables du Seigneur Jésus qui dès lors sont réellement devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du vin, comme le Seigneur l’a voulu, pour se donner à nous en nourriture et pour nous associer à l’unité de son Corps mystique.
L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel, s’est rendu présent devant nous.
Nous confessons que le royaume de Dieu commencé ici-bas en l’Église du Christ n’est pas de ce monde, dont la figure passe, et que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la civilisation, de la science ou de la technique humaines, mais qu’elle consiste à connaître toujours plus profondément les insondables richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens éternels, à répondre toujours plus ardemment à l’amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et la sainteté parmi les hommes. Mais c’est ce même amour qui porte l’Église à se soucier constamment du vrai bien temporel des hommes. Ne cessant de rappeler à ses enfants qu’ils n’ont pas ici-bas de demeure permanente, elle les presse aussi de contribuer, chacun selon sa vocation et ses moyens, au bien de leur cité terrestre, de promouvoir la justice, la paix et la fraternité entre les hommes, de prodiguer leur aide à leurs frères, surtout aux plus pauvres et aux plus malheureux. L’intense sollicitude de l’Église, épouse du Christ, pour les nécessités des hommes, leurs joies et leurs espoirs, leurs peines et leurs efforts, n’est donc rien d’autre que son grand désir de leur être présente pour les illuminer de la lumière du Christ et les rassembler tous en lui, leur unique Sauveur. Elle ne peut signifier jamais que l’Église se conforme elle-même aux choses de ce monde, ni que diminue l’ardeur de l’attente de son Seigneur et du royaume éternel.
Nous croyons à la vie éternelle. Nous croyons que les âmes de tous ceux qui meurent dans la grâce du Christ, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où elles quittent leur corps, Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le bon larron, sont le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort, laquelle sera définitivement vaincue le jour de la résurrection où ces âmes seront réunies à leur corps.
Nous croyons que la multitude de celles qui sont rassemblées autour de Jésus et de Marie au paradis forme l’Église du ciel, où dans l’éternelle béatitude elles voient Dieu tel qu’il est et où elles sont aussi, à des degrés divers, associées avec les saints anges au gouvernement divin exercé par le Christ en gloire, en intercédant pour nous et en aidant notre faiblesse par leur sollicitude fraternelle.
Nous croyons à la communion de tous les fidèles du Christ, de ceux qui sont pèlerins sur la terre, des défunts qui achèvent leur purification, des bienheureux du ciel, tous ensemble formant une seule Église, et Nous croyons que dans cette communion l’amour miséricordieux de Dieu et de ses saints est toujours à l’écoute de nos prières, comme Jésus nous l’a dit : Demandez et vous recevrez. Aussi est-ce avec foi et dans l’espérance que Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir.
Béni soit le Dieu trois fois saint. Amen.
Paul PP. VI
Chers amis,
Après les débats passionnés du groupe Facebook dédié à Claude Tresmontant, je vous propose un petit catéchisme sur le péché originel pour nous redonner quelques précieux repères sur ce grand mystère – si important pour notre foi : « On ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique – désigné dans la suite du texte CEC –, § 389).
Je le publie aujourd’hui sous la version 1.0., car le texte est perfectible (il sera retouché progressivement) et j’attends beaucoup de vos réactions et réflexions. Par faciliter la discussion et les approfondissements à venir, j’ai numéroté les Propositions, de manière à ce que vous puissiez les viser facilement et précisément.
Le présent catéchisme s’articule en 4 parties distinctes :
2. Le Péché Originel et la Chute
3. La thèse originale de Mgr Léonard
4. Les avantages et limites de la théologie de Mgr Léonard
En voici aujourd’hui la quatrième et dernière partie.
4. LES AVANTAGES ET LIMITES DE LA THEOLOGIE DE MGR LEONARD
4.1. Il ressort de la théologie de Mgr Léonard que nous ne sommes peut-être pas les descendants biologiques d’Adam – quoique nous en fussions les descendants historiques.
4.2. Nous recevons d’Adam la nature humaine – nous héritons de lui la corruption de notre nature. Mais l’humanité n’est pas nécessairement reliée à lui par un lien BIOLOGIQUE direct.
4.2a. Cela ne serait pas choquant du point de vue de la Révélation, puisqu’elle ne vise pas à nous communiquer un enseignement d’ordre scientifique, mais une vérité d’ordre théologique.
4.2b. La théologie du péché originel ne serait pas dépendante d’une vérité scientifique : le monogénisme.
4.2b.bis. A supposer que le monogénisme soit vrai sur le plan scientifique – ce qui semble le cas – les ancêtres communs à toute l’humanité ne pourraient être Adam et Eve (pour les raisons évoquées dans la Partie 3).
4.2.c A la question : « Où étions-nous lors du péché d’Adam ? », nous répondrions : « Notre nature était en Adam, notre individualité n’existait pas. »
4.3. « Comment le péché d’Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le genre humain est en Adam comme l’unique corps d’un homme unique. Par cette unité du genre humain, tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. » (CEC, § 404)
4.3.a. « La transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans un état déchu. C’est un péché qui sera transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission d’une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. » (CEC, § 404)
4.3.b. Peut-être cette transmission s’opère-t-elle en vertu du fait qu’Adam soit notre « cause exemplaire » – c’est-à-dire le modèle à partir duquel Dieu nous créé – comme le Christ serait la « cause exemplaire » de notre « re-création ».
4.3.c. A ceux qui croient discerner un relent de platonisme dans cette conception d’une Chute primordiale ayant provoqué le surgissement d’un monde marqué par le mal – notre monde –, je répondrais :
1°) que tout dans Platon n’est pas à jeter ; qu’il existe dans Platon et le néo-platonisme des « semences du verbe » (le concept a d'ailleurs été forgé par Saint Justin précisément au sujet du néo-platonisme) en quoi me paraît résider notamment l’intuition fondamentale de la bonté originelle des êtres - et d'une Chute ayant provoqué le surgissement de ce monde marqué par le mal ;
2°) qu’à la différence du platonisme, le christianisme considère que la bonté originelle de la Création de Dieu n'a pas été détruite par la Chute originelle - mais altérée : la réalité de ce monde matériel reste donc fondamentalement bonne en raison de sa divine origine ;
3°) que rejeter l’idée d’une Chute cosmique de laquelle notre monde serait l'effet reviendrait :
* à imputer à Dieu quelque responsabilité dans le mal physique (présent dans le monde dès avant l’apparition du premier homme...)
* et à instiller subrepticement du mal en Dieu - l'idée d'un Dieu "mauvais" étant une idée... gnostique.
Il y a donc, me semble-t-il, un choix fondamental à faire entre une doctrine de la Chute primordiale - qui fait certes penser à Platon (mais peut-être au meilleur de Platon) - et une doctrine d'une Création par un Dieu s’accommodant de la souffrance et de la mort - qui ferait "méchamment" penser au Démiurge de la « gnose au nom menteur » (Irénée).
Pour ma part, j’opte sans complexe pour la première option, à la suite de Mgr Léonard et – je le crois – de la Tradition de l’Eglise exprimée à travers son Catéchisme et ses conciles, qui évoquent explicitement une Chute affectant non seulement l’homme, mais la Création toute entière – répandant le venin du mal, de la mort et du péché dans tout l'Univers.
4.4. Comment (et à partir de quand dans la Bible) passe-t-on de l’Adam pécheur dans le monde d’avant la Chute à la réalité historique qui est la nôtre ? Cela reste un mystère. Mais la théologie ne cherche pas à évacuer le mystère.
4.5. Cette incapacité de répondre peut paraître une faiblesse de la thèse léonardienne – qui n’aborde pas du tout la question. Mais l’autre thèse, – celle de l’identification d’Adam avec le premier homme préhistorique – me paraît plus problématique encore, et les obstacles insurmontables.
4.5a. Premier obstacle : elle présuppose que Dieu ait voulu le mal (comme la prédation animale), l’ait conçu en quelque manière, en vue d’un plus grand bien. Or, la Révélation affirme la RADICALE INNOCENCE de Dieu par rapport au Mal – Innocence absolue qui se manifeste pleinement sur la Croix : Jésus se livre aux homme comme un « agneau que l’on mène à l’abattoir ». Comment un agneau aurait-il pu imaginer un monde où les lions mangent les gazelles ?
4.5.b. Deuxième obstacle (qui survient quand on veut éviter le premier) : il faut affirmer que le monde d’avant le premier hominidé (il y a 50.000 ans) était le Paradis terrestre – et nier, purement et simplement, le donné historique. Or, une thèse qui contredit un fait historique (ou scientifique) établi n’est pas rationnelle : elle est absurde. On a donc le choix ici entre le mystère et l’absurde. Comme disait Jean Guitton (à la suite de Blaise Pascal) : « l’absurdité de l’absurde me conduit au mystère »…
4.6. Au final, la théologie de Mgr Léonard me paraît réconcilier la théologie, la science et la philosophie – chacune de ces disciplines conservant son autonomie par rapport aux autres, ne contredisant pas les vérités déjà posées, et n’imposant pas ses vues aux autres. Chacune a quelque chose à nous dire du réel – et nous fournit des lumières pour mieux comprendre les enseignements des deux autres. La thèse léonardienne ne résout certes pas toutes les difficultés – mais les plus grandes. Elle devra en tout état de cause être approfondie par les théologiens. Mais ses fruits, déjà manifestes, nous révèlent que nous sommes sans aucun doute sur la bonne voie dans la compréhension de ce grand mystère.
Chers amis,
Après les débats passionnés du groupe Facebook dédié à Claude Tresmontant, je vous propose un petit catéchisme sur le péché originel pour nous redonner quelques précieux repères sur ce grand mystère – si important pour notre foi : « On ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique – désigné dans la suite du texte CEC –, § 389).
Je le publie aujourd’hui sous la version 1.0., car le texte est perfectible (il sera retouché progressivement) et j’attends beaucoup de vos réactions et réflexions. Par faciliter la discussion et les approfondissements à venir, j’ai numéroté les Propositions, de manière à ce que vous puissiez les viser facilement et précisément.
Le présent catéchisme s’articule en 4 parties distinctes :
2. Le Péché Originel et la Chute
3. La thèse originale de Mgr Léonard
4. Les avantages et limites de la théologie de Mgr Léonard
En voici aujourd’hui la troisième partie.
3. LA THESE ORIGINALE DE MGR LEONARD SUR LE PECHE ORIGINEL
3.1. Notre Univers, issu du Big Bang, est le monde déchu – d’après la Chute d’Adam et Eve.
3.2. Adam et Eve, ainsi que la réalité du Paradis terrestre et du premier péché, échappent complètement à notre expérience. Il n’existe aucune trace historique de l’existence d’un monde intègre avant l’apparition du premier hominidé.
3.2a. Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire naturelle, on observe le jeu implacable de la sélection naturelle, la prédation animale, la cruauté et la mort. Les lois de la nature ici-bas se révèlent cruelles, sanglantes, injustes – elles ont un goût de mort qui ne paraît pas compatible avec la conception biblique du Paradis terrestre. Dès lors : OU BIEN le Paradis terrestre n’a jamais existé (c’est un pur mythe) et le récit du péché originel ne décrit pas une réalité historique (mais alors : on ne peut plus être catholique…). OU BIEN il faut comprendre ce récit AUTREMENT.
3.3. Adam et Eve, ainsi que la réalité du Paradis terrestre et du premier péché, ne se situent pas dans notre temps chronologique. Ils se situent dans UN temps, mais non dans NOTRE temps.
3.3a. De même qu’Adam est en même temps un être personnel et un être collectif (à l’image du Christ) ; de même, le péché originel est un péché qui, à la fois, a eu lieu dans le passé (un passé se situant au-delà de notre réalité historique, mais qui demeure une réalité) et se produit au présent.
3.3a.bis. Cela n'a pas plus de sens de dire que le péché originel s'est produit il y a plus de 14 milliards d'années, que de dire que le Christ a plus de 2000 ans aujourd'hui. Notre temps cosmique ne mesure pas plus la distance qui nous sépare d'Adam que celle qui sépare le Christ ressuscité de son incarnation.
3.3a.ter. "Jésus ressuscité et Marie glorifiée sont actuellement bien REELS selon la foi chrétienne, ils existent REELLEMENT MAINTENANT, et pourtant, il ne viendrait à l'esprit de personne de les situer géographiquement ou historiquement, tels qu'ils sont maintenant, à l'intérieur du monde présent, puisque, avec leur glorification, a précisément commencé un MONDE NOUVEAU, doté d'une nouvelle qualité d'existence. Jésus ressuscité n'est donc pas quelque part dans notre cosmos. D'une manière comparable, quoique non identique, Adam et son péché ne sont pas à situer à l'intérieur de notre univers avec les lois physiques et biologiques que nous lui connaissons présentement." (Mgr Léonard)
3.3b. Affirmer que le récit de la Genèse se déroule en un autre lieu et un autre temps que notre Univers issu du Big Bang n’enlève rien à la REALITE d’Adam et Eve, du Paradis terrestre, du péché originel ; ni à la dimension BIOLOGIQUE des animaux et des hommes créés par Dieu ; ni à la BONTE foncière de la matière et des corps – qui préexistaient au péché originel et ne sont donc pas des « prisons ».
3.3c. "La chute originelle n'est pas représentable à partir des schèmes de notre expérience présente. Si donc on est contraint, par les nécessités du langage, à se représenter quand même le péché d'Adam selon les catégories de notre univers et de notre histoire, on aboutira inévitablement à un scénario mythique comparable à celui qu'utilise la Bible : séduite par les ruses du serpent, Eve mange du fruit défendu et pousse Adam à faire de même, à la suite de quoi ils constatent la profondeur de leur déchéance. Ce récit est évidemment symbolique, non pas parce qu'il raconterait une illusion, mais parce que la réalité qu'il évoque et qui n'appartient pas au monde historique présent - puisqu'elle est justement à son origine - est exprimée dans les termes et selon les schèmes de notre expérience actuelle et donc de manière forcément inadéquate." (Mgr Léonard)
3.3d. Si l’on explique à un athée que le mal vient du péché de l’homme, l’athée va évidemment répliquer que le mal physique existait dans la nature bien AVANT l’apparition du premier homme. Il ne nous jugera pas crédibles. On n’a alors que trois manières de s’en sortir : OU BIEN on nie la réalité du péché originel comme évènement situé dans le temps et ayant provoqué une Chute cosmique (mais on se met en dehors de la foi catholique). OU BIEN on nie que la prédation animale soit un mal (mais on se met en dehors de la foi biblique). OU BIEN on nie la Vérité historique (en maintenant contre toute évidence que le monde d’avant 50.000 ans était le Paradis terrestre).
3.3d.bis. En affirmant à un athée que le Péché d’Adam est bel et bien REEL et HISTORIQUE, mais situé EN AMONT de notre histoire cosmique à nous, on restes fidèle : à la foi catholique (qui affirme l’historicité d’Adam et de sa faute), à la foi biblique (qui voit la prédation animale comme un mal), et aux enseignements de l’Histoire (qui situe la présence du mal physique bien AVANT l’apparition du premier hominidé).
3.3d.ter. On ne convaincra peut-être pas notre interlocuteur athée, mais au moins lui aura-t-on fourni des RAISONS de croire – ou de penser que la foi catholique n’est pas contraire à la raison.
3.3d.quater. Si l’on tient à affirmer que le premier Adam est né sur cette terre, on doit alors confesser : OU BIEN que la nature avant le premier homme, il y a 50.000 ans, était foncièrement BONNE – contre les FAITS historiques ; OU BIEN que la prédation animale n'était pas un mal ou qu'elle était un mal voulu par Dieu – contre la FOI biblique et catholique. La théologie de Mgr Léonard nous sort de ce dilemme impossible.
3.4. La thèse de Mgr Léonard a pour mérite de préserver l'ABSOLUE INNOCENCE DE DIEU EN FACE DU MAL.
3.4a. Dieu ne peut vouloir la mort des êtres qu'il créé, ni leur souffrance – il en est incapable. Il suffit de VOIR la souffrance dans les yeux d'une gazelle dévorée par un lion pour COMPRENDRE que Dieu N'A PAS PU vouloir cela, et qu'il y a quelque chose de "détraqué" dans le monde.
3.4a.bis. "Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent ; ce qui naît dans le monde est bienfaisant, et l'on n'y trouve pas le poison qui fait mourir." (Sagesse 1. 13-14)
3.4b. C’est par le péché de l'homme que le mal (y compris dans la nature - cf. 2.4) a fait son entrée dans le monde. Ce n’est pas le fait de Dieu.
3.4c. Que Dieu se serve du mal pour en tirer un plus grand bien : OUI, mais APRES la Chute. Dieu se sert du mal qui lui est IMPOSE par le péché de l'homme pour sauver l'homme. Mais Dieu n'a pas INVENTE le Mal, il ne l'a pas fait, il en est incapable ; la Création qui est sortie de ses mains était foncièrement bonne. "Dieu vit tout ce qu'il avait fait, cela était très BON".
3.4d. Réponse à l’argument selon lequel le mal réside dans le caractère INACHEVE de la Création – et correspond à un MANQUE ontologique, qui ne sera comblé que dans la vie béatifique : « si tout mal traduit un manque, tout manque ne traduit pas un mal. Le manque lié à l'inachèvement de notre être du fait que celui-ci soit en régime de création n'est pas un "mal". Par contre, la prédation animale (des animaux plus forts qui TUENT des animaux plus faibles ou malades) est un mal. Elle ne peut donc avoir été voulue par Dieu, ni avoir eu cours au Jardin d'Eden avant la Chute - c'est là une chose IMPENSABLE du point de vue biblique et catholique. »
3.4e. Y aura-t-il encore des mauvais microbes dans le monde à venir, ou des plantes carnivores, et pourquoi?
3.4e.bis. L'existence des plantes carnivores (ou des fauves carnassiers) n'a rien à voir avec la loi de l'entropie. Il faut rendre compte de leur existence – et de leur maintien ou non dans le monde à venir.
Note du Saint-Siège sur l'autonomie institutionnelle de l'Eglise
La doctrine de l’Eglise catholique relative aux aspects de la liberté religieuse (…) peut être présentée, en synthèse, comme fondée sur les quatre principes suivants : 1) la distinction entre l’Eglise et la communauté politique, 2) la liberté à l’égard de l’Etat, 3) la liberté au sein de l’Eglise, 4) le respect de l’ordre public juste.
1. La distinction entre l’Eglise et la communauté politique
L’Eglise reconnaît la distinction entre l’Eglise et la communauté politique qui ont, l’une et l’autre, des finalités distinctes ; l’Eglise ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique. La communauté politique doit veiller au bien commun et faire en sorte que, sur cette terre, les citoyens puissent mener une vie calme et paisible. L’Eglise reconnaît que c’est dans la communauté politique que l’on trouve la réalisation la plus complète du bien commun (cf. Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1910), entendu comme « l’ensemble des conditions sociales qui permettent tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (ibid., n. 1906). Il revient à l’Etat de le défendre et d’assurer la cohésion, l’unité et l’organisation de la société de sorte que le bien commun soit réalisé avec la contribution de tous les citoyens, et rende accessibles à chacun les biens nécessaires – matériels, culturels, moraux et spirituels – à une existence vraiment humaine. Quant à l’Eglise, elle a été fondée pour conduire ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.
Cette distinction repose sur les paroles du Christ : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). Sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Église sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes. S’agissant des domaines dont la finalité est à la fois spirituelle et temporelle, comme le mariage ou l’éducation des enfants, l’Eglise considère que le pouvoir civil doit exercer son autorité en veillant à ne pas nuire au bien spirituel des fidèles. L’Église et la communauté politique ne peuvent pas cependant s’ignorer l’une l’autre ; à des titres divers, elles sont au service des mêmes hommes. Elles exercent d’autant plus efficacement ce service pour le bien de tous qu’elles rechercheront davantage entre elles une saine coopération, selon l’expression du Concile Vatican II (cf. Gaudium et spes, n. 76).
La distinction entre l’Eglise et la communauté politique est assurée par le respect de leur autonomie réciproque, laquelle conditionne leur liberté mutuelle. Les limites de cette liberté sont, pour l’Etat, de s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de nuire au salut éternel des fidèles, et, pour l’Eglise, de respecter l’ordre public.
2. La liberté à l’égard de l’Etat
L’Eglise ne revendique pas de privilège, mais le plein respect et la protection de sa liberté d’accomplir sa mission au sein d’une société pluraliste. Cette mission et cette liberté, l’Eglise les a reçues ensemble de Jésus-Christ et non pas de l’Etat. Le pouvoir civil doit ainsi respecter et protéger la liberté et l’autonomie de l’Eglise et ne l’empêcher en aucune manière de s’acquitter intégralement de sa mission qui consiste à conduire ses fidèles, par sa doctrine, ses sacrements, sa prière et ses lois, à leur fin éternelle.
La liberté de l’Eglise doit être reconnue par le pouvoir civil en tout ce qui concerne sa mission, tant s’agissant de l’organisation institutionnelle de l’Eglise (choix et formation des collaborateurs et des clercs, élection des évêques, communication interne entre le Saint-Siège, les évêques et les fidèles, fondation et gouvernement d’instituts de vie religieuse, publication et diffusion d’écrits, possession et administration de biens temporels …), que de l’accomplissement de sa mission auprès des fidèles (notamment par l’exercice de son magistère, la célébration du culte, l’administration des sacrements et le soin pastoral).
La religion catholique existe dans et par l’Eglise qui est le corps mystique du Christ. Dans la considération de la liberté de l’Eglise, une attention première doit donc être accordée à sa dimension collective : l’Eglise est autonome dans son fonctionnement institutionnel, son ordre juridique et son administration interne. Les impératifs de l’ordre public juste restant saufs, cette autonomie doit être respectée par les autorités civiles ; c’est une condition de la liberté religieuse et de la distinction entre l’Eglise et l’Etat. Les autorités civiles ne peuvent pas, sans commettre d’abus de pouvoir, interférer dans ce domaine religieux, par exemple en prétendant réformer une décision de l’Evêque relative à une nomination à une fonction.
3. La liberté au sein de l’Eglise
L’Eglise n’ignore pas que certaines religions et idéologies peuvent opprimer la liberté de leurs fidèles ; quant à elle cependant, l’Eglise reconnaît la valeur fondamentale de la liberté humaine. L’Eglise voit en toute personne une créature douée d’intelligence et de volonté libre. L’Eglise se conçoit comme un espace de liberté et elle prescrit des normes destinées à garantir le respect de cette liberté. Ainsi, tous les actes religieux, pour être valides, exigent la liberté de leur auteur. Pris dans leur ensemble et au-delà de leur signification propre, ces actes accomplis librement visent à faire accéder à la « liberté des enfants de Dieu ». Les relations mutuelles au sein de l’Eglise (par exemple le mariage et les vœux religieux prononcés devant Dieu) sont gouvernées par cette liberté.
Cette liberté est en dépendance à l’égard de la vérité (« la vérité vous rendra libre », Jn 8,32) : il en résulte qu’elle ne peut pas être invoquée pour justifier une atteinte à la vérité. Ainsi, un fidèle laïc ou religieux ne peut pas, à l’égard de l’Eglise, invoquer sa liberté pour contester la foi (par exemple en prenant des positions publiques contre le Magistère) ou pour porter atteinte à l’Eglise (par exemple en créant un syndicat civil de prêtres contre la volonté de l’Eglise). Il est vrai que toute personne dispose de la faculté de contester le Magistère ou les prescriptions et les normes de l’Eglise. En cas de désaccord, toute personne peut exercer les recours prévus par le droit canonique et même rompre ses relations avec l’Eglise. Les relations au sein de l’Eglise étant toutefois de nature essentiellement spirituelle, il n’appartient pas à l’Etat d’entrer dans cette sphère et de trancher de telles controverses.
4. Le respect de l’ordre public juste
L’Eglise ne demande pas que les communautés religieuses soient des zones de « non-droit » dans lesquelles les lois de l’Etat cesseraient de s’appliquer. L’Eglise reconnaît la compétence légitime des autorités et juridictions civiles pour assurer le maintien de l’ordre public ; cet ordre public devant respecter la justice. Ainsi, l’Etat doit assurer le respect par les communautés religieuses de la morale et de l’ordre public juste. Il veille en particulier à ce que les personnes ne soient pas soumises à des traitements inhumains ou dégradants, ainsi qu’au respect de leur intégrité physique et morale, y compris à leur capacité de quitter librement leur communauté religieuse. C’est là la limite de l’autonomie des diverses communautés religieuses, permettant de garantir la liberté religieuse tant individuelle que collective et institutionnelle, dans le respect du bien commun et de la cohésion des sociétés pluralistes. En dehors de ces cas, il appartient aux autorités civiles de respecter l’autonomie des communautés religieuses, en vertu de laquelle celles-ci doivent être libres de fonctionner et de s’organiser selon leurs propres règles.
A cet égard, il doit être rappelé que la foi catholique est totalement respectueuse de la raison. Les chrétiens reconnaissent la distinction entre la raison et la religion, entre les ordres naturel et surnaturel, et ils estiment que « la grâce ne détruit pas la nature », c’est-à-dire que la foi et les autres dons de Dieu ne rendent pas inutiles ni ignorent la nature humaine et l’usage de la raison humaine, mais au contraire encouragent cet usage. Le christianisme, à la différence d’autres religions, ne comporte pas de prescriptions religieuses formelles (alimentaires, vestimentaires, mutilations, etc.) susceptibles le cas échéant de heurter la morale naturelle et d’entrer en conflit avec le droit d’un État religieusement neutre. D’ailleurs, le Christ a enseigné à dépasser de telles prescriptions religieuses purement formelles et les a remplacées par la loi vivante de la charité, une loi qui, dans l’ordre naturel, reconnaît à la conscience le soin de distinguer le bien du mal. Ainsi, l’Eglise catholique ne saurait imposer aucune prescription contraire aux justes exigences de l’ordre public.
Source
Chers amis,
Après les débats passionnés de ces derniers mois sur le groupe Facebook dédié à Claude Tresmontant, je vous propose un petit catéchisme sur le péché originel pour nous redonner quelques précieux repères sur ce grand mystère – si important pour notre foi : « On ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique – désigné dans la suite du texte CEC –, § 389).
Je le publie aujourd’hui sous la version 1.0., car le texte est perfectible (il sera retouché progressivement) et j’attends beaucoup de vos réactions et réflexions. Par faciliter la discussion et les approfondissements à venir, j’ai numéroté les Propositions, de manière à ce que vous puissiez les viser facilement et précisément.
Le présent catéchisme s’articule en 4 parties distinctes :
2. Le Péché Originel et la Chute
3. La thèse originale de Mgr Léonard
4. Les avantages et limites de la théologie de Mgr Léonard
En voici aujourd’hui la seconde partie.
2. LE PECHE ORIGINEL ET LA CHUTE
2.1. Suite à leur péché, Adam et Eve découvrent... non pas qu’ils sont « comme des dieux » ainsi que leur avait faussement promis le Serpent, mais qu’ils sont nus...
2.1a. Par le péché, Adam et Eve expérimentent qu’ils ne sont pas Dieu – en Qui ne réside aucun mal. Ils sont ramenés à leur condition de créature, aspirés vers le bas, lorsque Dieu voulait les élever vers la divinisation.
2.1b. « Dans ce péché, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là même, il a méprisé Dieu : il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien. Constitué dans un état de sainteté, l’homme était destiné à être pleinement divinisé par Dieu dans la gloire. Par la séduction du diable, il a voulu être COMME Dieu, mais SANS Dieu, et AVANT Dieu, et non pas SELON Dieu » (CEC § 398).
2.2. La désobéissance d’Adam et Eve a provoqué leur mort spirituelle. Ils se cachent de Dieu dont ils ont peur (signe que l’harmonie avec Dieu est brisée).
2.2a. La séparation de l’esprit humain d’avec Dieu est ce en quoi consiste la mort spirituelle de l’homme.
2.2b. L’esprit de l’homme, mortel par nature (parce que libre par nature de refuser Dieu), mais préservé en son intégrité par son obéissance au commandement de Dieu, perd, à cause de la désobéissance, la grâce de la sainteté originelle, la grâce sanctifiante qui lui communiquait la vie même de Dieu.
2.2c. Sans la grâce sanctifiante, l’esprit de homme n’est plus habité par l’Esprit de Dieu ; l’homme est séparé de Dieu. Il ne tombe pas dans le néant, car même après la Chute, l’homme demeure dans la Pensée de Dieu. Pour tomber dans le néant, il faudrait que Dieu cesse de penser à l’homme et de l’aimer – ce qui est impossible. L’homme vit donc toujours en Dieu, mais à cause du péché, Dieu ne vit plus en l’homme. L’homme est seul et malheureux – quoique Dieu lui garde son amour : l’alliance est brisée.
2.2d. La mort spirituelle de l’homme conduit, sans le salut, à la damnation éternelle, qui est séparation définitive d’avec Dieu. Les damnés ne tombent pas dans le néant, car il faudrait pour cela que Dieu cesse de penser aux hommes et de les aimer – ce qui est impossible. L’homme vit donc toujours en Dieu, mais à cause de son impénitence finale, Dieu ne vivra plus jamais en l’homme. L’homme est seul et malheureux pour toujours – quoique Dieu lui garde éternellement son amour : tel est l’Enfer.
2.3. La désobéissance d’Adam et Eve a provoqué leur mort biologique. Ils n’ont plus accès à l’arbre de la vie qui assurait l’union de leur corps, mortel par nature, avec leur âme, immortelle par nature, dans l’unité de leur personne.
2.3a. La séparation du corps et de l’âme, unis depuis la conception de l’homme dans l’unité de sa personne, est ce en quoi consiste la mort charnelle de l’homme – qui n’est donc pas un anéantissement de tout son être, mais une division douloureuse au sein de sa nature.
2.3b. Le corps de l’homme, mortel par nature, mais préservé en son intégrité par le fruit de l’arbre de vie, fait l’expérience de la destruction : « Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière » (Gn 3. 19).
2.3c. L’âme de l’homme, immortelle en raison de sa nature spirituelle, demeure pour toujours (cf. CEC § 366). Après la séparation d’avec le corps, elle s’élève vers Dieu pour être jugée et recevoir de Lui sa fin dernière.
2.3d. L’âme de l’homme est immortelle. Le corps et l’esprit de l’homme sont mortels. La mort charnelle conduit le corps à la poussière et l’âme au Jugement, puis à sa fin dernière ; la mort spirituelle conduit, sans le salut, à la damnation éternelle.
2.4. Avec le péché originel, le mal, la prédation, la loi de dégradation, le vieillissement, l’usure, la souffrance, la douleur et la mort entrent dans le monde.
2.4a. Le cosmos tout entier est atteint, jusque dans sa structure la plus intime, jusque dans ses lois les plus profondes : « La création a été livrée au pouvoir du néant (…). La création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d'un enfantement qui dure encore. » (Rom 8. 20. 22)
2.4b. A la loi universelle de croissance par évolution se joint la loi universelle de dégradation par entropie. « La création (…) a gardé l'espérance d'être, elle aussi, libérée de l'esclavage, de la dégradation inévitable... »
2.4c. La nature est soumise à des soubresauts violents, dangereux et mortels pour l’homme (séismes, éruptions volcaniques, inondations, tsunamis…). « L’harmonie avec la création est rompue : la création visible est devenue pour l’homme étrangère et hostile. A cause de l’homme, la création est soumise à la servitude de la corruption » (CEC § 400).
2.4d. Les virus ou bactéries deviennent dangereuses et mortelles pour l’homme à raison d’un manque de mesure et d'harmonie entre parasites et hôtes – d'un dysfonctionnement ou d'un manque d'ajustement entre la virulence du parasite et la réponse de l'hôte.
2.4e. Le monde animal devient féroce et cruel. La loi de la sélection naturelle agit implacablement au profit des plus forts, en éliminant impitoyablement les plus faibles et les malades.
2.4f. Après la Chute, l’homme reçoit pour nourriture, en plus des végétaux et des fruits, la viande animale. "Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes" (Gn 9. 3). Cf. supra 1.3b
2.4g. Des plantes aussi deviennent carnivores.
2.4h. Le travail de l’homme devient pénible. Le travail humain n’est pas une malédiction, cf. supra 1.6a – mais sa pénibilité est une conséquence du péché originel.
2.4i. La femme enfante dans la douleur. La souffrance humaine, qui n’était pas présente à l’origine de la Création, apparaît dans la Création déchue. L’enfantement, dans le plan de Dieu, était sans douleur, cf. supra 1.6b. Il en sera ainsi de l’enfantement de Jésus par la Vierge immaculée.
2.5. La nature humaine est substantiellement atteinte – la concupiscence (attraction naturelle vers le mal) l’habite désormais.
2.5a. « L’harmonie dans laquelle [Adam et Eve] étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est brisée ; l’union de l’homme et de la femme est soumise à des tensions ; leurs rapports seront marqués par la convoitise et la domination. » (CEC § 400)
2.5b. « En conséquence du péché originel, la nature humaine est affaiblie dans ses forces, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au péché (inclination appelée " concupiscence "). » (CEC § 418)
2.5c. Les épreuves divines deviennent coûteuses pour l’homme ; les tentations (diaboliques ou de notre nature concupiscente) dures à affronter – comparables à celle d’un grand fumeur qui s’est arrêté de fumer trois jours avant et à qui l’on proposerait une cigarette. Cf. supra 1.15d.
2.5d. « Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Car l’homme, s’il regarde au-dedans de son cœur, se découvre également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l’homme a, par le fait même, brisé l’ordre qui l’orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création (GS 13, § 1). » (CEC § 401)
2.5e. « La doctrine sur le péché originel – liée à celle de la Rédemption par le Christ – donne un regard de discernement lucide sur la situation de l’homme et de son agir dans le monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur l’homme, bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel entraîne la servitude sous le pouvoir de celui qui possédait l’empire de la mort, c’est-à-dire du diable. Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs. » (CEC § 407).
2.5f. « Les conséquences du péché originel et de tous les péchés personnels des hommes confèrent au monde dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée par l’expression de Saint Jean : " le péché du monde " (Jn 1, 29). Par cette expression on signifie aussi l’influence négative qu’exercent sur les personnes les situations communautaires et les structures sociales qui sont le fruit des péchés des hommes. » (CEC § 408)
2.6. Le péché d’Adam et Eve atteint leur nature, et donc : tous ceux qui, à leur suite, héritent de leur nature.
2.6a. « Tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam. Saint Paul l’affirme : " Par la désobéissance d’un seul homme, la multitude (c’est-à-dire tous les hommes) a été constituée pécheresse " » (CEC § 402) « A la suite de Saint Paul l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est ‘mort de l’âme’ ». (CEC § 403)
2.6b. L’homme d’après la Chute est pécheur dès le sein de sa mère (cf. Ps 50. 7) – non qu’il soit coupable à ce moment d’un quelconque péché personnel, mais il est conçu dans un état de déchéance qui fut celui d’Adam et Eve après le péché originel. Sans le salut, il est damné éternellement. « Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » (Jn 3. 5)
2.6c. « Comment le péché d’Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le genre humain est en Adam " comme l’unique corps d’un homme unique " (S. Thomas d’A., mal. 4, 1) Par cette " unité du genre humain " tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans un état déchu. C’est un péché qui sera transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission d’une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et c’est pourquoi le péché originel est appelé " péché " de façon analogique : c’est un péché " contracté " et non pas " commis ", un état et non pas un acte. » (CEC § 404)
2.6d. « Le péché originel est transmis avec la nature humaine, non par imitation, mais par propagation, (…) il est ainsi propre à chacun » (CEC § 419)
2.6e. « Quoique propre à chacun, le péché originel n’a, en aucun descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la sainteté et de la justice originelles » (CEC § 405)
2.7. La Création et la nature humaine restent bonnes malgré tout, foncièrement bonnes. Le péché n’a pas anéanti la bonté primordiale de la Création divine – mais il l’a blessé, altéré, corrompu.
2.7a. « La nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché » (CEC § 405).
2.8. Dieu n’a pas abandonné l’homme à sa condition déchue d’homme pécheur. Dès après la Chute, il lui annonce un Salut à venir ; il lui promet un Rédempteur.
2.8a. Dieu dit au Serpent : « Je mettrai une hostilité entre la femme et toi, entre sa descendance et ta descendance : sa descendance te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. »(Gn 3. 15)
2.8a.bis. « Ce passage de la Genèse a été appelé PROTEVANGILE, étant la première annonce du Messie rédempteur, celle d’un combat entre le serpent et la Femme et de la victoire finale d’un descendant de celle-ci. » (CEC § 410)
2.8a.ter. « La tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du NOUVEL ADAM qui, par son obéissance jusqu’à la mort de la Croix répare en surabondance la désobéissance d’Adam. Par ailleurs, de nombreux Pères et docteurs de l’Église voient dans la femme annoncée dans le protévangile la mère du Christ, Marie, comme NOUVELLE EVE. Elle a été celle qui, la première et d’une manière unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ : elle a été préservée de toute souillure du péché originel et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale de Dieu, elle n’a commis aucune sorte de péché. » (CEC § 411)
2.8b. Dieu veut offrir à chaque être humain la possibilité d’accéder à la vie éternelle et de parvenir ainsi à la divinisation à laquelle il était initialement prédestiné. « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité » (1 Tim 2. 4)
2.8c. Lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son propre Fils, victime propitiatoire offerte pour le pardon de tous nos péchés. « Dieu a exposé le Christ sur la croix afin que, par l'offrande de son sang, il soit le pardon pour ceux qui croient en lui. Ainsi Dieu voulait manifester sa justice : lui qui, au temps de sa patience, effaçait déjà les péchés d'autrefois, il voulait manifester, au temps présent, ce qu'est sa justice qui sauve. Telle est sa manière d'être juste et de rendre juste celui qui met sa foi en Jésus. » (Rm 3. 25-26)
2.8d. C’est par notre foi en Jésus-Christ et notre charité active que nous échappons à l’Enfer et parvenons au Salut.
2.8e. Notre foi en Jésus-Christ se vit dans son Eglise, de laquelle nous recevons les sacrements du salut, et d’abord le baptême par lequel nous renaissons à la vie divine.
2.8f. « Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel. » (CEC § 405)
2.8f.bis. « Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse combattre pour s’attacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure. » (CEC § 409)
2.8g. « La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait ôtés (…). Rien ne s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où (…) le chant de l’‘Exultet’ : ‘O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur’ » (CEC § 412).
2.8g.bis. « La victoire sur le péché remportée par le Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que le péché nous avait ôtés : " La où le péché a abondé, la grâce a surabondé " (Rm 5, 20). » (CEC § 420)
2.9. « Il n’y a pas d’autre nom sous le ciel que celui de Jésus-Christ par lequel nous puissions être sauvés. » (Actes 4. 12)
Chers amis,
Après les débats passionnés de ces derniers mois sur le groupe Facebook dédié à Claude Tresmontant, je vous propose un petit catéchisme sur le péché originel pour nous redonner quelques précieux repères sur ce grand mystère – si important pour notre foi : « On ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au mystère du Christ. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique – désigné dans la suite du texte CEC –, § 389).
Je le publie aujourd’hui sous la version 1.0., car le texte est perfectible (il sera retouché progressivement) et j’attends beaucoup de vos réactions et réflexions. Par faciliter la discussion et les approfondissements à venir, j’ai numéroté les Propositions, de manière à ce que vous puissiez les viser facilement et précisément.
Le présent catéchisme s’articule en 4 parties distinctes :
1. Le monde avant la Chute
2. Le Péché Originel et la Chute
3. La thèse originale de Mgr Léonard
4. Les avantages et limites de la théologie de Mgr Léonard
En voici aujourd’hui la première partie.
1. LE MONDE AVANT LA CHUTE
1.1. Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent.
1.2. Dieu créa l’homme à son image et à sa ressemblance. Homme et femme, il les créa.
1.2a. « Dieu n’est aucunement à l’image de l’homme. Il n’est ni homme ni femme. Dieu est pur esprit en lequel il n’y a pas place pour la différence des sexes. Mais les "perfections" de l’homme et de la femme reflètent quelque chose de l’infinie perfection de Dieu : celles d’une mère et celles d’un père et époux. » (CEC § 370).
1.2b. « Créés ensemble, l’homme et la femme sont voulus par Dieu l’un pour l’autre (…). Aucun des animaux ne peut être ce "vis-à-vis" de l’homme (…). L’homme découvre la femme comme un autre "moi", de la même humanité (…). L’homme et la femme sont faits "l’un pour l’autre" : non pas que Dieu ne les aurait faits qu’"à moitié" et "incomplets" ; Il les a créés pour une communion de personnes, en laquelle chacun peut être "aide" pour l’autre parce qu’ils sont à la fois égaux en tant que personnes ("os de mes os...") et complémentaires en tant que masculin et féminin. » (CEC § 371-372)
1.3. La Création sortie des mains de Dieu était BONNE et INTEGRE (« Et Dieu vit que cela était BON »). Il ne s’y faisait aucune espèce de mal. La matière et les corps biologiques sont des réalités BONNES. La sexualité aussi : le commandement donné par Dieu à Adam et Eve de faire des enfants est antérieure au péché originel (cf. Gn 1. 22)
1.3a. « Dans le mariage, Dieu les unit de manière que, en formant "une seule chair", ils puissent transmettre la vie humaine : "Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre". En transmettant à leurs descendants la vie humaine, l’homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d’une façon unique à l’œuvre du Créateur. » (CEC § 372)
1.3b. Dans le Paradis terrestre, la nature est en parfaite harmonie. Il n’existe aucune prédation. La vie ne se nourrit pas de la mort. Aux hommes, Dieu dit : « Je vous donne toutes les herbes portant semence qui sont sur toute la surface de la terre et tous les arbres qui ont des fruits portant semence : ce sera votre nourriture. » (Gn 1. 29) Aux animaux, Dieu donne « la verdure des plantes » (Gn 1. 30).
1.3c. Le livre d’Isaïe, dans une vision eschatologique, nous révèle que la prédation animale est une corruption, un mal. Elle n’existait donc pas dans la Création intègre sortie des mains de Dieu : « Le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l'ourse auront même pâturage, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le boeuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s'amusera sur le nid du cobra, sur le trou de la vipère l'enfant étendra la main. Il ne se fera plus rien de MAUVAIS ni de CORROMPU sur ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. » (Is 11. 6-9)
1.3d. Au Paradis terrestre, il ne règne aucune souffrance, aucune douleur, aucune maladie (aucun mauvais microbe : il existe sans doute des virus ou des bactéries, mais ils sont inoffensifs pour l’homme).
1.4. Adam et Eve furent nos premiers parents. Ils ne sont pas SEULEMENT une représentation symbolique de l’humanité intégrale, mais deux êtres réels, de chair et de sang, créés dans le temps.
1.4a. « Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un FAIT QUI A EU LIEU au commencement de l’histoire de l’homme. La Révélation nous donne la CERTITUDE DE FOI que toute l’histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par NOS PREMIERS PARENTS » (CEC § 390)
1.4b. Ils sont tous deux indissociablement une âme spirituelle, immédiatement créée par Dieu, et un Corps biologique façonné et animé par cette âme : « La personne humaine, créée à l’image de Dieu, est un être à la fois CORPOREL et SPIRITUEL (…). Le corps de l’homme participe à la dignité de l’"image de Dieu" : il est corps humain précisément parce qu’il est animé par l’âme spirituelle, et c’est la personne humaine toute entière qui est destinée à devenir, dans le Corps du Christ, le Temple de l’Esprit (…). L’unité de l’âme et du corps est si profonde que l’on doit considérer l’âme comme la " forme " du corps ; c’est-à-dire, c’est grâce à l’âme spirituelle que le corps constitué de matière est un corps humain et vivant ; l’esprit et la matière, dans l’homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature. » (CEC § 362-365)
1.5. Ils vivaient en harmonie en présence de Dieu (l’état de grâce originelle), dans la pleine conscience de leur destinée éternelle qui était de partager la vie Trinitaire.
1.5a. « Le premier homme n’a pas seulement été créé bon, mais il a été constitué dans une amitié avec son Créateur et une harmonie avec lui-même et avec la création autour de lui telles qu’elles ne seront dépassées que par la gloire de la nouvelle création dans le Christ. » (CEC § 374)
1.5b. « L’Église (…) enseigne que nos premiers parents Adam et Eve ont été constitué dans un état "DE SAINTETE ET DE JUSTICE ORIGINELLE". Cette grâce de la SAINTETE originelle était une "participation à la vie divine" (…). L’harmonie intérieure de la personne humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme, enfin l’harmonie entre le premier couple et toute la création constituait l’état appelé " JUSTICE originelle " » (CEC § 375-376).
1.5c. « La "maîtrise" du monde que Dieu avait accordée à l’homme dès le début, se réalisait avant tout chez l’homme lui-même comme maîtrise de soi. L’homme était intact et ordonné dans tout son être, parce que libre de la triple concupiscence (cf. 1 Jn 2, 16) qui le soumet aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens terrestres et à l’affirmation de soi contre les impératifs de la raison. » (CEC § 377)
1.5d. « C’est toute cette harmonie de la justice originelle, prévue pour l’homme par le dessein de Dieu, qui sera PERDUE par le péché de nos premiers parents. » (CEC § 379)
1.6. Conformément à leur état de créature spirituelle, il leur fallait se préparer à entrer dans cette communion d’amour avec Dieu. Ils étaient appelés à participer à l’achèvement de leur propre création – chacun selon sa vocation propre : l’homme, par son travail ; la femme, par la transmission de la vie (ces deux réalités étant vécues dans la communion).
1.6a. Par son travail, l’homme « ressemble » à Dieu : il « créé » (fabrique) des choses, il modifie le monde créé.
1.6b. Par la transmission de la vie, la femme « ressemble » à Dieu : elle « créé » (enfante) des êtres nouveaux.
1.7. Adam et Eve sont des créatures. Comme toutes les créatures, ils n’ont pas le principe de la vie éternelle en eux-mêmes : ils sont mortels.
1.7a. La mort s’entend de la séparation du corps et de l’âme spirituelle. Elle n’est pas l’anéantissement de tout l’être : l’âme spirituelle demeure immortelle (ce en quoi aussi elle est à l’image de Dieu). « L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est (…) immortelle : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale. » (CEC § 366)
1.8. Adam et Eve vivent dans une réalité, le Jardin d’Eden, dans lequel se trouve deux arbres particuliers : l’arbre de la vie, qui est au centre du Jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal – dont on ne sait pas s’il est au centre du Jardin, ou à l’extérieur (cf. Gn 1. 8).
1.9. Adam et Eve peuvent manger de tous les arbres du Jardin, hormis l’arbre de la connaissance du bien et du mal (cf. Gn 1. 16-17). Ils ont donc accès à l’arbre de la vie – qui leur assure l’immortalité.
1.9a. Adam et Eve sont mortels par nature (au sens défini dans la proposition 1.7a), mais immortels de fait – grâce au don que Dieu leur fait de l’arbre de la vie.
1.10. Pour accéder à la vie trinitaire, il leur fallait subir l’EPREUVE de leur liberté – car la liberté, pour être véritable, doit être éprouvée et trouver à s’exercer.
1.10a. Adam et Eve devaient faire le choix explicite de Dieu – en reconnaissant leur état de créature, et en demeurant dans une humble et joyeuse obéissance à Dieu et à ses commandements de Sagesse.
1.11. L’entrée d’Adam et Eve dans l’intimité de la vie Trinitaire se serait produite non par la mort – étrangère au plan de Dieu – mais par une Assomption, comparable à ce que vécue la Vierge Marie, la Nouvelle Eve.
1.11a. Le corps et l’âme d’Adam et Eve – et de tous leurs descendants – auraient été, au temps voulu par Dieu, élevés ensemble, sans aucune séparation, pour être glorifiés, transfigurés, divinisés (cf. Proposition 1.5a)
1.12. Cette divinisation se serait produite par le Christ et dans le Christ (cf. Proposition 1.5a). Toute la Création a été faite par le Christ, avec le Christ, dans le Christ, et POUR le Christ (cf. Col 1. 16).
1.12a. L’Incarnation du Verbe se serait donc produite en tout état de cause – car c’est en Lui que l’humanité devait être épousée ; c’est en Lui qu’elle devait accéder auprès du Père dans le feu de l’Esprit ; c’est par Lui que nous devions devenir, pour Dieu, des fils adoptifs ; c’est Lui qui devait, en sa Personne, tout récapituler, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre (Ep 1. 3-6 ; 9-10). C’est Lui, dont l’arbre de Vie était la figure au Jardin d’Eden, Lui qui devait donner sa chair en nourriture pour que les hommes vivent de sa vie, dans l’éternité de Dieu.
1.13. Il est probable que c’est ce Plan de Dieu d’une Union nuptiale avec l’humanité dans l’Incarnation du Verbe, qui ait suscité la jalousie de Satan et provoqué la Chute des Anges.
1.13a. La présentation aux anges du Plan de Dieu d’épouser l’humanité dans le Christ a sans doute constitué l’EPREUVE de la liberté des Anges. Eux aussi étaient appelés à reconnaître leur état de créature, en demeurant dans une humble et joyeuse obéissance à Dieu à ses commandements de Sagesse.
1.13b. La Chute des Anges s’est produite avant celle des hommes. Elle est lui est donc indépendante. La Chute des Anges n’entraînait pas fatalement la Chute des hommes : ceux-ci auraient pu ne pas tomber.
1.13c. Si la cause de la Chute des Anges réside dans l’Incarnation du Verbe, il faut admettre que l’Incarnation ne devait pas survenir exclusivement dans l’économie de la Rédemption – puisque si l’homme n’avait pas chuté, un Rédempteur n’aurait pas été nécessaire, mais les Anges, eux, seraient quand même tombés à cause de l’Incarnation du Verbe.
1.14. Satan est un être angélique personnel – non un principe métaphysique du mal, qui n’existait pas dans la Création de Dieu. Créé bon, comme toute chose, Satan (appelé Diable ou Démon) s’est corrompu de manière définitive, en raison de sa nature, entraînant avec lui, nous dit la Tradition, le tiers des anges. Il est damné pour l’éternité, sans aucune possibilité de retour.
1.14a. « L’Écriture parle d’un péché de ces anges (…).C’est le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l’infinie miséricorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. "Il n’y a pas de repentir pour eux après la chute, comme il n’y a pas de repentir pour les hommes après la mort" (St Jean Damascène). » (CEC § 392-393)
1.14b. « La puissance de Satan n’est (…) pas infinie. Il n’est qu’une créature, puissante du fait qu’il est pur esprit, mais toujours une créature : il ne peut empêcher l’édification du Règne de Dieu. » (CEC § 395)
1.15. Par jalousie, Satan tenta Adam et Eve – voulant les entraîner dans sa Chute.
1.15a. Dieu éprouva Adam et Eve en leur donnant un commandement (celui de ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal) et en laissant Satan les tenter.
1.15b. « Dieu a créé l’homme à son image et l’a constitué dans son amitié. Créature spirituelle, l’homme ne peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre soumission à Dieu. C’est ce qu’exprime la défense faite à l’homme de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, "car du jour où tu en mangeras, tu mourras" (Gn 2, 17). "L’arbre de la connaissance du bien et du mal" (Gn 2, 17) évoque symboliquement la limite infranchissable que l’homme, en tant que créature, doit librement reconnaître et respecter avec confiance. L’homme dépend du Créateur, il est soumis aux lois de la création et aux normes morales qui règlent l’usage de la liberté. » (CEC § 396)
1.15c. Dieu permit la tentation de Satan parce qu’elle offrait à Adam et Eve la possibilité d’exercer leur liberté – mais Dieu ne tenta pas Adam et Eve. A Dieu l’épreuve (en vue du bien) ; à Satan la tentation (en vue du mal). Dieu ne tente jamais personne (cf. Jc 1. 13). « La permission divine de l’activité diabolique est un grand mystère, mais "nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment" (Rm 8, 28). » (CEC § 395)
1.15d. Dieu permit cette tentation aussi (et peut-être surtout) parce qu’elle était aisément surmontable. Elle était comparable à celle d’un non-fumeur à qui l’on proposerait une cigarette : il leur aurait été facile de décliner l’offre. La nature intègre d’Adam et Eve ne comportait aucune concupiscence, aucune attraction pour le péché (cf. Proposition 1.5c).
1.16. Adam et Eve succombèrent à la tentation du démon, qui utilisa le mensonge pour susciter dans leur âme le désir de devenir PAR EUX-MÊMES comme des dieux.
1.16a. « Nous trouvons un reflet de cette rébellion dans les paroles du tentateur à nos premiers parents : "Vous deviendrez comme Dieu" (Gn 3, 5). Le diable est "pécheur dès l’origine" (1 Jn 3, 8), "père du mensonge" (Jn 8, 44). » (CEC § 392)
1.16b. Le péché d’Adam et Eve est un péché d’orgueil et de désobéissance – et nullement donc, comme on l’a dit, un péché sexuel.
1.16c. Le commandement qui était fait à Adam et Eve de ne pas manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne signifiait pas que Dieu ne voulait pas qu’ils demeurent dans l’incapacité de discerner le bien et le mal (l’obéissance à ce commandement, du reste, impliquait cette capacité de discernement) ; il signifiait que Dieu ne voulait pas qu’Adam et Eve fassent l’expérience du mal (« connaître », au sens biblique, c’est « faire l’expérience » concrètement) – de la même manière qu’ils faisaient l’expérience du bien au Jardin d’Eden.
Suite à notre article sur la foi et la démarche scientifique, le P. Beukelaer nous répond sur son blog :« Même s’il l’exprime avec délicatesse, l’auteur ne m’en voit pas moins glisser vers le « fidéisme » (la foi sans la raison). Personnellement, je pense que c’est lui qui risque de verser dans le « rationalisme » en déclarant: « Voilà pourquoi la foi est fondamentalement un acte de l’intelligence ». Entendons-nous : Les « raisons de croire » sont d’utiles marche-pieds pour inviter notre intelligence à reconnaître que la foi est raisonnable. Ils constituent donc également souvent une préparation à l’Evangile. Mais ils ne sont pas les prémisses logiques qui conduisent nécessairement en la foi au Ressuscité. Comme si la nature humaine se suffisait pour devenir chrétien et que l’Esprit était superflu. « Credo ut intelligam » enseignait saint Augustin. »
Je remercie le Père pour cette réponse qui nous permet d’approfondir – en cette Année de la Foi récemment inaugurée par Benoît XVI – l’importante question des relations de la Foi avec la Raison (qui est au cœur, me semble-t-il, des préoccupations de nos derniers pontifes). Elle me fournit l’occasion également d’écarter toute équivoque quant à mon propos – et ceux de Claude Tresmontant.
Il est vrai qu’à vouloir trop insister sur l’importance de la raison, on peut donner à penser qu’il suffit de savoir pour croire. Auquel cas, bien entendu, le reproche de rationalisme serait fondé.
Qu’est-ce en effet que le rationalisme ? Nous avons cité dans notre précédent article la définition du fidéisme selon Mgr Léonard. Reprenons son ouvrage sur Les raisons de croire pour écouter maintenant ce qu’il nous dit du rationalisme – qui est l’erreur symétrique du fidéisme que nous dénoncions.
« Le rationalisme pur consiste dans le rejet a priori de la révélation ou de certains de ses aspects au nom d’une conception trop étroite de la raison qui interdit à l’avance à Dieu soit d’exister, soit de se révéler et d’agir de la manière dont la religion (…) se représente qu’il se révèle et agit. Le rationalisme dira par exemple : Dieu est éternel, donc il ne peut entrer dans l’histoire pour s’y révéler ; il est transcendant, donc il ne peut s’incarner en Jésus ; il est impassible, donc il ne peut souffrir la Croix et ressusciter ; etc… »
En cette acception-là, je pense qu’il n’y a pas la moindre ambiguïté – nous ne sommes pas rationalistes. Comme chrétiens, et conformément à la pensée de Claude Tresmontant, nous affirmons que Dieu existe ; qu’il s’est révélé à Israël ; qu’il s’est incarné en Jésus-Christ – mort et ressuscité pour notre Salut ; qu’il est réellement présent à son Eglise, aujourd’hui et jusqu’à la fin du monde – la conduisant peu à peu vers la Vérité toute entière. Nous croyons que les vérités révélées par Dieu ne sont pas accessibles, de soi, à la seule raison – et que pour les connaître, il fallait que Dieu nous les révélât ; que la Vérité absolue dépasse notre raison.
Mais nous croyons et affirmons tout cela indissociablement au nom de la foi et de la raison – car nous pensons que toutes ces vérités que je viens d’évoquer peuvent être connues par une analyse rationnelle partant de la considération des phénomènes objectifs que sont : la Création, le fait de la Révélation, l’évènement Jésus-Christ, et la réalité organique de l’Eglise catholique.
Nous encourons par conséquent le risque d’être considérés comme rationalistes en la seconde acception évoquée par Mgr Léonard : « Sous une forme plus souple, le rationalisme est moins préoccupé de rejeter la foi que de se l’annexer en la résorbant dans le champ de la raison. Cela aboutit à la gnose et à sa version contemporaine, l’idéologie (…). Le rationalisme consiste à vouloir enfermer le fait et le contenu de la révélation dans l’enceinte de la simple – et souvent trop simple – raison, comme si la vérité de la foi était nécessairement à la mesure de l’homme. »
C’est donc là qu’une précision s’impose. Dans mon précédent article, j’écrivais : « Le croyant croit parce qu’il sait ». Je reconnais que cette formule n’est pas très heureuse – et qu’elle peut prêter à confusion. Ce n’est pas parce que je sais que Dieu existe, que Dieu s’est révélé au peuple hébreu, que Jésus-Christ est le Fils de Dieu fait homme, que l’Eglise catholique est guidée infailliblement par l’Esprit Saint ; que nécessairement, obligatoirement, mécaniquement, je vais croire. Comme le dit à juste titre le P. Beukelaer, les raisons de croire « ne sont pas les prémisses logiques qui conduisent nécessairement en la foi au Ressuscité. » La preuve ? Elle se trouve en Satan et dans les démons. « Tu crois qu'il y a un seul Dieu? Tu as raison. Les démons, eux aussi, le croient, mais ils tremblent de peur. » (Jc 2. 19)« Pas un dogme dont le démon ne sache l’exacte vérité » rappelait Fabrice Hadjadj dans un ouvrage saisissant que tout évangélisateur devrait avoir en bonne place dans sa bibliothèque[1] : « L’apologétique s’efforce de montrer la vérité du christianisme, mais cette vérité connue n’empêche pas d’être pire. Elle ouvre la possibilité de la conversion, mais aussi celle d’un refus consommé. » [2].
La foi n’est donc pas simplement affaire de connaissance intellectuelle. Elle est plus que du savoir. Elle implique un consentement à la vérité qui se révèle, une humble soumission à Dieu, une filiale obéissance à sa Parole – à laquelle nos cœurs endurcis par l’orgueil ne se plient pas facilement.
Pour croire en Dieu, il ne suffit pas de savoir QUI il est et ce qu’il fait : il faut encore accepter de remettre notre vie entre Ses mains ; reconnaître sa seigneurie dans toutes les dimensions de notre existence ; renoncer à nos propres vues lorsqu’elles contredisent les Siennes ; remettre en cause certains de nos comportements auxquels nous sommes attachés, lorsqu’ils nuisent à notre relation vitale avec Dieu et avec nos frères – ce qui suppose une conversion de tout notre être, un choix de notre volonté, l’exercice de notre liberté : un Amour de Charité, tout simplement.
Ce n’est pas parce qu’une chose est vraie que nous l’acceptons volontiers ni facilement ; que nous l’aimons ; surtout lorsqu’elle bouscule nos habitudes, dérange notre confort, contrarie nos convictions premières. Nous pouvons préférer suivre nos voies plutôt que celles de Dieu... en toute connaissance de cause.
Un tel déni du réel est possible, selon Tresmontant, parce que « L’intelligence est une action, elle procède d’un choix, d’une disposition originelle, elle naît dans les secrets du cœur » [3] : « Il n'y a pas de double comptabilité, cloisons étanches entre la pensée et la liberté, l'action première et essentielle qui définit un être. La pensée ne se joue pas dans un lieu pur, séparé de l'option du coeur et de ses desseins obscurs. Le contraire de la vérité n'est pas l'erreur, mais le mensonge. Il y a mensonge et non pas seulement erreur, à cause de l’inhabitation dans le secret de l'homme, de la vérité qui le travaille. La relation entre cette vérité et l’homme constitue la conscience morale. L'homme a le pouvoir de refouler, de se cacher à soi-même l'exigence de cette vérité qui opère en lui. »[4].
Aussi : « La connaissance n’est pas un luxe, un épiphénomène inutile. Elle est une question de vie ou de mort (…). Le progrès dans la connaissance est un cheminement vers la vie(…). L’intelligence est notre acte principal ; nous en sommes responsables. » [5]
C’est en ce sens que je disais que la foi est un « acte de l’intelligence ». Le P. Beukelaer me reproche fraternellement l’usage de cette expression. Elle n’est cependant pas de moi, mais… de Saint Thomas d’Aquin. Himself !
« Croire, nous dit le Docteur Angélique, est un acte de l’intelligence adhérant à la vérité divine sous le commandement de la volonté mue par Dieu au moyen de la grâce » [6].
Il y a donc dans la foi une double part : celle de Dieu – qui révèle une vérité inaccessible à la raison humaine (mais non inintelligible) et qui communique sa grâce. Et celle de l’homme – dont l’intelligence choisit d’adhérer à la vérité divinement révélée.
La part de l’homme, c’est l’intelligence. C’est par son intelligence (des vérités naturelles) qu’il est conduit à la foi ; et c’est à l’intelligence (des vérités divines) que la foi le conduit. Quoiqu’il en soit, on voit bien que, comme le disait Benoît XVI en 2008 à Paris : « Jamais Dieu ne demande à l'homme de faire le sacrifice de sa raison ! Jamais la raison n'entre en contradiction réelle avec la foi ! L'unique Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, a créé notre raison et nous donne la foi, en proposant à notre liberté de la recevoir comme un don précieux. C'est le culte des idoles qui détourne l'homme de cette perspective, et la raison elle-même peut se forger des idoles. »
Puisqu’il n’y a pas contradiction entre la raison et la foi – mais au contraire fécondation mutuelle –, tous les moyens humains que nous pouvons prendre pour développer notre intelligence du réel disposera notre cœur à l’accueil de la foi – qui est la plénitude de la Connaissance. « La foi, c’est l’intelligence (…) rappelait Claude Tresmontant à la suite du Docteur Commun. La foi est adhésion à la vérité » [7]. Encore faut-il la connaître... C’est tout l’enjeu, me semble-t-il, de l’apologétique chrétienne qui,en dépit de ses limites justement soulignées plus haut par Fabrice Hadjadj, reste un outil majeur d’apostolat : la mission de l’Eglise est de donner au monde la Vérité.
Non pas, je le répète, que l’intelligence de la Vérité soit suffisante pour croire – la foi n’est pas le fruit naturel d’une raison qui sait – la raison qui sait a aussi le pouvoir de se perdre... Mais elle est fondamentale et nécessaire pour croire. Une foi sans fondement rationnel, pour aussi admirable qu’elle soit lorsqu’elle manifeste un attachement sincère au Christ et à l’Eglise, est comparable à une maison bâtie sur le sable… A la première tempête, elle s’effondrera. Le croyant sera alors ‘l’homme d’un moment’, comme dit Jésus au sujet de ceux qui croient sans comprendre.
Voilà pourquoi il faut inciter ceux qui ne croient pas à approfondir la question de l’existence de Dieu et de sa Révélation à Israël ; voilà pourquoi il faut aider nos contemporains à connaître Jésus-Christ, à réfléchir sur le mystère de sa personne et sur l’évènement de sa résurrection (dont notre histoire porte la marque) ; voilà pourquoi nous devons présenter l’Eglise catholique pour ce qu’elle est : le foyer de la présence divine d’où jaillit la sainteté – qui est l’humanité nouvelle régénérée dans le Christ. Non par des proclamations sentencieuses. Mais avec des arguments rationnels.
« Le motif de croire, dit le Catéchisme de l’Eglise catholique, n’est pas le fait que les vérités révélées apparaissent comme vraies et intelligibles à la lumière de notre raison naturelle (…). Néanmoins (…)Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation. C’est ainsi que les miracles du Christ et des saints, les prophéties, la propagation et la sainteté de l’Église, sa fécondité et sa stabilité sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous, des "motifs de crédibilité" qui montrent que l’assentiment de la foi n’est nullement un mouvement aveugle de l’esprit. » (CEC § 156).
Il est donc capital de retrouver la raison de notre foi si l’on veut entrer en dialogue avec les non-chrétiens, puisque là précisément se situe le terrain propice à l’évangélisation du monde moderne : « En défendant la capacité de la raison humaine de connaître Dieu, l’Église exprime sa confiance en la possibilité de parler de Dieu à tous les hommes et avec tous les hommes. Cette conviction est le point de départ de son dialogue avec les autres religions, avec la philosophie et les sciences, et aussi avec les incroyants et les athées. » (CEC, § 39).
Ce que je regrette un peu dans la réponse du P. Beukelaer aux propos de Christian de Duve, c’est qu’il n’ait pas provoqué le vénérable prix Nobel dans son domaine de prédilection qui est… la connaissance scientifique. Car au fond, le problème de Christian de Duve, ce n’est pas d’être trop scientifique ; c’est de ne l’être pas assez. Comment un scientifique de son envergure peut-il affirmer que le Pape assène au monde des « vérités révélées, et donc non contestables » comme autant « de certitudes qui ne se fondent sur aucune réalité démontrable » ? Comment un savant peut-il porter un jugement aussi péremptoire, sans avoir pris la précaution d’examiner objectivement, scientifiquement, sans préjugés ni a priori, la réalité qu’il critique – et que manifestement, il ne connaît pas. Dire que l’Eglise ne fonde ses certitudes théologiques sur aucune réalité démontrable, c’est tout simplement faux ! – c’est contraire à la réalité objective qu’est censée scruter le scientifique. L’Eglise a toujours tenu à « rendre raison » de l’espérance qui est en elle – elle ne s’est jamais contenté d’asséner des vérités inintelligibles. L’Eglise, dans son annonce de l’Evangile, a toujours sollicité l’intelligence, le raisonnement, la logique, le bon sens. Jamais elle ne nous a demandé d’avaler des couleuvres indigestes et inassimilables.
La parole de Saint Augustin (« Credo ut intellegam») que m’oppose aimablement le P. Beukelaer, est celle d’un théologien qui n’a accès aux vérités qu’il contemple que par la foi. Augustin rappelle que l’intelligence des vérités révélées trouve sa source dans la foi – ce qui est très juste. Mais cette parole n’a de valeur que dans l’ordre théologique – chez ceux, donc, qui croient déjà. Elle est inopérante pour des non-croyants qui n’ont pas accès aux vérités révélées, et à qui on ne peut pas demander de renoncer à la raison pour croire ! « Que voulez-vous que pense un savant, habitué à la pratique des sciences expérimentales, en présence d’un théologien qui lui dit qu’il faut partir de la Parole de Dieu, mais qui a bien pris soin de préciser auparavant qu’il est impossible d’établir l’existence de Dieu par l’analyse rationnelle et qu’il est impossible aussi d’établir que Dieu a parlé ? Le tout est remis à la « foi », comprise par la force des choses comme un assentiment aveugle. » [8].
C’est à la raison de nos contemporains qu’il faut s’adresser – c’est elle que nous devons interpeller, questionner, stimuler. Ce n’est pas du rationalisme dans la mesure où nous savons bien que pour aussinécessaire que soit ce travail, il ne sera jamais suffisant – et qu’il doit être suppléé par des moyens surnaturels qui attirent la grâce de Dieu (la prière, les sacrements, des expériences d’Eglise, le jeûne, la lecture de la Bible…). Les seuls vrais évangélisateurs, nous le savons, ce sont les saints. C’est par notre sainteté personnelle que nous pourrons toucher le cœur et l’intelligence de nos contemporains, plus que par nos grands discours.
Il reste que nous ne pouvons pas renoncer à l’intelligence – puisqu’elle a partie liée avec la foi ; et qu’il n’y a pas de foi authentique sans la raison ; que c’est mutiler la foi que de lui soustraire la raison : « L’Eglise veut et elle tient à ce que l’ordre intellectuel et rationnel conserve sa consistance propre, son autonomie. Elle ne veut pas qu’on tente d’établir l’ordre surnaturel sur des soubassements friables, sans consistance, sans solidité. Elle ne veut pas qu’on affaiblisse l’ordre naturel, l’ordre de la Création, pour introduire l’ordre surnaturel de la grâce (…). L’ordre surnaturel, l’ordre de la grâce, n’abolit pas l’ordre naturel, ne le détruit pas, au contraire, il l’achève, le réalise, le conduit à son terme ultime et à sa perfection. » [9]
Distinguer foi et raison de manière à ce pas les confondre n’implique nullement de les séparer – car de fait : elles sont inséparables. La foi présuppose la raison ; la foi contient la raison ; la foi surélève la raison et la porte à son sommet. Foi et Raison sont inséparables du fait de l’unité de la personne qui pense et qui croit. On ne peut pas plus séparer la Foi et la Raison que l’Âme et le Corps. Ce serait la mort assurée... La dialectique entre la foi et la raison n’est pas dualisme, mais articulation et communion.
Alors en ce sens là, oui peut-être : nous sommes rationalistes. Mais ce rationalisme-là, nous le revendiquons, nous l’assumons. Nous sommes même, à la vérité, les seuls vrais rationalistes au monde, les rationalistes authentiques – puisque nous conférons à la Raison humaine un pouvoir exorbitant que les rationalistes athées eux-mêmes lui dénient : celui de connaître Dieu et de pénétrer ses mystères. « La seule chose, en réalité, que nos frères athées et rationalistes, auprès de qui nous sommes déshonorés, pourraient reprocher à la théologie chrétienne catholique, serait d’être rationaliste à l’excès, d’être rationaliste d’une manière intempérante, puisque, comme nous l’avons vu, aux yeux de la théologie catholique, la métaphysique est une science de ce qui est, et à ses propres yeux, la théologie catholique est une science. » [10].
Il convient donc de reconnaître, avec le Cardinal Joseph Ratzinger – futur pape Benoît XVI – que : « Par son option pour le primat de la raison, le christianisme est encore aujourd’hui un rationalisme philosophique. »
[1] Fabrice Hadjadj, "La foi des démons, ou l'athéisme dépassé", Salvador 2009, p. 153.
[2] Ibid., p. 15
[3] Claude Tresmontant, in "Essai sur la Pensée Hébraïque", Cerf 1953, p. 122.
[4] Ibid., p. 117.
[5] Ibid., p. 126
[6] Saint Thomas d'Aquin, in "Somme Théologique", 2-2, 2, 9.
[7] Claude Tresmontant, in "Essai sur la Pensée Hébraïque", Cerf 1953, p. 134.
[8] Claude Tresmontant, in "L'histoire de l'univers et le sens de la Création", François-Xavier de Guibert 2006, p. 55.
[9] Ibid., p. 49.
[10] Ibid., p. 60-61
[11] Joseph Ratzinger, in "Est-ce que Dieu existe?", Payot 2006, p. 102.
Je voudrais réagir à un récent article de l’Abbé Eric de Beukelaer sur son blog personnel, intitulé « Pratiquants non croyants ».
Après avoir déploré (à juste titre) la « religiosité sociale » de certains catholiques – l’attitude de ceux qui vont à la messe sans avoir vraiment conscience de ce qu’ils font et de ce que cela implique dans le concret de leur vie (qu’il appelle, non sans humour, les « pratiquants non croyants ») –, le Père rapporte un extrait de l’interview donnée dans le quotidien belge « La Libre » du jour, par le prix Nobel Christian de Duve : « Les gens, déclare ce dernier, n’ont pas appris à raisonner avec la rigueur et l’honnêteté intellectuelle qu’essaient d’observer les scientifiques, à pratiquer le doute méthodique dont parlait Descartes. Ils manquent d’objectivité et sont obnubilés par des croyances et des certitudes qui ne se fondent sur aucune réalité démontrable. C’est vrai du Pape qui parle de “vérités révélées” et donc, non contestables et qui est pourtant suivi par 1,5 milliard de gens ».
Cette « sortie » du prix Nobel de médecine lui vaut cette réplique cinglante du Père Eric de Beukelaer :« Comment un homme aussi intelligent et respectable, qui a baigné bien plus que moi dans un catéchisme à l’ancienne, peut-il sortir une phrase aussi énorme du point de vue épistémologique? Comment peut-il tomber à pieds joints dans le piège du « rationalisme concordiste », qui consiste à prétendre que la méthode scientifique est la seule qui fasse sens? Comment peut-il à ce point confondre une affirmation scientifique visant la réalité finie et quantifiable avec une adhésion de foi, touchant à l’infini et donc à l’indémontrable? Et quid de la poésie et de la danse? Leur vérité sont-elles démontrables? Je pense que le professeur de Duve a longtemps été un pratiquant non croyant, avant de se reconnaître agnostique. Il a adhéré durant sa jeunesse à des « preuves de l’existence de Dieu » et des « raisons de croire », avant de les laisser tomber comme peu crédibles. Mais jamais, sans doute, ne fit-il l’expérience intime du Ressuscité. »
Le Père de Beukelaer a tout à fait raison de rappeler au scientifique que les sciences modernes ne sont pas la seule voie d’accès au réel – que la science a ses limites, et qu’elle est impuissante à appréhender des réalités non matérielles comme l’amour, la beauté, la liberté, le bien et le mal, la pensée, « la poésie et la danse ». La science aujourd’hui reconnaît elle-même qu’elle ne pourra jamais atteindre le fond du réel – validant du même coup la pertinence d’un regard de nature philosophique et/ou religieux sur le monde. Le scientisme du XIXe siècle a vécu : on sait aujourd’hui que les sciences « dures » ne regardent le monde que sous un aspect particulier qui ne dit pas TOUT du réel et n’exclut pas d’autres angles d’approches, complémentaires, et tout aussi valables, qui en appellent au sens profond des choses.
Il me semble toutefois qu’il y a quelque chose de très juste dans la critique de Christian de Duve, que le Père ne relève pas dans son billet – mais qu’il me paraît important de considérer si l’on veut vraiment entrer en dialogue avec la pensée contemporaine. C’est que « Les gens n’ont pas appris à raisonner avec la rigueur et l’honnêteté intellectuelle qu’essaient d’observer les scientifiques (…). Ils manquent d’objectivité et sont obnubilés par des croyances et des certitudes qui ne se fondent sur aucune réalité démontrable. »
C’est un constat que l’on est bien obligé de poser, avec Christian de Duve. Une réalité dénoncée par un grand prélat de l’Eglise catholique, Mgr André Léonard, dans son maître-ouvrage « Les raisons de croire » : « La moyenne des croyants, écrit-il, est (…) exposée à l’erreur du fidéisme » qui consiste à concevoir la foi en Dieu comme une « pure affaire d’expérience ou de sentiment, une question de conviction personnelle », une croyance aveugle et inconditionnelle n’ayant rien à voir avec la raison.« Même dans la jeunesse universitaire – celle que je connais le mieux –, il me semble que le péril qui menace le plus directement les chrétiens sur le plan intellectuel est celui du fidéisme. Il se présente sous les traits d’une foi généreuse mais insuffisamment éclairée et risquant, par là même, de n’être qu’un feu de paille vite étouffé par la compétence acquise en matière profane et par les soucis professionnels et familiaux de l’âge adulte. »
Plutôt que de répondre au prix Nobel en lui montrant à quel point il se trompe lorsqu’il critique le Pape, à qui il reproche d’enseigner à une part importante de l’humanité des « “vérités révélées” et donc, non contestables » – sans voir que, dans la pensée des Papes, cette foi dans les vérités révélées s’appuie sur des preuves très solides, échappant du même coup au reproche adressé aux « croyances et (…) certitudes qui ne se fondent sur aucune réalité démontrable » –, le Père de Beukelaer préfère opposer à la pensée scientifique du Nobel de Médecine « l’expérience intime du Ressuscité » : comme s’il fallait choisir entre la raison raisonnante du savant et la vie spirituelle du croyant – comme s’il y avait une cloison étanche entre la raison naturelle et la foi surnaturelle – comme s’il n'existait aucune relation entre l'une et l'autre.
Quand on lit le Père de Beukelaer, on n’échappe pas à la fâcheuse impression que lui-même ne croit pas vraiment dans les « preuves de l’existence de Dieu » et [les] « raisons de croire » » que Christian de Duve a, selon lui, laissé « tomber comme peu crédibles ». Le Père joue sur la dialectique entre la science – qui viserait une « réalité finie et quantifiable » – et la foi, qui toucherait, elle, à l’infini « et donc à l’indémontrable ». Si l’on suit le Père dans cette logique, on sera amené à penser que Dieu étant une réalité infinie et non quantifiable, il échappe à toute démonstration ; qu’on ne peut Le connaître qu’en croyant en lui, à son existence, et dans les vérités qu’il nous révèle ; que pour devenir croyant, il faut faire le saut : de la raison à la foi. Ce saut est justifié, nous dit le Père, par le fait qu’il existe des vérités indémontrables (la poésie, la danse…) auxquels le scientifique croit sans difficultés quand il sort de son laboratoire. Si le scientifique est capable de connaître ces réalités qui n’entrent pas dans son champ d’analyse professionnel, rien ne l’empêche a priori de croire en Dieu. Car autre chose est la science (qui appartient au domaine rationnel de ce qui est démontrable – et relève d’une analyse objective) ; autre chose est la foi (qui appartient au domaine spirituel indémontrable – et relève de l’expérience intime, subjective). L’important est de savoir faire épistémologiquement la part des choses.
Le problème, c’est que, si l’on peut justifier, sur le principe, la croyance en des vérités non matérielles – transcendantes en quelque manière – (au nom de l’expérience que tout le monde fait, y compris les scientistes les plus endurcis), cela ne suffit pas pour fonder notre foi dans le Dieu d’Israël, le Dieu de Jésus-Christ. Pourquoi croire en ce Dieu là plutôt qu’en un autre ? Pourquoi choisir Jésus-Christ, plutôt que Mahomet ou Bouddha ? Pourquoi choisir l’Eglise catholique, plutôt que la franc-maçonnerie, ou une philosophie de vie athée ? Après tout, nous sommes dans le domaine des choix intimes et personnels – de la liberté de chacun d’orienter sa vie comme il l’entend. Il est des croyants d’autres religions qui font aussi une « expérience intime » de Dieu – et dont il est impossible de dénier l’authenticité. Et il est des non croyants qui développent une éthique de vie remarquable, qui les comble d'un bonheur naturel et dont beaucoup de chrétiens pourraient s’inspirer.
On ne peut donc échapper à la question de la vérité objective de la foi chrétienne – sauf à tomber dans le subjectivisme et le relativisme ; dans le fidéisme.
Que le foi ouvre la raison humaine à des horizons qui dépassent infiniment ses capacités naturelles, c’est une évidence ; qu’elle donne accès à des vérités révélées qui ne sont pas démontrables et que l’on ne peut que croire pour les connaître, voilà qui est absolument certain (comment démontrer rationnellement, par exemple, la présence réelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie ? ou le mystère de sa naissance virginale ? ou l’existence de l’enfer ? des anges, bons et mauvais ?....). Mais il est important ici de considérer que, si le croyant adhère à ces vérités de foi qu’il tient pour révélées, c’est qu’il a des raisons de le faire. Il a des raisons de penser que Dieu existe ; qu’Il s’est révélé à Israël ; qu’Il s’est incarné en Jésus-Christ ; qu’Il a fondé l’Eglise catholique en l’assurant de son assistance infaillible dans l’enseignement des vérités de la foi et de la morale. Le croyant croit parce qu’il sait. Il sait que la Vérité existe ; il sait qu’elle s’est manifestée en Jésus-Christ ; qu’elle a été confiée à l'Eglise ; qu'elle le dépasse infiniment ; et il accepte humblement de se laisser enseigner par elle. Mais il n’y consent que dans la mesure où il l’a préalablement reconnue pour ce qu’elle est : la Vérité absolue, indépassable. Voilà pourquoi la foi est fondamentalement un acte de l’intelligence.
Un commentateur de l’article du Père de Beukelaer rappelle très opportunément les fondements rationnels de la foi chrétienne : « d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu, et par conséquent aussi, démontré à la lumière naturelle de la raison « par ce qui a été fait » Rm 1, 20, c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par les effets.
« Deuxièmement, j’admets et je reconnais les preuves extérieures de la Révélation, c’est-à-dire les faits divins, particulièrement les miracles et les prophéties comme des signes très certains de l’origine divine de la religion chrétienne et je tiens qu’ils sont tout à fait adaptés à l’intelligence de tous les temps et de tous les hommes, même ceux d’aujourd’hui.
« Troisièmement, je crois aussi fermement que l’Eglise, gardienne et maîtresse de la Parole révélée, a été instituée immédiatement et directement par le Christ en personne, vrai et historique, lorsqu’il vivait parmi nous, et qu’elle a été bâtie sur Pierre, chef de la hiérarchie apostolique, et sur ses successeurs pour les siècles. »
L’esprit scientifique trouve donc à s’appliquer dans la démarche de foi : il en est le préambule naturel. Sans cette démarche préalable de la raison scientifique, le croyant n’est pas vraiment croyant, mais fidéiste. C’est la raison pour laquelle la formation des prêtres catholiques commence par deux années de philosophie, où le futur homme de Dieu est introduit dans la pensée de Saint Thomas d’Aquin, qui reprend et développe celle d’Aristote – qui n’est autre que l’inventeur… de la méthode scientifique !
Pour découvrir la vérité sur le monde et sur nos vies, il n’est d’autre moyen que de partir de l’observation du réel perçu dans l’expérience sensible, et d’utiliser notre raison pour déchiffrer les informations que nous y trouvons. C’est cela la démarche scientifique ; et c’est cela aussi la démarche initiale du croyant. La raison scientifique, loin d’être un lieu de division, d’opposition, entre le savant et le croyant, me paraît tout au contraire un lieu privilégié de rencontre et de dialogue : un point de convergence fondamental.
« L’humanité est de plus en plus formée par les sciences expérimentales, et c’est un grand bien pour elle. L’intelligence humaine apprend à distinguer le réel du fantasme, l’expérience du mythe, la pensée rationnelle du délire. Elle apprend quels sont les critères de la vérité et les critères de la certitude. Non seulement le message que constitue le monothéisme chrétien doit être présenté en sorte qu’il soit désirable, mais de plus il doit être exposé de telle sorte que l’intelligence humaine puisse s’assurer qu’il est vrai » (Claude Tresmontant, in L’histoire de l’Univers et le sens de la Création).
Si le croyant croit en l’existence de Dieu, c’est parce qu’il regarde l’Univers. Il voit que l’Univers n’est pas éternel – il en induit qu’il n’est pas incréé. Il voit que l’Univers est ordonné, structuré mathématiquement– il en induit qu’il a été créé par une Intelligence. Il voit que l’Univers contient des êtres personnels, capables de dire JE et TU – il en induit que l’Intelligence créatrice de l’Univers est de nature personnelle. Il a démontré ainsi rationnellement l’existence de Dieu, et constaté qu’il n’existe aucune alternative rationnelle à l’existence de Dieu – car le néant et le hasard ne sont pas des explications convaincantes pour rendre compte de l’existence de l’Univers et de chacun de nous.
Si le croyant maintenant croit que Dieu s’est révélé à Israël, c’est parce qu’il regarde l’histoire du peuple hébreu. Il voit que « le Dieu d’Israël ne demande pas aux enfants d’Israël de ‘croire’ en Lui aveuglément, sans raison, sans justification, sans certitude fondée, sans connaissance. Le Dieu d’Israël ne demande pas aux enfants d’Israël de ‘croire’ en Lui au sens moderne du mot ‘croire’ : sans la connaissance, sans la certitude fondée sur une expérience analysée d’une manière rationnelle » – qui est la méthode scientifique. « Au contraire, il leur propose, depuis l’élection d’Israël, depuis la sortie d’Egypte, une expérience historique, et le prophète est chargé d’interpréter aux yeux du peuple cette expérience, de la lire, de la rendre intelligible. L’expérience historique dont Israël est le témoin vivant atteste qu’en effet, Celui qui parle par la bouche des prophètes est aussi Celui qui opère dans l’histoire. C’est bien là une connaissance, avec des arguments, des preuves, une expérience fondamentale qui demande à être interprétée, et qui ne peut pas être interprétée de n’importe quelle façon. »
« Le fait de la manifestation, de la révélation, de l’opération du Dieu vivant en Israël n’est pas une question de ‘foi’ au sens contemporain du terme, mais une question de CONNAISSANCE – connaissance fondée, comme toute connaissance authentique, sur une expérience interprétée par la raison. » Donc sur la méthode scientifique. « Le fait que Dieu s’est manifesté en Israël et qu’il a opéré dans l’histoire, cela est CONNU, si l’on veut bien examiner le donné, en l’occurrence l’histoire d’Israël et le phénomène prophétique. » (Claude Tresmontant, in le Problème de la Révélation, p. 320)
La même analyse scientifique peut-être effectuée sur la personne de Jésus-Christ, en considérant son histoire, ses paroles, ses actes, les fruits visibles de sa vie ; et sur l’Eglise catholique. Nous avons des raisons de croire en la divinité de Jésus-Christ, en sa résurrection et dans la présence de l’Esprit de Dieu dans l’Eglise catholique.
Bien sûr, si le christianisme est vrai, si Jésus est bel et bien vivant aujourd’hui, ressuscité, il peut se manifester de manière particulière aux hommes dans une « expérience intime ». Je dirais même que c’est cette expérience intime qui est fondatrice de la foi – et c’est sans doute ce que voulait exprimer le P. de Beukelaer. La foi provient d’une rencontre personnelle avec le Ressuscité. Mais cette rencontre ne se fait pas toujours de manière mystique, sensible. Tous les « croyants pratiquants » authentiques ne peuvent pas dire : « J’ai rencontré le Christ tel jour à telle heure ». La divine rencontre prend diverses formes, emprunte divers chemins. Et la raison en est un – important. On pourrait dire ainsi que l’observation de l’Univers, chez le scientifique croyant, est une « expérience intime du Ressuscité », puisque qu’elle est écoute d’une Parole (d’un Verbe) qui se dit dans le Livre de la Nature ; perception d’un Logos immanent au créé qui lui donne sens.
Quoiqu’il en soit de cette rencontre personnelle avec le Christ, la foi ne nous fait pas entrer dans un ordre où la raison n’a pas cours. Même celui qui fait l’expérience mystique du Christ ne peut se convertir que s’il a des RAISONS de croire que c’est bien lui, le Christ, qui s’est manifesté à lui. S’il n’est pas habité par cette conviction rationnelle (étayé par des « signes » qui le persuaderont – même si ces « signes » ne font sens que pour lui), sa démarche spirituelle ne durera pas, faute de racines. L’homme a besoin d’être rationnellement convaincu pour orienter sa vie dans telle direction. Cela fait partie de sa nature – il est fondamentalement un être rationnel ; la négation de la raison est négation de notre humanité.
On comprend mieux pourquoi l’attitude de nombreux croyants, adhérant aveuglément à la foi catholique sans la penser de manière rigoureuse, objective et honnête (ces fameux « pratiquants non croyants »), irritent profondément les scientifiques de formation pour qui un tel comportement (fidéiste) n’est pas digne de l’homme. Mais que ces savants soient assurés que telle est aussi la pensée de l’Eglise catholique.
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