[Cher Hervé, comme promis, je te livre ce magnifique passage tiré de l’ouvrage "La Parole, braise en ton coeur" du Père Daniel-Ange, Edition des Béatitudes, janvier 2004]
Au commencement de tout, il y a la Parole.
Elle n’est pas un son, pas un message, pas une expression de la pensée. Elle est Quelqu’un, ne Personne éternelle et immortelle. Vivant de toujours à toujours.
Ainsi le chante Saint Jean (1.1), dans la grande hymne ouvrant la symphonie de son Evangile : « Au commencement était le Verbe. Le Verbe était Dieu ! »
Parole vivante du Père, elle résonne dans le vide et le silence originels. Et voilà les Anges, le cosmos et surtout l’homme surgissant dans l’existence, sur simple appel de cette voix de la Parole.
Des millénaires plus tard, elle retentit dans le désert, s’adressant personnellement à un homme précis : « Abraham ! Pars ! » Et voilà le peuple de Dieu lancé à travers l’Histoire : l’Eglise que la Parole ne va plus cesser de guider, d’éclairer, d’inspirer, telle l’étoile des mages. Mais à partir de cet instant précis, tout est renversé : c’est ce peuple qui devient le berceau, l’écrin, la caisse de résonance de la Parole.
La Parole s’en remet humblement à cette Eglise qu’elle a elle-même suscitée, éveillée à l’existence et formée. Bref, d’un côté la Parole est le « milieu créateur » de l’Eglise. De l’autre, l’Eglise est le « milieu porteur » de la Parole.
D’un côté, l’Eglise est engendrée par la Parole. De l’autre, la Parole est enfantée dans l’Eglise.
D’un côté, l’Eglise est née de la Parole. De l’autre, elle est son lieu de naissance sur terre, son berceau, son Bethléem…
Dis-moi donc, comment la Parole de Dieu a-t-elle pu parvenir jusque dans mes mains, sur mes lèvres, dans mon cœur ? Tout simplement par l’Eglise. En effet, il n’y aurait pas de Parole, s’il n’y avait pas d’abord un peuple. Dieu n’aurait pas pu parler, s’il n’y avait pas d’abord eu des gens pour écouter, pour recueillir sa Parole et essayer d’en vivre. Des gens dont, en sens inverse, la Parole finit par faire un peuple. Un peuple convoqué et rassemblé par la Parole.
Donc, il n’y aurait pas de Bible, s’il n’y avait eu d’abord Israël. Il n’y aurait pas de prophètes, s’ils n’avaient eu personne à qui s’adresser. Il n’y aurait pas d’Evangile, s’il n’y avait eu les disciples de Jésus pour transmettre sa vie et son message. Il n’y aurait pas les lettres des Apôtres, s’il n’y avait eu d’abord des personnes à qui écrire. Bref, pas d’Ecritures, s’il n’y avait eu d’abord des communautés vivantes qui les garderaient et les transmettraient aux générations futures.
Le peuple précède, porte et transmet la Parole. L’Eglise est donc avant la Parole. Et la Parole est au-dedans de l’Eglise. L’Eglise en dévoile la beauté, en décrypte les secrets, en descelle les sceaux, en diffuse la voix.
Preuves a contrario : tant de sectes citent la Bible à tort et à travers, tant de non-croyants la dissèquent comme un écrit humain. A la limite, en isolant des extraits du contexte, on peut lui faire dire n’importe quoi, cela parce qu’elle n’est pas reçue dans l’Eglise. Perle arrachée à la Couronne, se perdant dans un marécage. Ou nourrisson qui meurt, arraché à son berceau ! On ne peut donc jamais séparer la Parole de la Tradition vivante de l’Eglise.