[Chers amis lecteurs, je vous propose une très belle méditation de Suzanne de Diétrich, théologienne protestante, puisée dans son remarquable ouvrage sur la Bible : "Le dessein de Dieu"]
Si nous ignorions l’histoire de Jésus et que quelqu’un nous dise que Dieu a inventé d’envoyer son Fils aux hommes pour les convertir à lui, nous imaginerions ce Fils venant dans une si éblouissante beauté et une telle gloire que tous les hommes seraient irrésistiblement gagnés. Mais le mystère de Jésus, c’est qu’il est venu si semblable aux autres hommes que des foules ont pu passer à côté de lui sans le reconnaître ; et ceux qui l’ont reconnu l’ont trouvé si encombrant qu’ils n’ont eu qu’une pensée : celle de se débarrasser de lui le plus rapidement et le plus sûrement possible.
Si nous ne savions rien de la Bible et qu’on nous dise que Dieu s’est révélé aux hommes par un livre où ceux qui l’ont vu et entendu témoignent de lui, nous imaginerions, je pense, un livre d’une logique si éblouissante et si forte qu’il convaincrait tous ceux qui le liraient. Et voici que la Bible est un livre humain, plein d’obscurités et de contradictions. Luther a comparé l’Ancien Testament à de pauvres langes dans lesquels l’enfant Jésus est enveloppé. Dieu a choisi l’infirmité des paroles humaines pour se révéler à travers elles comme il a choisi pour son Fils l’humble pauvreté de la crèche. Et c’est justement dans cette pauvreté que sa gloire éclate ; car cet éclat n’est pas de ce monde ; il est d’un autre ordre, l’ordre de la Charité.
Le mystère de l’amour divin est un mystère d’abaissement ; pour élever jusqu’à lui sa créature, Dieu commence par descendre jusqu’à elle : il lui parle son langage, il prend sa chair. Dieu se livre aux hommes dans la Bible comme il se livre aux hommes dans son Fils. Les hommes peuvent faire de ce livre ce qu’ils veulent, le disséquer, le bafouer, en rejeter l’esprit et ne retenir que la lettre ; et ils s’en sont donné à cœur joie de faire tout cela. Mais pour celui à qui Dieu ouvre les yeux, les ténèbres deviennent lumière et la Bible devient les Gesta Dei per Christum en qui toutes les détresses de l’homme et toutes les énigmes de l’Histoire trouvent leur réponse.