[Nous poursuivons, chers lecteurs, notre lecture continue du livre de Saint Alphonse de Liguori sur le Grand moyen de la Prière.]
Nous sommes dépourvus de tout mais, si nous prions, nous ne sommes plus pauvres. Si nous sommes pauvres, Dieu est riche, et Dieu est extrêmement libéral, dit l'Apôtre Paul, envers ceux qui l'appellent au secours : « Riche envers tous ceux qui l'invoquent » (Rm 10, 12). Saint Augustin nous exhorte ainsi : Puisque nous avons à faire à un Seigneur d'une infinie puissance et richesse, ne lui demandons pas des choses insignifiantes et sans valeur mais quelque chose de précieux : « C'est le Tout-Puissant que vous sollicitez, demandez-lui quelque chose de grand ! ». Si quelqu'un demandait au roi une simple pièce de monnaie, un sou, ne semble-t-il pas qu'il lui ferait injure ? À l'inverse, nous faisons honneur à Dieu, à sa miséricorde et à sa libéralité, lorsque, malgré notre misère et notre indignité, nous sollicitons de lui de grandes faveurs, sûrs de sa bonté et de sa fidélité, lui qui a promis d'accorder à ceux qui le prient toutes les grâces demandées : « Demandez ce que vous voudrez et vous l'aurez ! » (Jn 15, 7).
Nous sommes dépourvus de tout mais, si nous prions, nous ne sommes plus pauvres. Si nous sommes pauvres, Dieu est riche, et Dieu est extrêmement libéral, dit l'Apôtre Paul, envers ceux qui l'appellent au secours : (Rm 10, 12).
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi disait : Le Seigneur se sent si honoré et éprouve une telle consolation lorsque nous lui demandons ses grâces, qu'il nous remercie en quelque sorte de lui offrir ainsi l'occasion de nous gratifier et de satisfaire le désir qu'il a de nous faire du bien à tous. Soyons même persuadés que lorsque nous sollicitons des grâces, le Seigneur nous donne toujours plus que nous demandons.
« Si l'un de vous manque de sagesse qu'il la demande à Dieu, il donne à tous généreusement et sans récriminer » (Jc 1, 5). Saint Jacques s'exprime ainsi pour bien nous indiquer que Dieu n'est pas avare de ses biens, comme le sont les hommes. Quand ceux-ci font des aumônes, alors même qu'ils sont riches, pieux et généreux, ils ont toujours les doigts un peu crochus et ils donnent le plus souvent moins qu'on ne leur demande : leur richesse, en effet, est toujours limitée, et plus ils donnent, moins il leur reste. Mais, quand on le prie, Dieu donne ses biens avec générosité, avec une main largement ouverte, et toujours plus qu'on ne lui demande : sa richesse, en effet, est infinie et, plus il donne, plus il lui reste à donner : « Seigneur, tu es pardon et bonté, plein d'amour pour tous ceux qui t'appellent » (Ps 86 (85), 5).
Vous, mon Dieu, s'écriait David, vous n'êtes que trop généreux et trop bon avec ceux qui vous invoquent. Vos miséricordes à leur égard sont toutes surabondantes : elles surpassent leurs demandes. À ceci nous devons donc accorder toute notre attention : prier avec confiance, dans la certitude que s'ouvriront ainsi pour nous tous les trésors du ciel : « Appliquons-nous-y, dit saint Jean Chrysostome, et nous verrons pour nous s'ouvrir le ciel ».
La prière est un trésor : qui prie le plus, plus en a sa part. Saint Bonaventure assure : Chaque fois que l'on recourt pieusement à Dieu par la prière, on gagne des biens infiniment plus précieux que le monde entier : « On gagne chaque jour par la prière dévote plus que la valeur du monde entier ».
Certaines âmes dévotes consacrent beaucoup de temps à lire et à méditer mais peu de temps à prier. La lecture spirituelle, la méditation des vérités éternelles sont certainement très utiles mais, dit saint Augustin, la prière est de beaucoup plus utile. Par la lecture et la méditation nous comprenons quels sont nos devoirs mais par la prière nous obtenons la grâce de les remplir : « Il vaut mieux prier que lire ; par la lecture nous apprenons ce que nous devons faire ; par la prière, nous recevons ce que nous demandons ». A quoi bon savoir ce que nous sommes tenus de faire et puis ne pas le faire, sinon à nous rendre plus coupables envers Dieu ? Lisons et méditons autant que nous voulons, nous n'en accomplirons pas pour autant nos obligations si nous ne demandons pas à Dieu le secours nécessaire.
Aussi, fait remarquer saint Isidore, c'est surtout lorsque nous sommes occupés à prier et à demander à Dieu ses grâces que le démon se donne le plus de mal pour nous distraire par la pensée des affaires temporelles : « C'est surtout lorsque le diable voit quelqu'un en train de prier qu'il lui met le plus des idées dans la tête ». Pourquoi cela ? Parce que l'ennemi voit que nous ne gagnons jamais davantage les trésors du ciel que lorsque nous prions. Le meilleur fruit de l'oraison mentale, c'est qu'on y demande à Dieu les grâces nécessaires pour la persévérance et le salut éternel. C'est pour ce motif surtout que l'oraison mentale est nécessaire à l'âme pour se maintenir dans la grâce de Dieu.
En effet, si durant la méditation l'on ne songe pas à demander les secours indispensables à la persévérance, on ne le fera pas à un autre moment ; on ne pensera pas, en dehors de la méditation, à la nécessité de les demander. En revanche, celui qui fait chaque jour sa méditation verra clairement les besoins de son âme, les dangers où il se trouve, la nécessité de prier ; il priera et ainsi obtiendra les grâces qui lui permettront de persévérer et de faire son salut.
Le Père Paul Segneri faisait cet aveu : au début, dans sa méditation, il s'employait plus à exprimer ses sentiments qu'à prier ; mais il comprit par la suite la nécessité et l'immense utilité de la prière ; dès lors, dans ses longues oraisons mentales il s'appliqua surtout à prier. « Comme le petit de l'hirondelle, je crierai », disait le pieux roi Ezéchias (Is 38, 14). Les petits des hirondelles ne font que crier, pour réclamer à leur mère secours et nourriture. C'est ainsi que nous devons tous faire : si nous voulons garder la vie de la grâce, il nous faut crier sans cesse, demandant secours à Dieu pour éviter la mort du péché et pour progresser dans son saint amour.
Le Père Rodriguez rapporte : Les Anciens Pères, qui furent nos premiers maîtres spirituels, tinrent un jour conseil entre eux pour examiner quel était l'exercice le plus utile et le plus nécessaire pour le salut éternel. Ils conclurent que c'était de répéter fréquemment la brève invocation de David : « Seigneur, viens à mon aide ». Celui qui veut assurer son salut, écrit Cassien, doit faire de même et répéter sans cesse : Mon Dieu, aide-moi ! Mon Dieu, aide-moi ! Nous devons lancer cet appel, le matin, dès notre réveil, et continuer ensuite dans toutes nos nécessités et dans toutes nos occupations spirituelles et temporelles, plus spécialement quand nous tourmente quelque tentation ou passion. Pour saint Bonaventure, une courte prière nous vaut parfois la grâce plus vite que beaucoup d'autres bonnes œuvres : « On obtient quelquefois plus vite par une courte prière ce que l'on n'obtiendrait que difficilement par de bonnes œuvres ».
Saint Ambroise ajoute : Avant même d'avoir fini, celui qui prie est déjà exaucé parce que prier et recevoir, c'est tout un. « Celui qui demande à Dieu reçoit au moment même de sa prière ; car demander à Dieu est déjà recevoir ». Saint Jean Chrysostome a pu écrire : « Rien n'est plus puissant qu'un homme qui prie » parce qu'il participe à la puissance de Dieu. Pour arriver à la perfection, disait saint Bernard, il faut la méditation et la prière : la méditation nous aide à comprendre ce qui nous fait défaut, et par la prière nous la recevons : « Progressons par la méditation et la prière ; car la méditation enseigne ce qui nous manque et la prière obtient que ce manque soit comblé ».