Cher Miky,
A travers nombre de tes commentaires, ou certains de tes articles sur ton Blog, tu reviens à plusieurs reprises sur un sujet qui, apparemment te tient à cœur : la « théologie morale de l’Eglise catholique romaine ».
Je n’ai naturellement pas l’intention de répondre en une seule fois à tes innombrables réflexions, notamment sur la question de l’homosexualité qui mériterait un traitement à part, mais de réagir humblement dans un premier temps au petit passage d’un article que tu as écrit sur ton Blog au sujet de l'absolu et du relatif.
Ma réaction, je l’espère, ouvrira des perspectives plus vastes de débat sur d’autres questions d’ordre morales, que je n’ai pas encore abordées sur ce Blog, et pour cause ! Pour un catholique, la morale n’est jamais première, mais seconde. Non pas secondaire ! Seconde. Et c’est par là que je souhaiterais commencer ma réflexion.
Beaucoup assimilent le christianisme à une espèce de moralisme sec, un chapelet de contraintes et d’obligations, un ensemble de préceptes à respecter absolument à peine… de n’être plus « catholique » ! N’emploie-t-on pas d’ailleurs l’expression « pas catholique » pour désigner une attitude… peu orthodoxe sur le plan moral ?
Pour la plupart des gens, le catholique, c’est celui qui pense qu’il faut aimer son prochain, ne pas mentir ni se mettre en colère, qui est serviable, gentil et souriant, qui croit au mariage, à la fidélité et à la famille ; c’est aussi celui qui va à la messe tous les dimanches.
Beaucoup se reconnaissent ainsi catholiques à raison de cet attachement à ce corpus de « valeurs ». Attachement en tout cas à l’essentiel de ces principes généraux, car…
- « tendre l’autre joue » ? On ne va tout de même pas se laisser marcher sur les pieds !
- « Pardonner les offenses » ? Oui, mais jusqu’à un certain point ! Il y a vraiment des choses impardonnables !
- « Aimer ses ennemis ? » Mais nous ne sommes pas Dieu !
- « Pas de sexualité avant le mariage? » Quand même, on est en 2006… Il faut être un peu réaliste !
- « Aller à la messe tous les dimanches ? » On n’est pas des intégristes !
Le reste est à l’avenant…
Bref, pour le « monde », le catholique est celui qui se distingue des autres par son adhésion à une morale. Le catholique « moderne » étant le catholique « modéré » ou « libéral », qui tiendra compte de l’évolution de la société et des mœurs, et s’opposera sur certains points à l’enseignement de l’Eglise Catholique, et de son vieux Pape jugé « rétrograde » ; le « catho-facho » ou « catho-réac » étant celui qui défendra sans nuance les thèses moralistes du Vatican, et essaiera de l’imposer aux autres en affirmant cette morale comme la seule valable, jugeant toute autre opinion inacceptable et intolérable.
Ce Blog me paraît donc le lieu de dire à « ceux qui ne nous connaissent pas », comme dit St Jean, que le catholique n’est pas d’abord attaché à une morale, mais à une personne. A la personne même de Jésus-Christ, vivant aujourd’hui comme hier et pour toujours, et sans qui toute morale serait vaine.
C’est l’amour qui nous donne l’envie d’aimer, non le souci « d’être catholique ». C’est le cœur miséricordieux de Jésus qui nous pousse à faire miséricorde, non notre adhésion au « concept » métaphysique du « pardon des ennemis ». C’est la parole même de Jésus dans les Evangiles qui nous incite à risquer notre réputation pour défendre la vérité sur Dieu et sur l’homme, non une quelconque « réaction » à un système politique donné.
Oui, comme catholiques, nous sommes disciples de Jésus, notre grand Dieu et Sauveur, Lui qui nous a tant aimé, Lui que nous aimons, en qui nous croyons, que nous voulons écouter, et servir, Lui à qui nous voulons donner notre vie, et à qui nous voulons rendre amour pour amour. C’est en Lui que notre vie trouve tout son sens et sa plénitude de joie et d’amour ; c’est sur Lui, sur le roc de sa Parole, que nous voulons fonder toute notre existence.
Être catholique, c’est donc d’abord fondamentalement être chrétien, le terme renvoyant explicitement au Christ lui-même. Jésus est la source de toute la morale chrétienne, qui est d’abord une morale de l’amour absolu, et du don sans retour. La morale sans l’amour, je le dis au risque de choquer, je la rejette pour ma part absolument, je n’y adhère pas, cela ne m’intéresse pas.
Sans l’amour du cœur de Jésus, la morale ne peut qu’être asservissante et culpabilisante, car je suis un homme pécheur. Sans l’amour du cœur de Jésus, la morale est dépourvue d’âme, et ne peut qu’être mon ennemie. Je comprends dès lors que l’on combatte vigoureusement la morale de l’Eglise Catholique, effectivement insupportable à qui n’a pas fait l’expérience de l’amour et de la tendresse de Dieu. Du reste, le Catéchisme de l’Eglise Catholique le reconnaît lui-même : « sans se reconnaître pécheur, l’homme ne peut connaître la vérité sur lui-même, condition de l’agir juste, et sans l’offre du pardon, l’homme ne pourrait supporter cette vérité » (§ 1697).
Une chose est de dire : fais cela, ou sinon, tu seras puni et mis au ban de l’humanité ! Une autre est de dire : fais cela parce que je suis ton Père, que je t’aime, et que je veux ton bonheur : voici le chemin. Dans le premier cas, la seule solution raisonnable pour un homme épris de sa liberté, c’est la rébellion ; dans le second cas, c’est la confiance et l’abandon.
Ce n’est donc que par la bienveillance du Coeur de Jésus que je peux paisiblement grandir sur le difficile chemin de la vie et de l’amour, au prix de quelques chutes certainement, mais avec l’assurance qu’une main secourable se proposera sans cesse à moi pour me relever, patiemment.
Ce n’est qu’avec la lumière du Cœur de Jésus, suivant en cela l’exemple de mes frères aînés les Saints, que je pourrais croire que la vie Evangélique est un authentique chemin de bonheur, et non pas un idéal inaccessible, une utopie ou un « opium ».
Ce n’est qu’avec la puissance du Cœur de Jésus Ressuscité, que je pourrais espérer triompher de tous mes péchés, de ma médiocrité, de ma dureté de cœur, sûr que la Victoire est au bout du chemin, avec la grâce de Dieu.
Ce n’est qu’avec l’Amour du Cœur de Jésus que je pourrais m’aimer moi-même, aimer mes frères, et rendre ainsi un culte spirituel agréable à mon grand et beau Dieu d’Amour.
On le voit donc, le catholique n’est pas d’abord un moraliste : c’est surtout et plus fondamentalement un pauvre pécheur amoureux de son Sauveur ; de Celui qui L’envoie, le Père de toutes miséricordes ; et de Celui qu’Il envoie, l’Esprit de Vérité, qui renouvelle toute chose.
Pour conclure sur ce premier point, je voudrais livrer à ta méditation, cher Miky, un extrait d’une remarquable conférence tenue il y a quelques mois par le Père Olivier Rolland, prêtre de la Paroisse St Léon, sur le thème de la « Bonne Nouvelle du Christ » :
« S’il n’était pas un témoignage sur le Christ, le christianisme ne serait rien d’autre qu’une sagesse parmi d’autres, un message – humanisant, il est vrai – mais rien qu’un message (…).
« Qu’est-ce que cela peut signifier quant à la Bonne Nouvelle ? Que seul le Christ peut nous révéler le chemin de la communion avec le Père. Plus encore qu’il est lui-même ce chemin. Regarder le Christ, c’est apprendre à découvrir le Père ; écouter le Christ, c’est écouter le Père ; suivre le Christ c’est s’approcher du Père. Il est lui-même la Révélation de son Père : il a agi comme son Père agit, parlé comme son Père parle, soulagé comme son Père soulage. Sa vie est le témoignage sur le Père : « qui m’a vu a vu le Père ».
« Il interdit à tout jamais de prendre Dieu pour un concept ; il oblige à tout jamais à considérer Dieu pour ce qu’il est, une personne qui connaît, qui aime, qui s’approche et invite. Et ceux qui s’approchent, il les fait entrer dans la communion.
« Avec le Christ, Dieu a pour toujours un visage humain. Si nous n’avons pas vu le Père, et ne pouvons le voir ici-bas, pourtant nous pouvons le connaître en vérité : il nous suffit de connaître en profondeur le Christ, et par lui, se laisser guider jusqu’à une communion de vie et d’amour. »
(à suivre...)