[Cet article est la suite de Canon 1399 § 5 ]
3.2. Révélation divine et révélations privées
Le Père Cantalamessa termine sa méditation du 12 mars en écrivant :
« Saint Jean de la Croix disait que depuis qu’il a dit de Jésus, sur le Thabor : « Ecoutez-le ! », Dieu est devenu, dans un certain sens, muet. Il a tout dit, il n’a rien de nouveau à révéler. Ceux qui lui demandent de nouvelles révélations ou réponses, l’offensent, comme s’il ne s’était pas encore expliqué clairement. Dieu continue à dire à tous les mêmes paroles : « Ecoutez-le, lui ! Lisez l’Evangile : vous y trouverez non pas moins, mais plus que ce que vous cherchez ».
Concernant cette dernière remarque du Père Cantalamessa, là encore, elle me paraît incomplète, et… terriblement frustrante !
Il est vrai que la Révélation est close avec la mort du dernier Apôtre, ainsi que l’écrit Saint Jean de la Croix (cité par le prédicateur de la Maison pontificale) en commentant He 1, 1-2 :
« Dès lors qu’Il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n'a pas d’autre parole à nous donner.
« Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole et il n’a rien de plus à dire; car ce qu'Il disait par parties aux prophètes, Il l'a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu'est son Fils.
« Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant l'interroger, ou désirerait une vision ou une révélation, non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté » (Carm. 2, 22, 3-5).
Le catéchisme de l’Eglise catholique déclare à ce sujet que « Le Christ, le Fils de Dieu fait homme, est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. En Lui Il dit tout, et il n’y aura pas d’autre parole que celle-là. (§ 65)
« L’Économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n'est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ" (DV 4). »
Mais le Catéchisme ne s’arrête pas là ! Le texte du Magistère poursuit : « Cependant, même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée ; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles (§ 66). »
Jésus lui-même évoque cette explicitation progressive du donné de la Révélation sous l’action de l’Esprit Saint :
« Le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14. 26)
« Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d'auprès du Père, lui, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. » (Jn 15. 26).
« J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître » (Jn 16. 12-13).
Comme l’écrit le Père Molinié : « Ce n’est pas parce que la Révélation est close que Dieu a cessé de parler (…). A cause de cela, il ne faut pas se faire de « programme » trop précis, fondé soi-disant sur la Parole de Dieu : si cette Parole est vivante, nous ne savons jamais ce qu’elle va nous dire. Si nous prétendons le savoir à l’avance sous prétexte que « c’est dans le texte », nous tuons la Parole dans notre cœur, et l’obligeons pratiquement à se taire.
« On ne sait pas ce qu’il y a dans la Révélation, finalement : c’est un secret. Dieu ne peut plus rien dire qui ne se trouve déjà inscrit dans le dépôt révélé, la Révélation étant close depuis la mort du dernier Apôtre. Mais cela ne veut pas dire qu’on a compris ! La profondeur de cette Parole est infinie, elle ne bouge pas, mais elle est plus vivante que ce qui bouge, elle peut nous réserver bien des surprises.
« Dieu a tout dit, mais comme Il dit des choses éternelles dont la profondeur est insondable, c’est toujours nouveau » (Cf. "Le courage d'avoir peur" , Editions du Cerf, 1994, pages 196 et 197).
Les apparitions et autres Révélations privées s’inscrivent donc dans ce processus de développement de la Révélation divine.
Le Catéchisme de l’Eglise catholique déclare à ce sujet qu’« Au fil des siècles il y a eu des révélations dites " privées ", dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’"améliorer " ou de "compléter" la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église.
« La foi chrétienne ne peut pas accepter des " révélations " qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles " révélations ". » (§ 67).
(à suivre...)