[Cet article est la suite de La Bible... ou les astres? ]
3. Et les révélations privées ?
3.1. Révélations et jugement de l’Eglise
Le Père Cantalamessa évoque un dernier point sur lequel nous nous permettrons d’être en désaccord.
« Je dois évoquer, écrit-il, un autre domaine dans lequel Jésus ne parle pas mais où, en revanche, on le fait parler constamment : celui des révélations privées, des messages célestes, des apparitions et des voix de différentes natures.
« Je ne dis pas [ouf !] que le Christ ou la Vierge ne peuvent pas parler également à travers ces moyens. Ils l’ont fait dans le passé et ils peuvent le faire, de toute évidence, encore aujourd’hui.
« Mais avant de partir du principe que c’est Jésus ou la Vierge qui parle, et qu’il ne s’agit pas de la fantaisie maladive de quelqu’un ou, pire, de petits malins qui jouent sur la bonne foi des personnes, il faut avoir des garanties. Il faut, dans ce domaine, attendre le jugement de l’Eglise, et non le précéder. Les paroles de Dante sont encore d’actualité : « Soyez, chrétiens, à vous mouvoir plus graves, ne soyez comme plumes à tout vent » (Paradis V, 73 s. cf. Editions du Cerf pour la traduction française). »
J’avoue que ces dernières lignes m’ont peiné. Sans doute ont-elles été écrites trop rapidement de la part de l’auteur, qui n’a pas vu qu’il pouvait blesser le cœur de nombreuses personnes ayant vécu une expérience spirituelle forte sur tel ou tel lieu de pèlerinage.
Qu’il faille des garanties, c’est une évidence. Mais il me parait injuste d’écrire : « Il faut, dans ce domaine, attendre le jugement de l’Eglise, et non le précéder. » Pour une raison historique que le Père René Laurentin évoque dans son ouvrage sur la « Multiplication des apparitions de la Vierge aujourd’hui » (Fayard 1995) : « Depuis un demi-siècle, on faisait silence sur les nouvelles apparitions, sinon pour signaler celles qui étaient l’objet d’un jugement négatif. On en parle aujourd’hui davantage. Pourquoi ?
« Cela tient à l’abolition du Canon 1399, § 5 de l’ancien Code de droit Canonique qui « interdisait les livres et libelles qui racontent de nouvelles apparitions, révélations, visions, prophéties et miracles, ou lancent de nouvelles dévotions, même sous le prétexte qu’elles sont privées » (et du Canon 2318 qui excommuniait les contrevenants).
« C’est Paul VI qui abolit ces canons, moins d’un an après la fin du Concile, le 14 octobre 1966 (Décret de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, Acta Apostolicae Sedis, 29 décembre 1966, Page 1186). Cet article n’a donc pas été repris dans le nouveau Code de droit Canonique. Les apparitions n’étaient plus sous le boisseau.
« Cette libéralisation est conforme à la liberté chrétienne que le Concile a remise en honneur, en faisant davantage confiance aux grâces et initiatives prophétiques des laïcs.
« Mais cette ouverture ne pourra faire ses preuves et durer que si les chrétiens en usent avec discernement, modération et obéissance aux évêques, qui ont à veiller sur ces phénomènes non exempts de risques, avec la même autorité et la même prudence qu’auparavant. »
Ainsi en est-il des révélations privées comme de l’Ecriture Sainte : chacun peut – et chacun est même fortement invité par l’Eglise, à travers la voix de son Pape – à lire, méditer, travailler et prier l’Ecriture d’une manière personnelle, en laissant raisonner la Parole divine dans son intelligence, et dans les profondeurs de son âme ; mais il conviendra toujours de confronter sa propre lecture avec celle de l’Eglise, à qui revient le dernier mot : elle est notre rocher, le lieu sûr où nous pouvons nous abriter lorsque la tempête menace (et elle peut se déchaîner à la lecture de l’Ecriture. Cf. les manœuvres de Satan au désert…).
Concernant les lieux d’apparitions non encore reconnus, tel Medjugorje dont il est souvent question sur ce Blog, les chrétiens sont libres de s’y rendre en pèlerinage, de croire à l’authenticité des messages de la Vierge et de ses apparitions. Le 6 août 1996, le Dr Joaquim Navarro-Valls, Porte-parole du Saint-Siège déclara ainsi au Service d’information Catholique : « Vous ne pouvez pas interdire aux pèlerins d’y aller [à Medjugorje] à moins que les apparitions aient été prouvées fausses. Cela n’ayant pas été fait, toute personne peut s’y rendre si elle le désire ».
Mais il conviendra en dernier ressort d’abandonner le jugement définitif à l’Eglise, lorsqu’elle se prononcera. Telle est notre unique garantie : l’Eglise, toujours l’Eglise, encore l’Eglise. Notre confiance en elle doit être totale. Car elle repose sur la parole même du divin Maître : « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16. 18).
Des garanties, il en faut donc. Mais à ce sujet, je trouve la parole de Jésus dans son Evangile plus édifiante que la référence à Dante :
« Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, mais au-dedans ce sont des loups voraces. C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. On ne cueille pas du raisin sur des épines, ni des figues sur des chardons. C'est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits, et que l'arbre mauvais donne des fruits détestables. Un arbre bon ne peut pas porter des fruits détestables, ni un arbre mauvais porter de beaux fruits. Tout arbre qui ne donne pas de beaux fruits est coupé et jeté au feu. C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. »
(Mt 7. 15-20)
Voilà donc notre unique garantie, tant que l’Eglise ne s’est pas prononcée : les « fruits » (mot qui revient 7 fois dans le passage que nous venons de citer) ; ceux que nous pouvons déceler en telle personne, en tel évènement, ou en tel lieu où semble souffler l’Esprit.
Ce sont ces fruits qui nous permettent « d’avancer spirituellement », comme nous l’a demandé un jour la Vierge Marie en répondant à une question posée par les voyants sur la reconnaissance des apparitions de Medjugorje par l'Eglise. "Il faut suivre l'autorité de l'Eglise, bien sûr. Cependant, avant qu'elle ne se prononce, il faut avancer spirituellement ; car elle ne pourra pas se prononcer dans le vide, mais dans une confirmation qui suppose la croissance de l'enfant. L'Eglise viendra confirmer ce qui est né de Dieu".