12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 11:10

Le 31 août 2006, le Pape Benoît XVI a reçu les membres du clergé d’Albano, et répondu (de manière improvisée) à leur question. Extrait.

Question du Père Giuseppe Zane
, Vicaire ad omnia, âgé de 83 ans :

"Nous, prêtres, sommes pleinement insérés dans cette Eglise, nous en vivons tous les problèmes et les difficultés. Jeunes ou âgés, nous nous sentons tous inadéquats, tout d'abord parce que nous sommes peu nombreux par rapport aux grandes nécessités et nous sommes d'origines différentes; en outre, nous souffrons du manque de vocations au sacerdoce. C'est pour ces raisons que nous sommes parfois
découragés, cherchant un peu à "tamponner" ici et là, souvent obligés de ne faire que ce qui est le plus urgent, sans projets précis. En voyant les nombreuses choses à faire, nous avons la tentation de privilégier l'action, en négligeant l'être, et cela se reflète inévitablement sur la vie spirituelle, le dialogue avec Dieu, la prière et la charité (l'amour) envers nos frères, souvent éloignés. Saint-Père, que pouvez-vous nous dire à ce propos? J'ai un certain âge... mais mes jeunes confrères peuvent-ils avoir de l'espoir?"

Réponse du Pape Benoît XVI :

Chers frères, (…)

Je n'ai pas la prétention d'être, à présent, une sorte d'"oracle", qui pourrait répondre de manière exhaustive à toutes les questions. Les paroles de saint Grégoire le Grand que vous avez citées, Excellence – que chacun connaisse "infirmitatem suam" –, valent aussi pour le Pape. Même le Pape, jour après jour, doit connaître et reconnaître "infirmitatem suam", ses limites. Il doit reconnaître que ce n'est que dans la collaboration avec tous, dans le dialogue, dans la coopération commune, dans la foi, comme "cooperatores veritatis" – de la Vérité qui est une Personne, Jésus – que nous pouvons effectuer ensemble notre service, chacun pour sa part. C'est dans ce sens que mes réponses ne seront pas exhaustives mais fragmentaires. Toutefois, nous acceptons précisément cela : ce n'est qu'ensemble que nous pouvons composer la "mosaïque" d'un travail pastoral qui répond à la grandeur des défis.

Monsieur le Cardinal Sodano, vous avez dit que notre cher confrère, le Père Zane, apparaît un peu pessimiste. Mais je dois dire que chacun de nous a des moments où il peut se décourager face à l'immensité de ce qu'il faudrait faire et aux limites de ce qu'il peut, en revanche, réellement faire. Cela concerne également encore le Pape. Que dois-je faire de l'Eglise à l'heure actuelle, avec les nombreux problèmes, les nombreuses joies, les nombreux défis qui concernent l'Eglise universelle? Tant de choses se passent jour après jour et je ne suis pas en mesure de répondre à tout. J'accomplis ma part, je fais ce que je peux faire. Je cherche à trouver les priorités. Et je suis heureux d'être assisté par de si nombreux collaborateurs précieux. Je peux déjà dire ici, en ce moment : je vois chaque jour le grand travail qu'effectue la Secrétairerie d'Etat sous votre sage direction. Et ce n'est qu'avec ce réseau de collaboration, en m'insérant avec mes petites capacités dans un tout plus grand, que je peux et que j'ose aller de l'avant.

Et ainsi, naturellement, un curé qui se trouve tout seul voit encore davantage les nombreuses choses qu'il y aurait à faire dans cette situation que vous, Père Zane, avez brièvement décrite. Et il ne peut faire qu'une chose, "tamponner" – comme vous avez dit –, apporter une sorte de "secours d'urgence", conscient que l'on devrait faire beaucoup plus. Je dirais alors que notre première nécessité à tous est de reconnaître avec humilité nos limites, de reconnaître que nous devons laisser faire la plupart des choses au Seigneur. Aujourd'hui, nous avons entendu dans l'Evangile la parabole du serviteur fidèle (Mt 24, 42-51). Ce serviteur – dit le Seigneur – donne la nourriture aux autres en temps voulu. Il ne fait pas tout ensemble, mais c'est un serviteur sage et prudent, qui sait distribuer à divers moments ce qu'il doit accomplir dans cette situation. Il le fait avec humilité, et il est aussi sûr de la confiance de son maître. Ainsi, nous devons faire tout notre possible pour essayer d'être sages et prudents, et également avoir confiance dans la bonté de notre "Maître", du Seigneur, car à la fin il doit lui-même guider son Eglise. Pour notre part, nous nous insérons avec notre petit don et nous faisons notre possible, surtout les choses qui sont toujours nécessaires : les sacrements, l'annonce de la Parole, les signes de notre charité et de notre amour.

Quant à la vie intérieure, que vous avez mentionnée, je dirais qu'elle est essentielle pour notre service de prêtres. Le temps que nous nous réservons pour la prière n'est pas un temps soustrait à notre responsabilité pastorale, mais c'est réellement un "travail" pastoral, c'est prier aussi pour les autres. Dans le "Commun des pasteurs" ont lit comme étant caractéristique du bon Pasteur que "multum oravit pro fratribus". Il est propre au pasteur d'être un homme de prière, qui se trouve devant le Seigneur en priant pour les autres, en remplaçant également les autres, qui ne savent peut-être pas prier, qui ne veulent pas prier, qui ne trouvent pas le temps de prier. Comme il apparaît ainsi évident que le dialogue avec Dieu est une oeuvre pastorale!

Je dirais donc que l'Eglise nous donne, nous impose presque – mais toujours comme une bonne Mère – d'avoir du temps libre pour Dieu, avec les deux pratiques qui font partie de nos devoirs:  célébrer la Messe et réciter le bréviaire.
Mais plus que le réciter, il faut le réaliser comme écoute de la Parole que le Seigneur nous offre dans la Liturgie des Heures. Il faut intérioriser cette Parole, être attentif à ce que le Seigneur me dit à travers cette Parole, écouter ensuite les commentaires des Pères de l'Eglise ou également du Concile, dans la deuxième Lecture de l'Office des Lectures, et prier avec cette grande invocation que sont les Psaumes, à travers lesquels nous sommes insérés dans la prière de tous les temps. Le peuple de l'Ancienne Alliance prie avec nous – et nous prions avec lui. Nous prions avec le Seigneur, qui est le véritable sujet des Psaumes. Nous prions avec l'Eglise de tous les temps. Je dirais que ce temps consacré à la Liturgie des Heures est un temps précieux. L'Eglise nous donne cette liberté, cet espace libre de vie avec Dieu, qui est également vie pour les autres.

Et ainsi, il me semble important de voir que ces deux réalités – la Messe célébrée réellement en dialogue avec Dieu et la Liturgie des Heures – sont des espaces de liberté, de vie intérieure, que l'Eglise nous donne et qui sont une richesse pour nous. Dans celles-ci, comme je l'ai dit, nous rencontrons non seulement l'Eglise de tous les temps, mais le Seigneur lui-même, qui parle avec nous et attend notre réponse. Nous apprenons ainsi à prier en nous insérant dans la prière de tous les temps et nous rencontrons également le peuple. Nous pensons aux Psaumes, aux paroles des Prophètes, aux paroles du Seigneur et des Apôtres, nous pensons aux commentaires des Pères. Nous avons aujourd'hui entendu ce merveilleux commentaire de saint Colomban sur le Christ, source d'"eau vive" à laquelle nous buvons. En priant, nous rencontrons également les souffrances du peuple de Dieu d'aujourd'hui. Ces prières nous font réfléchir sur la vie de chaque jour et nous guident à la rencontre des personnes d'aujourd'hui. Elles nous illuminent au cours de cette rencontre car, dans celle-ci, nous n'apportons pas seulement notre petite intelligence, notre amour de Dieu, mais nous apprenons également, à travers cette Parole de Dieu, à leur apporter Dieu. C'est ce qu'elles attendent : que nous leur apportions l'"eau vive", dont parle aujourd'hui saint Colomban. Les gens ont soif. Et ils cherchent à répondre à cette soif par différents divertissements. Mais ils comprennent bien que ces divertissements ne sont pas l'"eau vive" dont ils ont besoin. Le Seigneur est la source de l'"eau vive". Il dit cependant, dans le chapitre 7 de Jean, que quiconque croit devient une "source", car il a bu du Christ. Et cette "eau vive" (v. 38) devient en nous eau jaillissante, source pour les autres. Ainsi, nous cherchons à la boire dans la prière, dans la célébration de la Messe, dans la lecture : nous cherchons à boire à cette source pour qu'elle devienne source en nous. Et nous pouvons mieux répondre à la soif des gens d'aujourd'hui en ayant en nous l'"eau vive", en ayant la réalité divine, en ayant la réalité du Seigneur Jésus qui s'est incarné. Ainsi, nous pouvons mieux répondre aux besoins de notre peuple. (…) Vivons avec le Seigneur pour pouvoir répondre à la véritable soif des gens.



Lire le texte intégral de l'échange du Pape Benoît XVI avec les prêtres d'Albano

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Publié par Matthieu BOUCART -
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