Cher Hervé,
Je voudrais réagir ici au commentaire que tu as bien voulu me laisser, suite à une réponse que j’avais adressée à l’un de mes lecteurs (Stéphane) qui m’interpellait – de manière virulente – sur l’Eglise catholique. Cette interpellation suivait de quelques jours un long commentaire d’e-x-o-d-e sur le même thème (La vraie lecture de l'Ecriture, commentaire n°13).
« Cher Stéphane, écrivais-je. Je te répondrai avec plaisir, ainsi qu'à e-x-o-d-e que je n'oublie pas. Les éléments que vous abordez tous les deux nécessitent, vous vous en doutez, une réponse un peu étoffée de ma part. Je n'y répondrai donc pas tout de suite (faute de temps...). Mais soyez assuré que j'y répondrai du mieux que je pourrai dès que le Seigneur voudra bien. »
C’est cette dernière expression qui t’a interrogé et décidé à prendre ta plume (ou saisir ton clavier !) pour m’écrire ce petit mot :
« Excuse-moi, mais cela peut sembler un peu étrange, comme formulation :
« - Le Seigneur t'empêche-t-il de répondre ? (je crois que non, mais c'est ton boulot et tes autres activités -très utiles et nécessaires - qui ne te laissent pas le loisir de rédiger 15 articles par jour, ce qui est très légitime et laisse + de temps à tes lecteurs pour tout lire ;-)
« - Attends-tu le feu vert explicite du Seigneur pour écrire tes textes ? Peut-être te faut-il prier un peu après avoir rassemblé les diverses sources et ébauches d'articles, mais le Christ a-t-il une part si active dans le fonctionnement de ton blog que tu devrais Le consulter avant d'y écrire quelque chose ?
« - Peut-être voulais-tu dire que tu essaies de répondre vite, "Inch' Allah !", comme disent les Musulmans ;-) ou bien "à la grâce de Dieu"...
« Personnellement, je renverrais vers d'autres lectures, du type Abrégé du Catéchisme de l'Eglise Catholique, que l'on peut trouver sur le site du Vatican. Et puis est-ce que certains de tes contradicteurs n'ont pas davantage le souhait de critiquer la foi catholique plutôt que d'entrer dans un réel dialogue ouvert et raisonnable?? Si j'avais un blog, je ne m'engagerais pas à répondre personnellement à chacun par un réponse complète et adaptée : il y a d'autres moyens d'utiliser ses nuits ! »
Tout d’abord, cher Hervé, je m’empresse de répondre à ta première question. C’est ta première hypothèse, bien sûr, qui est la bonne. Comme tu le fais justement remarquer, mon « boulot et mes autres activités » m’absorbent le plus clair de mon temps. Je ne puis donc écrire ainsi que je le voudrais sur ce Blog. Dans un sens, je m’en réjouis, car je pourrais passer mes journées devant mon ordinateur, ce qui ne serait sans doute pas très bon pour mon équilibre personnel ! Mais dans un autre, je m’en afflige, car je ne te cache pas que j’aimerais pouvoir consacrer plus de temps aux passionnantes discussions philosophiques et théologiques de ce Blog qu’à la tenue d’assemblées générales d’approbation de comptes ou à l’établissement de dossiers de financement pour des entreprises… Cela dit, toutes ces occupations, comme tu le dis si bien, sont « très utiles et nécessaires », et ma vocation aujourd’hui est d’être juriste dans le monde. Je dois donc privilégier mon « devoir d’état » à toutes ces activités bloggistiques. Je le regrette parfois, mais c’est encore la meilleure manière de faire la volonté de Dieu ! Comme l’écrivait le Père Jacques Philippe dans son petit ouvrage « A l’école de l’Esprit Saint » : « De ma vocation particulière (…) et de ma situation de vie (mes devoirs professionnels, etc.) découle tout un ensemble d’exigences qui sont la volonté de Dieu sur moi. Une inspiration [du Saint-Esprit] ne peut me demander quelque chose qui serait en contradiction manifeste avec l’accomplissement de ce que l’on appelait autrefois les devoirs d’état ». C’est donc en ce sens Hervé qu’il faut comprendre ma réponse à Stéphane : à savoir que je lui ferai une réponse « complète et adaptée » lorsque, mon devoir d’état accompli selon la Volonté du Seigneur, je serai en mesure de travailler à une réponse sérieuse à ses objections.
« Attends-tu le feu vert explicite du Seigneur pour écrire tes textes ? » Non, bien sûr. Mais je prends au sérieux tous les désirs de mon cœur, en me disant que si je suis poussé à écrire tel article (une fois mon devoir d’état accompli), c’est sans doute que l’Esprit Saint m’y conduit.
Ce qui me donne cette assurance, c’est le fait tout d’abord d’être baptisé et confirmé. Or, comme tu le sais, le Baptême a pour effet de nous incorporer à l’Eglise, Corps du Christ : « Les baptisés, nous dit le Catéchisme, sont devenus des pierres vivantes pour l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint. Par le Baptême, ils participent au sacerdoce du Christ (…). Le Baptême donne part au sacerdoce commun des fidèles (…). Devenus fils de Dieu par la régénération baptismale, les baptisés sont tenus de professer devant les hommes la foi que par l’Eglise, ils ont reçu de Dieu, et de participer à l’activité apostolique et missionnaire du Peuple de Dieu » (CEC 1267 et s). Quant à la Confirmation, elle « perfectionne le sacerdoce commun des fidèles, reçu dans le Baptême, et le confirmé reçoit la puissance de confesser la foi du Christ publiquement, et comme en vertu d’une charge » (CEC 1305).
Ma conviction de faire la volonté de Dieu en écrivant sur ce Blog s’enracine ensuite dans le fait d’accomplir une œuvre d’évangélisation en Eglise ; d’avoir reçu d’elle mandat pour agir. Non pas un mandat explicite et formel. Mais un « feu vert » reçu d’un ministre ordonné, dans l’accompagnement spirituel et le discernement des esprits. Cela me permet de croire que le Seigneur veut cette œuvre, et qu’Il travaille avec moi (ce que j’ai déjà expérimenté de manière tangible dans l’écriture…) ; que je n’accomplis pas seulement une œuvre humaine – mon petit projet à moi –, mais une œuvre d’évangélisation qui s’inscrit dans la grande Mission universelle de l’Eglise.
« Personnellement, je renverrais vers d'autres lectures, du type Abrégé du Catéchisme de l'Eglise Catholique, que l'on peut trouver sur le site du Vatican. Et puis est-ce que certains de tes contradicteurs n'ont pas davantage le souhait de critiquer la foi catholique plutôt que d'entrer dans un réel dialogue ouvert et raisonnable ?? Si j'avais un blog, je ne m'engagerais pas à répondre personnellement à chacun par un réponse complète et adaptée : il y a d'autres moyens d'utiliser ses nuits ! »
Tout d’abord, je dirais que c’est bien de renvoyer ses lecteurs à de bonnes et saines lectures, comme le Catéchisme de l’Eglise Catholique ou son Abrégé que tu cites. C’est bien… mais je crains que dans la plupart des cas, cela ne soit insuffisant voire inefficace. Surtout si ton interlocuteur n’est pas catholique (ce qui a quelques chances d’arriver !). Car il faudra bien dans ce cas que tu lui expliques les raisons pour lesquelles tu considères ce Catéchisme (ou son Abrégé) comme un document faisant autorité. Ce ne sera pas forcément une évidence pour lui (demande à Stéphane !).
Ensuite, j’ajouterais que s'il est bon de renvoyer la solution des questions difficiles aux Evêques et au Magistère,… il est bon aussi que la réponse vienne de toi. Non pas que celle-ci doive être nécessairement autre que ce qu’enseigne le Magistère ! mais il me paraît important qu’elle vienne de ton propre fond ; que la réponse magistérielle soit intériorisée et assimilée ; que tu te la sois pleinement appropriée. Ce qui suppose de « bûcher » les textes du Magistère (ce que tu fais déjà très bien).
A la question de Jésus « pour les hommes, qui suis-je ? », on répondrait sans doute aujourd’hui à l’instar des disciples : eh bien Seigneur, tel philosophe dit ceci ; tel Evêque dit cela ; et Jésus sera bien content de l’apprendre... Mais je pense qu’il arrivera immanquablement un moment où comme à Césarée-de-Philippe, le Seigneur fixera son regard dans le tien, et te posera à TOI Hervé LA question, la seule qui compte à Ses yeux : « Et toi Hervé, que dis-tu ? Pour toi, qui suis-je ? »
Au fond, je prends toute interpellation de mes lecteurs comme une interpellation personnelle de Jésus à mon endroit. Quand Miky m’interroge ou discute mes arguments ; quand le Pasteur Eric Georges me fait connaître sa propre conception de l’Evangile ; quand Stéphane invoque l’Ecriture Sainte pour discréditer l’Eglise catholique ; c’est Jésus qui, quelque part, m’interroge et me provoque à une réponse personnelle : « Et toi, Matthieu ? Que dis-tu ? Pour toi, qui suis-je ? » Mon dialogue avec mes lecteurs est comme l’expression concrète de mon dialogue intérieur avec Jésus.
Alors, tu n’as pas tout à fait tort de dire qu’il y a sans doute parmi mes lecteurs quelques « Ponce Pilate » qui aiment à poser des questions… sans se soucier vraiment des réponses que je pourrais leur apporter ! Mais vois-tu Hervé, je prends le parti de considérer a priori tout lecteur comme de bonne volonté (même si j’ai peut-être tort – et j’ai sans doute tort…).
Ensuite, il ne faut jamais oublier que nous dialoguons sur un Blog. C’est-à-dire en public. Qu’il y a dès lors quelques chances pour que mes débats avec Miky, le Pasteur Eric, e-x-o-d-e, Salam, Christophe Moreau… ou Hervé de P ! soient lus par un grand nombre de lecteurs, au-delà même de ceux qui suivent ces débats au quotidien (depuis que j’ai accès aux stats de mes articles avec la version 2 d’over-blog, je peux savoir par exemple que mon article sur la luxure, publié en juin 2007, a été visualisé plus de 850 fois depuis septembre 2007! Et ce n’est pas fini…). Il est donc possible que tous ces échanges produisent quelques « effets collatéraux » (que j’espère heureux !). Tu ne te souviens peut-être pas d’Anne-Sophie, une lectrice de la première heure (que je salue bien amicalement, si elle est toujours là…) ; elle me faisait part à une époque de son trouble vis-à-vis de la foi (voir Je pense, donc... Dieu EST, Commentaire 1 à 13). Or, il se trouve qu’à l’occasion d’un dialogue avec Miky, elle m’a écrit le plus beau des messages qu’on pouvait m’écrire, et qui reste pour moi la plus belle des récompenses (cf. Dieu existe-t-il ? (2), Commentaire n°4) ; un message qui tient en ces quelques mots : « Vous m’avez réconcilié avec la religion »…
Il faut donc répondre aux objections, Hervé. Même si elles sont posées par des personnes mal intentionnées, beaucoup d’autres peuvent les porter aussi et avoir besoin d’une lumière particulière qui les aidera à grandir dans la foi (et soi-même le premier ! Comme aimait à le dire le Père Bernard Bro, « pour progresser, rien n’est plus utile que celui qui a de bonnes objections ».)
Le Seigneur ne nous demande pas de chercher la bonne terre pour y mettre le grain. Il nous demande de semer. Sur tous les terrains. Rappelle-toi le proverbe : « A semer trop peu, on récolte trop peu ; à semer largement, on récolte largement » (2 Co 9. 6). Le Seigneur ne nous demande pas non plus de convaincre. Mais simplement de dire (souviens-toi cette parole de Bernadette au Curé de Lourdes, incrédule devant les révélations de cette fillette de 14 ans : « Je ne suis pas chargée de vous convaincre, mais de vous le dire »).
Ainsi, quand Stéphane écrit que la doctrine catholique est en opposition avec la Bible, et que l’enseignement de l’Eglise romaine est une trahison de la Parole de Dieu, il faut lui répondre. Son interpellation (qui émane sans doute – je veux le croire – d’un apôtre zélé de l’Evangile, sincèrement désireux de plaire à son Seigneur) est sérieuse, l’objection partagée par beaucoup, y compris parmi les catholiques (inutile de se voiler la face). Puisque le propos est intelligent et argumenté, il mérite une réponse intelligente et argumentée.
Idem lorsque e-x-o-d-e m’écrit ne pas comprendre qu'il soit possible de tirer de Mt 16. 17-18 (« Tu es Pierre… ») l’affirmation de « la prédominance de l’Eglise romaine », ainsi que la justification de « sa hiérarchie et l’autorité infaillible du Pape. » Dans ce texte évangélique, écrit e-x-o-d-e, « Jésus s’adresse à Pierre et ne dit pas que ce dernier aura des successeurs officiels sous la forme de la papauté, que ces successeurs hériteront de son autorité personnelle. » Et de poursuivre avec des arguments tirés de l’histoire du christianisme. Comment réagir, face à de telles interrogations ? Faut-il les ignorer ? Renvoyer au Magistère ? Ou bien répondre ? Eh bien moi, Hervé, j’ai pris le parti (dans la mesure que le Seigneur veut bien m’accorder) de répondre. D’entrer dans un vrai dialogue avec mes lecteurs. Un dialogue cordial, respectueux, ouvert et accueillant à des pensées différentes de la mienne ou de celle de l’Eglise, mais sans concession sur ce que je crois être juste et vrai, et que j’ai la grâce de pouvoir exprimer en toute liberté sur ce Blog – merci Over-Blog ! Et c’est la Parole même de Dieu qui m’exhorte à ce choix, comme cette parole de St Pierre : « soyez toujours prêts à rendre compte à quiconque vous le demande de l’espérance qui est en vous » (1 P 3. 15), ou celle-ci encore de Saint Paul : « Malheur à moi, si je n’évangélise pas ! » (1 Co 9. 16)
Alors, c’est vrai que c’est exigeant. Que ça me mange beaucoup de temps, et qu’il m’arrive de dormir un peu moins bien peut-être que dans une vie pépère au coin du feu. Mais l’aventure est passionnante ! Elle me permet de rencontrer (fut-ce de manière virtuelle) des personnes que je n’aurais jamais connu autrement ; elle me fournit l’occasion de « bûcher ma foi » comme dit le Père Guy Gilbert, et de grandir dans l’amour de Dieu et de mes frères ; elle me donne le privilège de pouvoir faire connaître la vérité de la foi au plus grand nombre par la grâce de l’Internet. Bref, de vivre pleinement avec les moyens modernes de communication mon sacerdoce de baptisé-confirmé, dans la joie de contribuer ainsi (à l’humble place qui est la mienne) au ré-enchantement du monde par l’annonce de l’Evangile.