29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 00:00

LE POINT (Existence de Dieu)Nous poursuivons ici notre critique du numéro spécial du Point consacré à l’existence de Dieu - publiée simultanément sur le blog Claude Tresmontant.

 

A l'instar de l'éditorial de Franz-Olivier Giesbert, l'article de Jean d'Ormesson commence plutôt bien : "Dieu n'est pas seulement le rêve le plus grand et le plus beau qui ait jamais hanté l'esprit des hommes. Il est peut être la seule réalité, celle auprès de qui l'Histoire, l'existence, l'Univers, l'espace et le temps, vous et moi et tout le reste ne sont qu'un brouillard qui se dissipe, un cauchemar passager, une illusion, un néant. Il est l'origine de tout, la cause de tout, le but final et l'explication dernière. Il ne tolère ni discussion, aucune hésitation, pas la moindre réserve. Il est toutes les réponses et ne pose aucune question." On peut ne pas être d'accord avec toutes ces formules, mais la transcendance de Dieu est ici exaltée – ainsi que son absoluité.

 

"Il est toutes les réponses et ne pose aucune question. Sauf une (poursuit d'Ormesson) : existe-t-il?" C'est en effet la première question. Il ne faut pas la minimiser ni la mépriser. Car Dieu n'est pas évident. Il ne l'est "ni quant à son existence ni quant à sa nature ; de sorte que, avant de le contempler, pour arriver à le contempler, des raisonnements sont nécessaires." (Roger Verneaux, in Introduction générale et logique, Editions Beauchesne 1997, p. 16)

 

D'Ormesson narre ensuite la genèse de l'idée de Dieu dans l'humanité jusque vers "le début du siècle écoulé", et constate qu'après 19 siècles de domination sans partage de Dieu (ou du moins de l'idée de Dieu)"qui régnait en souverain absolu (...), la science prend le pouvoir et l'emporte sur l'Eglise, sur l'armée, sur les politiques ; Dieu est mis en question." D'Ormesson exacerbe la tension entre "Dieu" et la science, en considérant que "Dieu mène contre la science triomphante un combat d'arrière-garde"... Il est dommage ici que d'Ormesson, qui commençait son article par un hommage à l'absolue transcendance de Dieu, ne l'ait pas situé au dessus de toutes ces contingences historiques... Cela dit, son exposé, pour aussi rapide et caricatural qu'il soit (qui s'explique sans doute par le format d'un bref article dans une revue grand public), n'est pas complètement faux.

 

La suite est franchement décevante. "On ne se donnera pas ici le ridicule d'entrer dans le grand débat POUR ou CONTRE son existence auquel tant de grands esprits, de Platon et Saint Augustin à Spinoza et Leibniz, de Jaspers et Teilhard de Chardin à Jacques Monod et François Jacob, ont donné tant d'éclat". Cela part sans doute d'un bon sentiment de la part de l'auteur – qui ne se sent pas de la dimension des penseurs précités pour entrer lui-même dans la mêlée. Il n'empêche… on serait en droit d'attendre d'un reportage portant sur "les questions et réponses sur l'existence de Dieu" un exposé loyal et objectif des diverses positions exprimées sur le sujet – une entrée, précisément, dans le débat. Au lieu de quoi, l'auteur nous livre un tableau de 8 lignes et 2 colonnes POUR et CONTRE censé résumer les arguments des partisans et détracteurs de l'existence de Dieu – mais qui trahit surtout sa méconnaissance des termes actuels de la discussion.

 

d'Ormesson

POUR : Le Big Bang créateur de l'espace et du temps.

CONTRE : Le Big Bang se produisant dans le temps.

 

Pour d'Ormesson, si le Big Bang est à l'origine du temps et de l'espace – et si ceux-ci n'existaient pas "avant" –, ce serait un argument fort en faveur de l'existence d’un Dieu créateur. D'Ormesson ne croit donc pas en la génération spontanée de l'univers – sur ce point, il est rationnel. Comme tous les grands philosophes de l'Histoire de la pensée (à quelques rares exceptions), il considère que le temps et l'espace n’ont pu jaillir du néant absolu ; que s'ils sont venus à l'existence, c'est qu'ils le doivent à un autre Être existant qui, Lui, est en dehors du temps et de l'espace ; au-delà de l’Univers physique et matériel.

 

Le CONTRE en revanche est contestable. Car même à supposer qu'il y ait eu du temps et de l'espace avant le Big Bang – ce que la science réfute aujourd'hui – cela ne démontrerait pas que Dieu n'existe pas (l'éternité du temps pouvant être un corollaire de l'éternité de Dieu). Il faudrait encore rendre compte des étonnantes propriétés de l’univers connu (le nôtre) – caractérisé par une succession de créations se manifestant dans une évolution irrésistiblement orientée vers la complexité, jusqu’au seuil critique de l’apparition de la vie puis de la pensée, tout cela à partir d'un point 0 et avec la seule matière (qui n'existait pas au point 0…). Comme disait Tresmontant : on aurait tort de se focaliser sur le seul Big Bang, comme si cette première "création" était la seule dans l’Histoire de l’univers. Il faut aussi considérer l’apparition continue, tout au long de l’Histoire de l’univers, d’informations nouvelles qui ne pré-existaient en aucune manière et qui ont surgit "spontanément" au fil du temps – ce que Bergson appelait la "création continue d’imprévisible nouveauté".

 

POUR : Une certaine idée de la transcendance.

CONTRE : Les progrès de la science, l'évolution, le transformisme.

 

Autrement dit : l'idée contre les faits. Là, d'Ormesson a clairement un siècle de retard – sa présentation est surannée dans les largeurs. Les progrès de la science accréditent plus que jamais l'existence de Dieu, puisque les thèses de l'éternité de la matière et du hasard ne sont plus recevables aujourd'hui. Dieu est donc plus nécessaire aujourd’hui que jamais.

 

Quant à l'évolution, nous dit Tresmontant, elle "n'est pas un principe d'explication – elle est ce qu'il s'agit d'expliquer". Elle est la création en train de se faire.

 

POUR : La tradition, une intime conviction.

CONTRE : La raison. La régression à l'infini exigée par la notion de Dieu.

 

Autrement dit : la subjectivité irrationnelle et mécanique contre l'objectivité rationnelle. Affligeant... Où l'on se prend à regretter que d'Ormesson n'ait pas lu une ligne de Claude Tresmontant... C'est précisément la raison qui postule l'idée d'un Être transcendant, éternel et absolu – un Être nécessaire qui ne doit son existence à rien ni à personne. Car le néant ne peut être absolument premier. S'il y a de l'être, c'est que de l'être a toujours existé – car autrement, cela reviendrait à affirmer la primauté du néant sur toute chose, ce qui n'est pas une pensée rationnelle. Entre le néant et l’Être, la raison tend vers l’Être. Or, cet Être ne peut être l'Univers – puisqu'il n'est pas éternel, et que ses caractéristiques ne sont pas celles d'un Être auto-suffisant. Dès lors : nous pouvons savoir avec certitude par la raison qu'il existe un autre Être que l'Univers, qui existe de toute éternité, qui est incréé, et qui donne à l'Univers d'exister. Cet Univers évoluant par ailleurs dans un sens déterminé (celui de la complexité croissante jusqu'à l'apparition de la vie et de la pensée) ; et la matière étant structurée de manière mathématique (donc : intelligente) ; nous pouvons entrevoir l'existence d'une Intelligence organisatrice à l'oeuvre conduisant l'évolution jusqu'à son terme, et communiquant à l'Univers les informations nouvelles dont il a besoin (et qu'il ne peut se donner lui-même) pour franchir chaque nouvelle étape de son développement.

 

POUR : Le réglage d'une précision inouïe observé dans l'Univers.

CONTRE : Le jeu du hasard et de la nécessité.

 

Reconnaissons que l'objection du hasard est devenue inoffensive – maintenant que nous connaissons l'Histoire de l'univers (qui rétrécit considérablement le champ des possibles) et l'abîme de complexité de la plus petite cellule vivante.

 

POUR : Un Univers ayant un début et une fin.

CONTRE : Des multiunivers se succédant en accordéon.

 

Cette dernière thèse étant un pur roman, sans le moindre fondement dans la réalité objective...

 

POUR : La dignité de l'homme mêlée à sa misère.

CONTRE : La misère de l'homme mêlée à sa grandeur.

 

C'est la seule objection recevable du point de vue de la raison. L’objection du mal. Comment croire en l’existence de Dieu dans un monde aussi profondément marqué par le mal (guerres, génocides, maladies, handicaps,…) ? Comment Dieu, le Créateur souverainement puissant et intelligent que nous découvre la raison, a-t-il pu créer un tel monde – théâtre de tant d’horreurs ?

 

Pour recevoir une lumière sur ce grand mystère, il faut écouter ce que Dieu lui-même nous en dit. Car s’il en est un qui peut nous dire ce qui ne "fonctionne" pas dans la Création, c’est bien le Créateur lui-même ! Cela suppose évidemment que l'on ait préalablement résolu la question de son existence. Tresmontant fait remarquer à ce sujet que la question du mal renvoie immanquablement au mystère du bien ; que celui-ci est premier, quoiqu’on en dise. Qu'est-ce que le mal en effet, sinon la privation d'un bien? (la mort : la privation de la vie... la maladie : la privation de la santé... la servitude : la privation de la liberté...). En rigueur de terme, le mal n’existe pas – il n’est pas un être, mais un défaut d’être, un manque d’être, un mal être. Ce qui existe, c’est le bien. La question du bien doit donc être traitée en premier, et c'est elle qui nous conduit irrésistiblement à Dieu – du moins, à son existence. La question du mal vient après. Elle ne remet pas en cause l’existence de Dieu (démontrée à partir du bien qui est premier), mais toute tentative d’explication du mal sans Dieu. Pour savoir pourquoi il y a du mal dans le monde, il faut interroger le Créateur et accueillir sa réponse. Il faut donc s’intéresser de près à la notion de "révélation", ainsi qu’à son contenu.

 

POUR : L'esprit humain seul capable d'essayer de comprendre l'Univers.

CONTRE : L'existence statistiquement inéluctable d'autres intelligences dans l'Univers".

 

D'abord, on ne voit pas pourquoi l'existence d'autres intelligences dans l'Univers serait un obstacle à l'existence de Dieu. Dieu n'aurait pas le droit de créer d'autres êtres ailleurs que sur la terre? Ensuite, statistiquement, il est douteux que d'autres intelligences existent dans l'Univers – car les conditions pour qu'elles existent sont si nombreuses qu'il est hautement improbable de les trouver toutes réunies ensemble ailleurs (compte tenu, finalement, de la "petitesse" de notre univers – qui n'est pas le Cosmos infini imaginé par nos Anciens, mais un espace fini et limité). Et quand bien même les statistiques seraient favorables, on ne sait toujours pas d'où vient la vie. On sait quelles sont les conditions nécessaires à son émergence – on ne sait pas si ces conditions sont suffisantes. On n'a toujours pas réussi à "fabriquer" de la vie en laboratoire à partir de la matière inerte (même en maximisant les chances)... La vie relève davantage du "miracle" et du "mystère" que d'un simple processus physico-chimique. Dès lors : quand bien même nous découvririons une autre planète terre quelque part dans l’Univers, rien ne dit que l'on y trouverait de la vie – et encore moins de "l'intelligence"...

 

POUR : La résignation ou mystère.

CONTRE : La résignation à l'absurde.

 

C'est en effet ici que tout se joue. Il y a un choix fondamental à faire – on ne peut y échapper. OU BIEN Dieu existe, et nous devons consentir au mystère – admettre qu'il existe une Vérité au-delà de notre Raison. OU BIEN Dieu n'existe pas et nous devons consentir à l’absurde – admettre qu’il existe des vérités contraires à la Raison.

 

Mais comme disait avec grande sagesse Jean Guiton, dans une inspiration pascalienne : "L'absurdité de l'absurde me conduit au mystère"...

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Publié par Matthieu BOUCART -
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