12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 13:56

Extrait du discours prononcé par le Pape Benoît XVI lors de sa rencontre avec les artistes, le 21 novembre 2009.

 

Messieurs les cardinaux,

Vénérés frères dans l'épiscopat

et dans le sacerdoce,

Mesdames et Messieurs!

 

C'est avec une grande joie que je vous accueille dans ce lieu solennel et riche d'art et de mémoire. J'adresse à tous et à chacun mon salut cordial et je vous remercie pour avoir accueilli mon invitation. Avec cette rencontre, je désire exprimer et renouveler l'amitié de l'Eglise avec le monde de l'art, une amitié consolidée dans le temps, car le christianisme, dès ses origines, a bien compris la valeur des arts et en a utilisé avec sagesse les langages multiformes pour communiquer son message immuable de Salut. Cette amitié doit sans cesse être promue et soutenue, afin qu'elle soit authentique et féconde, adaptée aux temps et tienne compte des situations et des changements sociaux et culturels. Voilà le motif de notre rendez-vous. Je remercie de tout cœur Mgr Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture et de la Commission pontificale pour les biens culturels de l'Eglise, pour l'avoir promu et préparé, avec ses collaborateurs, ainsi que pour les paroles qu'il vient de m'adresser. Je salue les cardinaux, les évêques, les prêtres et les éminentes personnalités présentes. Je remercie également la Chapelle musicale pontificale sixtine qui accompagne ce moment significatif. C'est vous qui êtes les acteurs de cette rencontre, chers et illustres artistes, appartenant à des pays, des cultures et des religions différentes, peut-être même éloignés d'expériences religieuses, mais désireux de maintenir vivante une communication avec l'Eglise catholique et de ne pas restreindre les horizons de l'existence au pur aspect matériel, à une vision réductrice et banalisante. Vous représentez le monde varié des arts et, précisément pour cela, à travers vous je voudrais faire parvenir à tous les artistes mon invitation à l'amitié, au dialogue, à la collaboration.

 

Plusieurs circonstances significatives enrichissent ce moment. Rappelons le dixième anniversaire de la Lettre aux Artistes de mon vénéré prédécesseur, le serviteur de Dieu Jean-Paul II. Pour la première fois, à la veille du grand Jubilé de l'An 2000, ce Pape, lui aussi artiste, écrivit directement aux artistes avec la solennité d'un document pontifical et le ton amical d'une conversation entre "ceux qui – comme le dit l'adresse –, avec un dévouement passionné, cherchent de nouvelles ‘épiphanies’ de la beauté". Ce même Pape, il y a vingt-cinq ans, avait proclamé Beato Angelico patron des artistes, indiquant en lui un modèle de parfaite harmonie entre foi et art.

 

Ma pensée va ensuite au 7 mai 1964, il y a quarante-cinq ans, lorsque, en ce même lieu, se déroula un événement historique, fortement voulu par le Pape Paul VI pour réaffirmer l'amitié entre l'Eglise et les arts. Les paroles qu'il prononça en cette circonstance retentissent encore aujourd'hui sous la voûte de cette Chapelle sixtine, touchant le cœur et l'esprit. "Nous avons besoin de vous – dit-il. Notre ministère a besoin de votre collaboration. Car, comme vous le savez, Notre ministère est celui de prêcher et de rendre accessible et compréhensible, et même émouvant, le monde de l'esprit, de l'invisible, de l'ineffable, de Dieu. Et dans cette opération... vous êtes des maîtres. C'est votre métier, votre mission ; et votre art est celui de saisir du ciel de l'esprit ses trésors et de les revêtir de mots, de couleurs, de formes, d'accessibilité" (Insegnamenti II, [1964], 313). L'estime de Paul VI pour les artistes était si forte qu'elle le poussa à formuler des expressions vraiment hardies : "Et si votre aide Nous manquait – poursuivait-il –, le ministère deviendrait balbutiant et incertain et aurait besoin de faire un effort, dirions-nous, de devenir lui-même artistique, ou mieux de devenir prophétique. Pour s'élever à la force d'expression lyrique de la beauté intuitive, il aurait besoin de faire coïncider le sacerdoce avec l'art" (ibid., 314). En cette occasion, Paul VI prit l'engagement de "rétablir l'amitié entre l'Eglise et les artistes", et il leur demanda de faire leur et de partager cet engagement, en analysant avec sérieux et objectivité les motifs qui avaient troublé cette relation et en assumant chacun avec courage et passion la responsabilité d'un itinéraire renouvelé et approfondi de connaissance et de dialogue, en vue d'une authentique "renaissance" de l'art, dans le contexte d'un nouvel humanisme.

 

Cette rencontre historique, comme je le disais, eut lieu ici, dans ce sanctuaire de foi et de créativité humaine. Ce n'est donc pas un hasard si nous nous retrouvons précisément en ce lieu, précieux en raison de son architecture et de ses dimensions symboliques, mais encore davantage de ses fresques qui le rendent unique, à commencer par les chefs-d'œuvre du Pérugin et de Botticelli, de Ghirlandaio et de Cosimo Rosselli, de Luca Signorelli et d'autres, pour arriver aux Histoires de la Genèse et au Jugement dernier, œuvres éminentes de Michel-Ange Buonarrotti, qui a laissé ici l'une de ses créations les plus extraordinaires de toute l'histoire de l'art. Ici a également souvent retenti le langage universel de la musique, grâce au génie des grands musiciens, qui ont mis leur art au service de la liturgie, en aidant l'âme à s'élever vers Dieu. Dans le même temps, la Chapelle sixtine est un écrin particulier de souvenirs, car elle constitue le décor, solennel et austère, d'événements qui marquent l'histoire de l'Eglise et de l'humanité. Ici, comme vous le savez, le Collège des cardinaux élit le Pape ; ici j'ai vécu moi aussi, avec impatience et une confiance absolue dans le Seigneur, le moment inoubliable de mon élection comme Successeur de l'Apôtre Pierre.

 

Chers amis, laissons ces fresques nous parler aujourd'hui, en nous attirant vers le but ultime de l'Histoire humaine. Le Jugement dernier, qui trône derrière moi, rappelle que l'Histoire de l'humanité est mouvement et ascension, est une tension inépuisable vers la plénitude, vers le bonheur ultime, vers un horizon qui dépasse toujours le présent alors qu'il le traverse. Cependant, dans son caractère dramatique, cette fresque place également devant nos yeux le danger de la chute définitive de l'homme, une menace qui pèse sur l'humanité lorsqu'elle se laisse séduire par les forces du mal. La fresque lance cependant un cri prophétique puissant contre le mal; contre toute forme d'injustice. Mais pour les croyants le Christ ressuscité est le Chemin, la Vérité et la Vie. Pour celui qui le suit fidèlement, il est la Porte qui introduit à ce "face à face", à cette vision de Dieu dont naît sans aucune limite le bonheur plein et définitif. Michel-Ange offre ainsi à notre vision l'Alpha et l'Omega, le Principe et la Fin de l'histoire, et il nous invite à parcourir avec joie, courage et espérance l'itinéraire de la vie. La beauté dramatique de la peinture de Michel-Ange, avec ses couleurs et ses formes, se fait donc annonce d'espérance, invitation puissante à élever le regard vers l'horizon ultime. Le lien profond entre beauté et espérance constituait également le noyau essentiel du suggestif Message que Paul VI adressa aux artistes, lors de la clôture du Concile œcuménique Vatican II, le 8 décembre 1965 : "A vous tous, proclama-t-il solennellement, l'Eglise du Concile dit à travers Notre voix : si vous êtes les amis de l'art véritable, vous êtes Nos amis!" (Enchiridion Vaticanum, 1, p. 305). Et il ajouta : "Ce monde dans lequel Nous vivons a besoin de beauté pour ne pas sombrer dans le désespoir. La beauté, comme la vérité, est ce qui apporte la joie au cœur des hommes, elle est ce fruit précieux qui résiste à l'usure du temps, qui unit les générations et les fait communiquer dans l'admiration. Et cela grâce à vos mains... Rappelez-vous que vous êtes les gardiens de la beauté de notre monde" (ibid.).

 

 

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Publié par Matthieu BOUCART -
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