Extrait du discours du Pape Benoît XVI aux membres de l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le clergé, le 16 mars 2009.
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l'Épiscopat et le Sacerdoce !
(…) Si l'Église tout entière est missionnaire, et si chaque chrétien, en vertu du Baptême et de la Confirmation, reçoit le mandat de professer publiquement la foi quasi ex officio (cf. CCC, 1305), le sacerdoce ministériel, même de ce point de vue, se distingue ontologiquement et pas seulement en degré du sacerdoce baptismal, que l'on appelle encore sacerdoce commun. Le mandat apostolique : « Allez dans le monde entier et prêchez l'Évangile à toute créature » (Mc 16, 5) est en effet constitutif du premier. Ce mandat n'est pas, nous le savons, une simple charge confiée à des collaborateurs ; ses racines sont plus profondes et doivent être recherchées beaucoup plus loin.
La dimension missionnaire du prêtre naît de sa configuration sacramentelle au Christ-Tête : elle comporte, comme une conséquence, une adhésion cordiale et totale à ce que la tradition ecclésiale a désigné comme l'apostolica vivendi forma.Celle-ci consiste dans la participation à une « vie nouvelle » comprise au sens spirituel, à ce « nouveau style de vie » qui a été inauguré par le Seigneur Jésus et que les Apôtres ont fait leur. Par des mains de l'Évêque et la prière consécratoire de l'Église, les candidats deviennent des hommes nouveaux, ils deviennent des « prêtres ». Dans cette lumière il apparaît clairement comment les tria munerasont d'abord un don et seulement ensuite un office, d'abord la participation à une vie, et pour ce motif une potestas. Certes, la grande tradition ecclésiale a, à juste titre, détaché l'efficacité sacramentelle de la situation existentielle concrète du prêtre, et ainsi les attentes légitimes des fidèles sont adéquatement sauvegardées. Mais ce juste éclaircissement doctrinal n'enlève rien à cette tension nécessaire, et même indispensable, vers la perfection moralequi doit habiter chaque cœur authentiquement sacerdotal.
Pour favoriser précisément cette tension des prêtres vers la perfection spirituelle dont dépend surtout l'efficacité de leur ministère, j'ai décidé d'instituer une « Année Sacerdotale » spéciale, qui ira du 19 juin prochain jusqu'au 19 juin 2010. C'est en effet le 150e anniversaire de la mort du Saint Curé d'Ars, Jean Marie Vianney, vrai exemple de Pasteur au service du troupeau du Christ. Votre Congrégation aura soin, en accord avec les Ordinaires diocésains et avec les Supérieurs des Instituts religieux, de promouvoir et de coordonner les diverses initiatives spirituelles et pastorales qui sembleront utiles pour faire percevoir toujours davantage l'importance du rôle et de la mission du prêtre dans l'Église et dans la société contemporaine.
La mission du prêtre, comme le met en évidence le thème de la plénière, se déroule « dans l'Église ». Une telle dimension ecclésiale, de communion, dimension hiérarchique et doctrinale, est absolument indispensable pour toute mission authentique, et c'est elle seule qui en garantit l'efficacité spirituelle. Les quatre aspects mentionnés doivent être toujours reconnus comme intimement liés : la mission est « ecclésiale » parce que personne n'annonce ni n'apporte soi-même, mais dans et à travers son humanité chaque prêtre doit être bien conscient de porter un Autre, Dieu lui-même, au monde. Dieu est la seule richesse que, en définitive, les hommes désirent trouver dans un prêtre. La mission est « de communion », parce quelle se déroule dans une unité et dans une communion qui ont également des aspects considérables de visibilité sociale, mais seulement dans un second temps. Ceux-ci, d'autre part, dérivent essentiellement de cette intimité divine dont le prêtre est appelé à être un expert, pour pouvoir mener, avec humilité et confiance, les âmes qui lui sont confiées à la même rencontre avec le Seigneur. Enfin, les dimensions « hiérarchique » et « doctrinale » suggèrent de réaffirmer l'importance de la discipline (le terme est lié à celui de « disciple ») ecclésiastique et de la formation doctrinale, et pas seulement théologique, initiale et permanente.
La conscience des changements sociaux radicaux des dernières décennies doit pousser les meilleures énergies ecclésiales à soigner la formation des candidats au ministère. En particulier, elle doit stimuler la sollicitude constante des Pasteurs envers leurs premiers collaborateurs, soit en cultivant des relations humaines vraiment paternelles, soit en se préoccupant de leur formation permanente, surtout sous le profil doctrinal. La mission s'enracine de façon spéciale dans une bonne formation, développée en communion avec la Tradition ecclésiale ininterrompue, sans césures ni tentations de discontinuité. En ce sens, il est important de favoriser chez les prêtres, surtout chez les jeunes générations, une correcte réception des textes du Concile Œcuménique Vatican II, interprétés à la lumière de tout le bagage doctrinal de l'Église. Il apparaît aussi urgent de récupérer cette conscience qui pousse les prêtres à être présents, identifiables et reconnaissables tant à leur jugement de foi qu'à leurs vertus personnelles ou même qu'à leur vêtement, dans les domaines de la culture et de la charité, depuis toujours au cœur de la mission de l'Église.
Comme Église et comme prêtres nous annonçons Jésus de Nazareth Seigneur et Christ, crucifié et ressuscité, Souverain du temps et de l'histoire, dans l'heureuse certitude que cette vérité coïncide avec les attentes les plus profondes du cœur humain. Dans le mystère de l'incarnation du Verbe, c'est-à-dire dans le fait que Dieu se soit fait homme comme nous, se trouve tant le contenu que la méthode de l'annonce chrétienne. La mission trouve ici son vrai centre moteur : en Jésus-Christ, précisément. La centralité du Christ porte avec elle la juste valorisation du sacerdoce ministériel, sans lequel il n'y aurait ni l'Eucharistie, ni, encore moins, la mission ni l'Eglise elle-même. En ce sens il est nécessaire de veiller à ce que les « nouvelles structures » ou organisations pastorales ne soient pas conçues en vue d'un temps où l'on devrait « se passer » du ministère ordonné, en partant d'une interprétation erronée de la juste promotion des laïcs : ce serait poser les prémisses d'une ultérieure dilution du sacerdoce ministériel, et les « solutions » éventuellement présumées finiraient dramatiquement par coïncider avec les causes réelles des problématiques contemporaines liées au ministère.
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