22 avril 2007 7 22 /04 /avril /2007 22:04

Cher Miky,

Après avoir sommé les partisans de la théologie naturelle à faire le choix entre la science et la métaphysique – choix auquel je me refuse pour ma part : comme disait la petite Thérèse : « Je choisis tout » ! – tu t’emploies à réfuter l’argument selon lequel « il est raisonnable de croire en la raison » en affirmant que les découvertes que j’invoque dans mon dernier article – telle la découverte de Neptune par Le Verrier – « ne relèvent pas d’un raisonnement métaphysique (…) et que c’est bien uniquement l’expérience qui a pu valider, au final, le résultat de la démarche rationnelle qui a mené à ces découvertes ».

A cela, je répondrais que si l’expression « raisonnement métaphysique » te dérange, je veux bien l’échanger avec l’expression « démarche rationnelle » de laquelle procède le « raisonnement métaphysique », et que tu utilises toi-même dans la même phrase ; elle me convient parfaitement, car c’est bien une démarche purement rationnelle qui a permis à l’homme de faire, dans les exemples cités, de grandes découvertes sur le plan scientifique (ainsi que tu le reconnais toi-même : cf. la partie soulignée). Preuve s’il en est de la validité de cette « démarche rationnelle » pour chercher (et trouver!) la vérité.

Tu prends soin de relever que c’est l’expérience qui a permis dans ces exemples de valider la démarche rationnelle et de la reconnaître a posteriori pour vraie. Ce qui est exact. Mais ce n’est pas l’expérience qui a rendue vraie la démarche rationnelle, qui l’était avant même d’avoir pu être vérifiée. L’expérience n’a fait que confirmer ce que la démarche rationnelle avait pu découvrir par elle-même. Ce faisant, elle a confirmé les étonnantes capacités de l’esprit humain de voir et de connaître des réalités que nos sens eux-mêmes ne perçoivent pas.

Il est donc exagéré de ne vouloir considérer pour vraie que la démarche rationnelle confirmée par l’expérience scientifique. En disqualifiant par avance les « théories métaphysiques » comme « tout bonnement indémontrables » en ce qu’elles « rajoutent toujours au monde tel qu’on peut l’observer au moins un élément inobservable », tu retombes à nouveau (excuse-moi de te le dire) dans le vieux travers « scientiste » qui consiste à ne tenir pour intellectuellement recevable que ce qui est empiriquement démontré… toute autre considération étant pure conjecture… peut-être juste dans l’absolue, mais de toute façon invérifiable, et par suite insusceptible d’être objectivement reconnue pour vraie par la raison humaine.

Le problème, vois-tu, c’est que toute connaissance n’est pas vérifiable par l’expérience (au sens où tu l’entends). Seules les connaissances acquises dans le domaine physique le sont, en toute rigueur. Mais dans le domaine métaphysique, il n’est pas possible (par définition) de soumettre nos intuitions aux instruments d’analyse et de mesure fournis par la science (prouve moi scientifiquement l’amour de ta fiancée pour toi !). Cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient invérifiables ! Invérifiables, elles le sont assurément selon le mode purement scientifique, mais non selon le mode propre à la métaphysique elle-même qui n’exclut pas, selon la perspective aristotélicienne, le mode scientifique, mais le dépasse (c’est d’ailleurs le sens du mot « méta-physique » : au-delà de la nature) sans jamais toutefois s’en séparer, tel un explorateur solidement attaché à son harnais.

Il me paraît dès lors tout-à-fait possible d’acquérir de vraies certitudes par une démarche rationnelle dont les résultats pourront être jugés valides dans la mesure où 1°) ils ne seront pas incompatibles avec les vérités mises au jour par les sciences expérimentales (j’en reviens à ce que je disais dans mon précédent article : la science comme « modérateur » de la pensée métaphysique), et où 2°) ils seront vérifiés par l’expérience commune que tout un chacun pourra faire.

J’entends bien ton argument tiré des échecs de la démarche rationnelle dans le domaine scientifique. J’ai beaucoup apprécié, tu t’en doutes, la référence à Wegener, mais à ce remarquable exemple, tu opposes les errements d’un Samuel Hahnemann, d’un J.J. Becher, ou d’un René Blondlot : « Combien d’égarements donc, pour une intuition géniale ? demandes-tu ainsi. Combien de Hahnemann pour un Wegener ? Le calcul de ce rapport pourrait, certes, peut-être donner une estimation de la probabilité a priori pour qu’une théorie basée seulement sur une démarche rationnelle soit vraie, avant même de l’avoir vérifiée. Ce calcul serait intéressant. (…) Il serait étonnant que cette probabilité soit très élevée. Mes propres estimations « à la louche » me conduisent à penser qu’elle serait plutôt faible. Il suffit de discuter avec des scientifiques pour se rendre compte qu’en matières d’hypothèses scientifiques, il y a beaucoup plus d’ivraie que de bon grain… » Alors, a fortiori, en métaphysique… 

Mais tes contre-exemples ne prouvent pas Miky qu’il n’y a pas de vérité (puisque la notion d’« erreur » n’a de sens qu’en face d’une « vérité »), ni que la raison humaine est incapable d’y parvenir. Ils témoignent simplement que la vérité est difficile à atteindre, qu’elle exige un labeur important et que l’erreur est possible. Que l’erreur soit possible, je le conçois très volontiers, puisqu’il y a des athées ! (humour………..) Mais s’il est avéré que l’on se trompe souvent, il n’est pas vrai que l’on se trompe toujours...

Or, concernant la question de l’existence de Dieu qui nous préoccupe, il n’y a pas 36 solutions! Je n'en vois que 3 pour ma part. Ou bien l’univers n’a pas de cause. Ou bien l’univers a sa cause en lui-même. Ou bien l’univers a sa cause ailleurs qu’en lui-même.

L’univers a-t-il une cause ? Je suis libre de répondre négativement à cette question. Mais il me faut alors reconnaître honnêtement que j’opte pour la solution la moins évidente et... la moins rationnelle ! Ce qui est bien sûr mon droit le plus strict, mais comme la philosophie n’est pas l’art de dire tout et n’importe quoi sans la moindre justification, il conviendra d’en rendre compte, et de « présenter ses preuves ». Avis aux amateurs…

L’univers a-t-il sa cause en lui-même ? C’est ce que pensent les athées, et que tu dis toi-même penser Miky (« Pourquoi le monde tel qu’on peut l’observer aurait-il besoin d’un monde inobservable pour exister, et être tel qu’il est ? » demandes-tu ainsi). Mais là encore, il faut faire face à la réalité telle qu’elle se dévoile progressivement à mesure que la science progresse. Il faut rendre compte d’un univers qui n’a pas toujours existé, et qui s’est, en quelque sorte, donné l’être (ou le mouvement) tout seul. Et puis, il faut reconnaître à la matière une extraordinaire « intelligence » capable de provoquer l’organisation inouïe que nous observons au télescope comme au microscope, et une intelligence suffisamment puissante pour faire surgir de la matière inerte la vie, et de la vie in fine l’homme et sa pensée réflexive (ce qu’aucun de nos plus grands savants, et des plus brillants esprits que la Terre ait jamais porté n’ont su reproduire dans leur laboratoire, la Nature, a priori inintelligente, elle, l’a fait !). Il faut expliquer ainsi que l’évolution se fasse toujours dans le même sens : celui d’une complexification croissante et accélérée ; et rendre compte du fait que le « moins » engendre sans cesse du « plus » – fait qui contredit singulièrement l’expérience que nous faisons tout un chacun des réalités de ce monde…

L’univers a-t-il sa cause ailleurs qu’en lui-même ? C’est la troisième option possible, que je tiens – et de loin ! – pour la plus vraisemblable. Tout d’abord par élimination des deux précédentes, que je considère absolument irrationnelle pour la première, et relativement moins rationnelle pour la seconde. Mais ensuite parce que ma raison m’y conduit naturellement en observant l’intelligence à l’œuvre dans l’univers, dont rien – mais alors rien « de chez » rien ! – sur le plan scientifique ne me donne à penser que cette intelligence soit celle de la matière elle-même. Qu’il y ait de l’intelligence dans l’univers, cela ne fait pas de doute, tout le monde l’observe et le reconnaît bien volontiers aujourd’hui. Mais que cette intelligence soit celle de la matière elle-même, je dirais qu’il ne suffit pas de l’affirmer, il faut encore le démontrer. Or, rien dans ce que les sciences positives nous enseignent aujourd’hui n’accrédite le moins du monde cette idée d’une quelconque intelligence de la matière...

Si je suivais ton raisonnement, Miky, et affirmais que l’intelligence observée dans l’univers est celle de l’univers lui-même, je ferais alors un spectaculaire bon de plusieurs dizaines de milliers d’années en arrière pour revenir à la bonne vieille doctrine panthéiste des premiers hommes, et à un animisme cosmique qu’aucune donnée scientifique, je le répète, ne vient étayer ou corroborer en aucune manière. A quelle extraordinaire régression de la pensée nous invites-tu Miky ?! L’aventure scientifique des siècles passés n’aurait-elle donc servi de rien ? « Tout ça pour ça… », serait-on tenté de dire, dans un soupir de découragement…

Alors, oui, je suis d’accord, l’erreur est possible. Mais une chose me paraît absolument certaine : c’est que des trois options ci-dessus énoncées, l’une seulement est vraie et les deux autres nécessairement erronées. En terme de probabilité, cela fait une chance sur trois de connaître la vérité sur l’origine de l’univers. Cela me paraît « jouable », tu ne crois pas ? En tout cas, pour ma part, et pour les raisons évoquées plus haut, je crois raisonnable de considérer la troisième option comme la plus satisfaisante sur le plan intellectuel.

Je répète à ce stade que mon propos n’est pas ici de démontrer l’existence de Dieu. Si j’y parviens, tant mieux, je serais le plus heureux des hommes. Mais mon ambition première n'est pas là. Elle est simplement de démontrer qu’en toute hypothèse, et malgré l’opinion la plus répandue, l’option de la croyance en l’existence de Dieu est de loin la plus rationnelle. Note bien Miky que je ne dis pas qu’elle est vraie. Je dis simplement qu’elle est la plus rationnelle. Après, libre à chacun de croire que l’univers est « absurde » ou « illusion ». Mais pour qui croit dans le secret de sa conscience en la raison, pour qui fait le choix de la raison, alors il faut bien reconnaître que l’existence de Dieu se présente comme une réelle possibilité dont rien ne justifie qu'elle soit écartée a priori, et s’impose même en vérité comme la seule solution authentiquement rationnelle au problème métaphysique de l’existence de l’univers. Car tout plaide en faveur de l’existence d’un Créateur.

(A suivre…)

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

M
Cher Matthieu,
Une petite précision sur ma conception de la métaphysique :
http://metazet.over-blog.com/article-6461339.html
Cet article, avec mon précédent, devrait répondre dans les grandes lignes aux deux premiers volets de ta réponse. Je verrai s'il y a encore des choses à rajouter...
Amicalement,
Miky
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