15 mars 2007 4 15 /03 /mars /2007 09:22

[Nous poursuivons, chers lecteurs, notre lecture continue du livre de Saint Alphonse de Liguori sur le Grand moyen de la Prière, dont nous terminons aujourd'hui la première partie.]

III. LA PERSERVERANCE REQUISE DANS LA PRIERE

 

Suffit-il que nos prières soient humbles et confiantes pour nous obtenir la persévérance finale et le salut éternel ? Les prières particulières vous procureront bien les grâces particulières, mais, si elles ne sont pas persévérantes, nous n'obtiendrons pas la Persévérance finale. Parce qu'elle suppose beaucoup de grâces, celle-ci exige des prières multiples et à continuer jusqu'à la mort. La grâce du salut n'est pas une grâce unique mais toute une chaîne de grâces qui ne font ensuite plus qu'un avec la Persévérance finale ; à cette chaîne de grâces doit correspondre, pour ainsi dire, une autre chaîne, celle de nos prières. Si nous négligeons de prier et si nous brisons ainsi la chaîne de nos prières, se brisera aussi la chaîne de grâces nécessaires à notre salut, et nous ne serons pas sauvés !

Certes, nous ne pouvons pas mériter la Persévérance, ainsi que l'enseigne le saint Concile de Trente : « Pareillement au sujet du don de la Persévérance, dont il est écrit : « Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé » (Mt 10, 22 ; 24, 13), ce qui est impossible sans celui qui « a le pouvoir de maintenir celui qui est debout, pour qu'il continue de l'être » (Rm 14, 4). Saint Augustin dit cependant : on peut très bien mériter par nos prières ce grand don de la Persévérance : « Ce don de Dieu on peut donc le mériter par la prière ». Le Père F. Suarez ajoute : celui qui prie l'obtient infailliblement. Mais il faut, dit saint Thomas, que la prière soit persévérante et continue : « Après le baptême, pour que l'homme entre au ciel, la prière continuelle lui est nécessaire ». Notre Seigneur l'a déclaré lui-même plusieurs fois : « Il leur disait... qu'il leur fallait prier sans cesse et ne pas se décourager » (Lc 18, 1). « Veillez donc et priez en tout temps, afin d'avoir la force d'échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme » (Lc 21,36). L'Ancien Testament affirme de même : « Que rien ne t'empêche de prier toujours » (Qo 18, 22)... « En toute circonstance, bénis le Seigneur Dieu, demande-lui de diriger tes voies et de faire aboutir tes sentiers » (Tb 4, 19). L'Apôtre Paul inculquait à ses disciples de ne jamais cesser de prier : « Priez sans cesse » (I Th 5, 17). « Soyez assidus à la prière » (Col 4, 2). « Ainsi je veux que les hommes prient en tout lieu » (I Tm 2). Le Seigneur veut bien nous accorder la Persévérance et la vie éternelle, dit saint Nil, mais uniquement à ceux qui la demandent avec persévérance : « Il veut combler de bienfaits ceux qui persévèrent dans la prière ».

Avec la grâce beaucoup de pécheurs arrivent à se convertir à Dieu et à recevoir le pardon ; mais s'ils cessent de demander la persévérance, ils retournent au péché et perdent tout. Il ne suffit pas, dit Bellarmin, de demander la grâce de la Persévérance une fois en passant ou rarement mais toujours, chaque jour, jusqu'à la mort : « La demander chaque jour pour l'obtenir chaque jour ». Qui la demande un jour l'aura pour ce jour-là ; s'il ne la demande pas demain, demain il tombera ! C'est ce que nous enseigne la parabole de l'ami qui ne consentit à donner du pain à l'importun qu'après une longue insistance : « Même s'il ne se lève pas pour les lui donner en qualité d'ami, il se lèvera du moins à cause de son impudence et lui donnera tout ce dont il a besoin » (Lc 1l, 8). « Cet ami, dit saint Augustin, finit par lui donner les pains qu'il demande, bien qu'à contre-cceur et pour se débarrasser de cet importun ». A combien plus forte raison, Dieu, la bonté infinie, qui a un tel désir de nous communiquer ses biens, ne nous accordera-t-il pas ses grâces ? Il nous y exhorte lui-même et il lui déplaît que nous ne le fassions pas. Le Seigneur veut donc bien nous accorder le salut et toutes les grâces nécessaires pour cela, mais il désire que nous les demandions inlassablement jusqu'à l'importunité.

Cornelius Lapide commente ainsi cet Evangile : « Dieu veut que nous persévérions dans la prière jusqu'à l'importunité ». Les gens d'ici-bas ne peuvent pas souffrir les importuns ; mais, non seulement Dieu nous supporte, mais il désire précisément que nous allions jusqu'à l'importunité, spécialement pour obtenir la sainte Persévérance. Selon saint Grégoire, Dieu veut qu'on lui fasse violence par la prière. Cette violence ne l'irrite pas mais elle attire sa clémence : « Dieu veut être appelé, il veut être forcé, il veut être vaincu par une certaine importunité... Dieu n'est pas offensé par la bonne violence mais apaisé ».

Pour obtenir la Persévérance, il faut donc nous recommander sans cesse à Dieu, le matin, le soir, à la méditation, à la messe, à la communion, toujours et spécialement au moment des tentations. Il faut répéter alors : Seigneur, Seigneur, assistez-moi, protégez-moi, ne m'abandonnez pas, ayez pitié de moi ! Qu'y a-t-il de plus facile que de lancer ces appels vers le Seigneur ? Sur les paroles du Psalmiste : « Le chant qu'elle m'inspire est une prière à mon Dieu vivant » (Ps 42, 9), la Glose fait cette remarque : « Quelqu'un objectera : Je ne peux pas jeûner ni faire des aumônes, mais quand il s'agit de prier son objection ne tient pas », parce qu'il n'y a rien de plus facile que de prier. Mais il ne faut jamais cesser de prier. Il faut faire continuellement violence à Dieu pour qu'il nous aide à chaque instant : cette violence lui est chère et agréable. « Cette violence est chère à Dieu », écrit Tertullien, et saint Jérôme dit de même : plus nos prières sont persévérantes et importunes, plus Dieu les accepte : « La prière est d'autant plus agréable à Dieu qu'elle est importune plus longtemps ! ». « Heureux l'homme qui m'écoute, qui veille jour après jour à mes portes » (Pr 8,34). Bienheureux l'homme, dit Dieu, qui m'écoute et qui veille sans cesse par ses saintes prières aux portes de ma miséricorde ! Et Isaïe assure : « Bienheureux tous ceux qui espèrent en lui et qui l'attendent » (Is 30, 18). Oui, bienheureux ceux qui jusqu'à la fin attendent, en priant, leur salut éternel du Seigneur. Aussi, dans l'Evangile, Jésus nous exhorte-t-il à prier, mais en quels termes ? « Demandez et l'on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira » (Lc 1 l, 9). Il lui aurait suffi de dire : « Demandez ». A quoi bon ajouter « cherchez » et « frappez » ? Mais ces mots ne sont pas superflus ; le Rédempteur a voulu nous apprendre par là que nous devons imiter les pauvres qui vont mendier : s'ils ne reçoivent pas d'aumône et sont renvoyés, ils ne se découragent pas et reviennent à la charge. Si le maître de maison ne se montre plus, ils se mettent à frapper aux portes jusqu'à en devenir très importuns et ennuyeux. Dieu veut que nous fassions de même : que nous priions, que nous recommencions à prier, que nous ne cessions jamais de lui demander de nous assister, de nous secourir, de nous donner lumière et force, et de ne permettre jamais que nous perdions sa grâce.

Le savant Lessius affirme : Si quelqu'un est en état de péché ou en danger de mort et qu'il ne prie pas, il commet une faute grave, de même que celui qui omet de prier pendant une période importante c'est-à-dire, d'après lui, pendant un ou deux mois, mais ceci est vrai en dehors du moment de la tentation. En effet, lorsqu'on est assailli par quelque dangereuse tentation, on pèche gravement, sans aucun doute, si l'on ne demande pas à Dieu la force d'y résister ; car on s'expose au danger prochain et même certain d'y succomber.

Mais, objectera quelqu'un : Puisque le Seigneur peut et veut me donner la sainte Persévérance, pourquoi ne me l'accorde-t-il pas une fois pour toutes, quand je la lui demande ? Les Saints Pères énumèrent de nombreuses raisons. Dieu ne la concède pas une fois pour toutes et il la diffère, d'abord pour mieux éprouver notre confiance. Ensuite, dit saint Augustin, pour nous la faire désirer plus ardemment. Le saint écrit : Les grandes grâces doivent faire l'objet d'un grand désir. Les biens que l'on obtient sitôt demandés sont moins appréciés que ceux longtemps désirés : « Dieu ne veut pas donner aussitôt, afin que tu apprennes à désirer très fort les grands dons ; ce qui est longtemps désiré est reçu avec d'autant plus de joie ; ce qui est vite accordé perd de son prix ». Il le fait également pour que nous ne l'oubliions pas. Si nous étions déjà sûrs de notre Persévérance et de notre salut, si nous n'avions pas continuellement besoin de lui pour garder sa grâce et faire notre salut, nous oublierions facilement Dieu. Le besoin amène les pauvres à fréquenter les maisons des riches. Pour nous attirer à lui, dit saint Jean Chrysostome, pour nous voir souvent à ses pieds et pour mieux nous combler, le Seigneur diffère jusqu'au moment de notre mort le don de la grâce plénière du salut : « S'il diffère, ce n'est nullement qu'il refuse nos prières mais il veut ainsi nous rendre diligents et nous attirer à lui ». Et puis, au fur et à mesure que nous continuons à prier, nous nous attachons davantage à lui par les doux liens de l'amour : « La prière, ajoute saint Jean Chrysostome, n'est pas un mince lien d'amour avec Dieu : elle nous habitue à dialoguer avec lui ». Ce continuel recours à Dieu par la prière, cette attente confiante de ses grâces, quel feu ardent ! quel solide lien d'amour ! bien capables d'enflammer notre coeur et de nous attacher plus étroitement à Dieu !

Mais jusqu'à quand doit-on prier ? Toujours, répond ce même saint, jusqu'à ce que nous recevions la sentence favorable du salut éternel, c'est-à-dire jusqu'à la mort : « Ne t' arrête pas, continue-t-il, tant que tu n' as pas reçu ! ». Et il ajoute : Celui qui se dit : je ne cesserai pas de prier, tant que je ne serai pas sauvé, celui-là est sûr de son salut : « Si tu dis : je ne me retirerai pas avant d'avoir reçu, tu recevras certainement ». L'Apôtre Paul écrit : Beaucoup courent après la récompense mais un seul la reçoit, celui qui réussit à la saisir : « Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter ! » (I Co 9, 24). Il ne suffit donc pas de prier pour faire son salut ; il faut prier inlassablement jusqu'à ce que nous recevions la couronne que Dieu a promise mais uniquement à ceux qui sont fidèles à le prier jusqu'à la fin. Si nous voulons faire notre salut, nous devons imiter le roi David qui tenait toujours les yeux tournés vers le Seigneur : « Mes yeux sont fixés sur Yahvé, car il tire mes pieds du filet » (Ps 25 (24), 15). Le démon nous tend continuellement des pièges pour nous dévorer, comme l'écrit saint Pierre : « Votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer » (I P 5, 8).

Nous devons donc rester continuellement les armes à la main, pour nous défendre contre cet ennemi, et pour dire avec le Prophète-Roi : « Je poursuis mes ennemis et les atteins, je ne reviens pas qu'ils ne soient achevés » (Ps 18 (17), 38). Je ne m'arrêterai pas de combattre tant que je ne verrai pas mes ennemis vaincus. Mais comment remporter cette victoire si importante et si difficile ? « Par des prières très persévérantes » nous répond saint Augustin, uniquement par des prières mais très persévérantes. Et jusqu'à quand ? tant que durera le combat. « De même que le combat ne cesse jamais, dit saint Bonaventure, ainsi ne cessons jamais d'implorer miséricorde ». Nous devons continuellement lutter. Nous devons donc demander continuellement à Dieu son secours pour ne pas être vaincus.

Malheur, dit le Sage, à ceux qui dans ce combat cessent de prier. « Malheur à ceux qui ont perdu la patience » (Si 2, 14). L'Apôtre Paul nous en avertit : nous ne ferons notre salut qu'à cette condition : « Pourvu que nous gardions l'assurance et la joyeuse fierté de l'espérance » (He 3, 6). C'est-à-dire si nous sommes fidèles à prier avec confiance jusqu'à la mort.

Encouragés par la miséricorde de Dieu et par ses promesses, disons donc avec l'Apôtre Paul : « Qui nous séparera de l'amour du Christ, la tribulation, l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? » (Rm 8, 35). Oui, qui pourra nous séparer de l'amour de Jésus Christ ? Peut-être la tribulation ? le danger de perdre les biens de cette terre ? les persécutions des démons ou des hommes ? Les tortures des tyrans ? « Mais en tout cela, nous encourage saint Paul, nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Rm 8, 37). Aucune tribulation, disait-il, aucune angoisse, aucun danger, aucune persécution ou torture, ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Jésus Christ. Nous triompherons de tout avec l'aide de Dieu et en combattant pour ce Seigneur qui a donné sa vie pour nous.

Le Père Ippolito Durazzo avait décidé de quitter la prélature romaine et de se consacrer tout entier à Dieu pour entrer dans la Compagnie de Jésus. Il craignait d'être infidèle à cause de sa faiblesse : « Ne m'abandonnez pas Seigneur, disait-il, maintenant que je me suis donné tout à vous ; par pitié ne m'abandonnez pas ! » Mais il entendit Dieu lui dire au fond du coeur : « C'est bien plutôt toi qui ne dois pas m'abandonner ». Oui, lui disait le Seigneur, c'est bien plutôt à toi de ne pas m'abandonner ! Confiant en la bonté de Dieu et en sa grâce, le Serviteur de Dieu finit par dire : « Vous ne m'abandonnerez donc pas. Eh bien, moi non plus je ne vous abandonnerai pas ! ».

En conclusion, si nous ne voulons pas que Dieu nous abandonne, prions-le inlassablement de ne pas nous abandonner ! Il est certain qu'il nous assistera toujours. Il ne permettra jamais que nous le perdions et que nous nous séparions de son amour. Efforçons-nous donc de demander sans cesse la Persévérance finale et les grâces nécessaires pour cela. Demandons toujours en même temps la grâce d'être fidèle à prier. C'est là précisément la grande faveur qu'il a promise à ses élus par la bouche du Prophète : « Je répandrai sur la maison de David et sur l'habitant de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication » (Za 12, 10).

Oh ! que l'esprit de prière est une grande grâce ! Quelle grâce que celle de prier sans cesse. Demandons inlassablement cet esprit de prière ! Soyons sûrs que, si nous prions sans cesse, nous obtiendrons certainement la Persévérance et toutes les autres grâces que nous désirons : le Seigneur ne peut être infidèle à sa promesse d'exaucer ceux qui le prient. « C'est en espérance que nous sommes sauvés » (Rm 8, 24). Avec cette espérance de toujours prier, nous pouvons être sûrs de notre salut : « La confiance nous assurera une large entrée dans cette Sainte Cité ». Cette espérance, disait le Vénérable Bède, nous garantira certainement l'entrée dans la Cité de Dieu.

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

B
Merci pour tes textes vigoureux et revigorants !Quel beau moyen pour témoigner de ta foi !Bonne journée.
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