Nous l’avons vu abondamment ces dernières semaines : la question de l’existence de Dieu n’est pas, en toute rigueur pour l’Eglise, objet de foi, mais bien de croyance rationnelle. C’est pourquoi il nous faut distinguer la foi, qui est la réponse personnelle et existentielle de l’homme à Dieu qui se révèle, et la croyance en l’existence de Dieu, qui relève davantage de la connaissance rationnelle à laquelle chacun peut parvenir au moyen d’un raisonnement métaphysique, par l’effort de son intelligence naturelle, indépendamment de la Révélation (si ce n’est tout de même la révélation que Dieu fait de lui-même… dans la Création, qui est la première de Ses grandes manifestations aux hommes).
Autrement dit, comme disait Voltaire : « Il m'est évident qu'il y a un Être nécessaire, éternel, suprême, intelligent ; ce n'est pas de la foi, c'est de la raison. »
C’est pourquoi l’Eglise tient tant à s’adresser à l’intelligence des hommes, et non pas seulement à leur sensibilité ou leur émotion ; elle pense, à la suite du judaïsme orthodoxe, que l’intelligence humaine est faite pour connaître la vérité, objet de son désir le plus profond, et qu’elle est capable d’y parvenir simplement, par l’usage de ses facultés naturelles.
L’Eglise confère ainsi la plus haute valeur à la raison humaine contre tous ceux qui la déprécient et dévalorisent. Elle enseigne avec force que l’homme est capable d’accéder à la connaissance du vrai, de ce qui existe, par l’usage de sa raison et de son intelligence. Elle sait bien à ce sujet que la raison a vocation à acheminer l’homme vers la foi, qu’elle est faite pour la foi, qu’elle dispose l’homme à la foi, et que l’on ne peut construire une foi solide sans la raison.
En ce sens, l’Eglise catholique est authentiquement rationaliste. Car en reconnaissant à la raison humaine le pouvoir d’aller jusqu’au bout de son désir profond, de son désir naturel qui est de connaître la vérité, l’Eglise professe une doctrine rationaliste, au sens vrai du terme. Et chose curieuse : elle semble être la seule au monde, avec le judaïsme dont elle est issue… Elle seule, en effet, cultive un tel optimisme sur la raison humaine, sur sa valeur, sa puissance et ses capacités. L’Eglise catholique paraît donc occuper seule aujourd'hui le terrain du véritable rationalisme, et en avoir le quasi-monopole… « faute de combattants » dirais-je.
L’on objectera qu’il existe des « rationalistes » athées, des « ligues » ou des « unions » rationalistes en dehors du christianisme. Certes. Mais à y bien regarder, on sera frappé de constater que ces rationalistes-là ne croient pas la raison capable d’atteindre la vérité objective, et d’apporter des réponses satisfaisantes et définitives aux problèmes métaphysiques qui se posent à l’esprit humain, dont la question de l’existence de Dieu. Le mot « métaphysique » leur donne même des boutons. Ils considèrent en général soit que ces questions ne se posent pas, soit qu’elles sont « insolubles » ; ils limitent en tous les cas le champ de la pensée rationnelle aux seuls domaines des sciences expérimentales. Leur rationalisme est donc un rationalisme imparfait, inachevé.
A l’opposé de ce rationalisme se trouve une pensée « irrationaliste », qui est tout près d’affirmer que la raison est mauvaise, que le rationalisme est mauvais, que la rationalité est mauvaise. Elle affirme en tout les cas, depuis Luther, que la raison humaine est impuissante. Contre ce pessimisme, l’Eglise catholique enseigne avec constance l’excellence de la raison humaine, la puissance de l’intelligence humaine, et sa haute dignité. Et encore une fois, elle apparaît bien seule…
On remarquera avec amusement que les partisans de cet irrationalisme affirment s’en remettre exclusivement à la Révélation, alors que c’est la Bible elle-même qui enseigne précisément la possibilité pour l’intelligence humaine de connaître avec certitude l’existence de Dieu à partir de ses œuvres…
(à suivre…)