Dans sa catéchèse du 12 septembre 1979, le Pape Jean-Paul II revient sur la controverse opposant Jésus aux Pharisiens sur la question de l’indissolubilité du mariage : tandis que les Pharisiens invoquent la loi de Moïse, Jésus, lui, se réclame de l'origine, en citant les paroles mêmes du Livre de la Genèse.
Le Premier texte auquel renvoie Jésus est le récit de la création de l’homme, inséré dans le cycle des sept jours de la Création du monde (Gn 1. 1 – 2. 4). Ce premier récit est historiquement postérieur au second, et provient de la tradition sacerdotale appelée Elohiste, en ce qu’elle désigne Dieu par le terme « Elohim » ; il est théologiquement moins anthropomorphique que le premier et « plus mur tant en ce qui regarde l’image de Dieu que dans la formulation des vérités essentielles sur l’homme ».
Tandis que le cycle des sept jours de la création se développe selon une « gradation très précise », suivant une « succession naturelle », jusqu’aux animaux, le Pape relève qu’une brusque rupture survient avec l’apparition de l’homme, ainsi qu’en atteste l’expression : « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance… » (Gn 1. 26) qui laisse supposer une délibération de Dieu avant cet acte important, « comme s’il avait voulu réfléchir avant de prendre une décision ».
Dans ce premier récit de création, l’homme est donc présenté comme le chef d’œuvre de Dieu, le couronnement de toute l’œuvre de la Création, de laquelle il se distingue cependant ontologiquement par l’empreinte divine dont il est marqué : « L’homme et le monde visible viennent à être créés ensemble, mais en même temps, le Créateur ordonne à l’homme de maîtriser et dominer la terre : il est donc placé au dessus du monde. Bien que l’homme soit ainsi lié si étroitement au monde visible, le récit biblique ne lui attribue cependant aucune ressemblance avec les autres créatures, mais seulement avec Dieu ».
La fine pointe du texte réside donc dans l’affirmation « qu’il est absolument impossible de réduire l’homme au « monde » » et que « l’homme ne saurait être compris ni expliqué à fond selon les catégories empruntées au « monde », c’est à-dire au complexe visible des corps. »
Pour autant, l’homme n’est pas un être désincarné : il est créé par Dieu « homme et femme », (Gn 1. 27) comme un être sexué, et dans un corps de chair.
Le premier récit de la création, de nature essentiellement théologique en ce qu’il appréhende l’homme dans sa relation avec Dieu (« à l’image de Dieu, il le créa »), contient en outre une « puissante charge métaphysique », l’homme y étant « défini de manière plus métaphysique que physique », « avant tout dans les dimensions de l’être et de l’exister ».
Sa condition apparaît pour l’essentiel marquée par la contingence et la bonté :
- la contingence : la perspective de la procréation (« soyez fécond et multipliez-vous, emplissez la terre »), « de ce devenir dans le monde et dans le temps, de ce fieri qui est nécessairement lié à la situation métaphysique de la création : de l’être contingent » est liée par l’auteur sacré au mystère même de sa création (« à l’image de Dieu il le créa ») ;
- la bonté : qui se manifeste par l’émerveillement de Dieu devant l’ouvrage de ses mains, et qui culmine dans la création de l’homme : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon » (Gn 1. 3).
Tout ceci, nous dit le Pape Jean-Paul II, aura beaucoup de sens pour la théologie du corps sur laquelle nous reviendrons dans les semaines à venir.