27 janvier 2007 6 27 /01 /janvier /2007 14:17

Cette semaine, un grand homme nous a quitté. Un prêtre de l’Eglise catholique. L’abbé Pierre. Un géant de l’amour fraternel, un géant de la charité. Un homme auquel on voudrait ressembler. Ne serait-ce qu’un tout petit peu…

J’ai été personnellement profondément ému par toutes les manifestations d’amour que son départ pour le ciel a provoquées chez beaucoup de gens. Des gens si différents pourtant : croyants de toutes religions et athées, riches et pauvres, jeunes et vieux,… Même notre République laïque s’est humblement inclinée devant cet homme de Dieu. C’est dire la puissance de l’Amour…

La messe de funérailles de l’abbé Pierre a fait remonter dans mon cœur le souvenir d’une autre messe de funérailles, célébrée celle-ci il y a un peu moins de deux ans. Celle de notre bien aimé Jean-Paul II. Ici comme là, on a retrouvé la même ferveur populaire, le même hommage unanime rendu par une foule innombrable « de toutes langues, races et nations », faisant taire ainsi l’espace d’un instant les divisions et les clivages qui déchirent d’ordinaire notre humanité. Comme une manifestation de la « bonne odeur du Christ »… Comme une anticipation aussi de ce qui se produira à la fin des temps (telle est en tout cas notre espérance !), lorsque l’humanité comprendra enfin de quel amour elle est aimée, et de quelle manière cet amour s’est manifesté à elle dans la vie de tous les saints, de Jean-Paul II comme de l’abbé Pierre. Ainsi que Gérard Leclerc l’écrit au sujet de ce dernier dans le journal France Catholique : « Il suffisait de le voir célébrer sa messe pour comprendre où était le secret de son cœur et la source de sa charité, brûlante comme la justice et compatissante comme la grâce. »

Bien sûr, je fais partie de ceux qui ont été profondément blessés par certaines paroles ou prises de position de l’abbé. Mais je crois que l’heure est au pardon (« il lui sera beaucoup pardonné parce qu’il a beaucoup aimé ») et à la reconnaissance. Reconnaissance envers son œuvre. Enorme. Gigantesque. Au-delà de ce qui était sans doute humainement concevable et possible. Reconnaissance aussi – et surtout ! – envers Dieu, pour la puissance qu’il a bien voulue manifester au monde, dans la pauvreté de cet homme.

Au fond, l’abbé Pierre a été pauvre jusque dans sa doctrine. Il n’avait rien pour plaire : « Il n'était ni beau ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n'avait rien pour nous plaire » écrit le prophète Isaïe au sujet du Serviteur. « Devant Dieu, le serviteur a poussé comme une plante chétive, enracinée dans une terre aride. » Et nous trouvons dans ce même passage d'Isaïe ces paroles prophétiques que nous pouvons méditer en resongeant particulièrement aux évènements de la semaine passée : « Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s'élèvera, il sera exalté ! Et voici qu'il consacrera une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce qu'on ne leur avait jamais dit, ils découvriront ce dont ils n'avaient jamais entendu parler. Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? A qui la puissance du Seigneur a-t-elle été ainsi révélée ? » (cf. Isaïe, chapitres 52 et 53)

L’abbé Pierre ne sera sans doute jamais canonisé. Et à juste titre. Mais je le tiens pour un saint. La sainteté, me semble-t-il, n’implique pas nécessairement l’infaillibilité, ainsi que nous le voyons dans l’Evangile au sujet de la Mère de Dieu elle-même qui, toute immaculée qu’elle soit, a dû cheminer dans l’obscurité de la foi, et consentir à ne pas tout comprendre du dessein de Dieu, gardant et méditant dans son cœur tous les mystères de la vie de Jésus. L’Eglise elle-même n’est assurée du charisme de l’infaillibilité que dans les seuls domaines de la foi et de la morale. Elle n’est pas préservée pour le reste, et l’Histoire témoigne contre elle de beaucoup d’égarements pour lesquels le Pape Jean-Paul II lui-même avait imploré, on s’en souvient, la miséricorde divine, cette même miséricorde à laquelle le Pape Benoît XVI a confié l’abbé Pierre.

Dernière remarque enfin : ce n’est pas la première fois que j’observe une étonnante corrélation entre les textes bibliques que l’Eglise nous donne à méditer au cours des messes du dimanche, et les évènements du monde. Je suis ainsi particulièrement touché par ce texte que nous lirons demain, dans la 1ère épître aux Corinthiens (chapitres 12 et 13), texte que nous connaissons certes bien, mais qui prend un relief particulier avec le départ de l’abbé Pierre, comme une ultime Parole donnée par le Seigneur pour nous encourager à suivre son admirable exemple et à nous engager résolument, à notre tour, sur le chemin du don total de nous-même et de l’amour :

« Frères, parmi les dons de Dieu, vous cherchez à obtenir ce qu'il y a de meilleur. Eh bien, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres.

« J'aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n'ai pas la charité, s'il me manque l'amour, je ne suis qu'un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.

« J'aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, s'il me manque l'amour, je ne suis rien.

« J'aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j'aurais beau me faire brûler vif, s'il me manque l'amour, cela ne me sert à rien.

« L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s'emporte pas ; il n'entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.

« L'amour ne passera jamais. »

Revoir l'hommage rendu à l'abbé Pierre sur la chaine de TV KTO, et la messe de funérailles

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

L
Avant de quitter internet pour un temps, je souhaiterai mettre un commentaire à la suite de celui de la citation "la première charité est celle de la doctrine...".
Quand Jésus a été ému du geste de Marie-Madeleine Lui versant un parfum de grand prix sur Sa tête, Il a dit une phrase assez surprenante dans le fond et quelque peu choquante :"des pauvres vous en aurez toujours, mais Moi ...?"
Le père Marie-Dominique Philippe, dominicain (voir sur  les blog du père Covens), reprenait cette phrase en méditant sur la pauvreté radicale du Christ qui a pris la condition humaine jusqu'à la mort sur la Croix.
Je voudrai faire un parrallèle entre ces deux phrases, car on peut être choqué pareillement d'une mise en avant de la doctrine comme première charité, même vis à vis des pauvres.
Mais, le paradoxe s'estompe si nous considérons, que aucune rencontre ne se fait en profondeur sans le Christ, (c'est Lui qui nous  le dit) : Il nous attend dans cette rencontre avec celui qui est méprisé, et , en même temps on ne peut rendre sa dignité au pauvre sans Lui révéler en même temps le Christ ( qu'il nous révèle à nous aussi), et c'est le chemin que nous suivons alors ensemble comme de vrais frères (et pèlerins). Mais ce chemin ne se fait sans l'éclairage constant que nous donne le Seigneur qui est chaque jour proche de nous par Son Esprit-Saint (dans Son Eglise).
Il faut à la fois une justesse de la foi, sans cesse creusée, et un coeur ouvert à l'autre et donné à Dieu, pour que la rencontre avec le pauvre soit une transfiguration, une manifestation de la puissance de l'Amour de Dieu qui vient dans la pauvreté de notre condition.
(La foi l'espèrance et la charité sont des soeurs siamoises, c'est pour cela qu'on reste blessé par le testament bancal que nous laisse l'Abbé Pierre que nous confions à la miséricorde de Dieu aussi , et nous avec,car des pauvres nous en aurons encore+++!).
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L
Moi non plus je ne suis pas forcément éclairées dans mes remarques, je ne veux pas juger...
Cependant, il est clair que l'esprit du monde aimerait bien diriger l'Eglise à sa place lorsqu'elle le dérange.
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L
 Pour moi aussi la charité de l'Abbé Pierre vis à vis des plus pauvres me dynamise, et ton article matthieu est trés fort (touchant); cependant je ne suis pas sûre d'y adhérer pleinement. Il est vrai que les dons se sont pas distribués à tous de la même façon (st Paul), mais je regrette qu'il ait manqué à d'autres formes de charité (comme le souligne le père Yves et l'article du père Daniel Ange (cité par le père Covens)dans son blog, et ce paradoxe nous blesse même si on pardonne à l'homme et au prêtre (ce qui est plus difficile).L.
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L
Je ne voudrais pas que tu sois blessé, Miky, par ma remarque, mais il semble que l'Abbé Pierre n'ai pas eu une connaissance et un jugement éclairés de l'enseignement de l'Eglise. Il est possible que sa situation  d'éternel révolté,(je ne critique pas sa grande charité) et sa grande proximité avec ceux qui souffrent ,ait faussé son appréhension des positions sociales et morales de l'Eglise...Quand tu parles de convictions, c'est vrai que j'ai entendu : idées, idéalisme; elles peuvent ne pas être éclairées, même quand elles paraissent profondes, et on est amené a renoncé avec le Christ à bon nombre d'entre elles, c'est la maturité de la foi. Qu'en penses-tu, Matthieu ?
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L
   Cher  Yves, je retiens votre citation frappante et juste.
Je ne comprends pas bien ta position cher Miky, je crains que tu ne mettent les idées qui se transforment en convictions au-dessus de tout !??   Justement, l'Abbé Pierre n'aurait pas pu être pape, il aurait même pu être mis à l'écart par ses déclarations...Et qu'attendais-tu de plus d'un pape tel que Jean-Paul II qu'il n'ait fait?Personnellement, il m'a sauvé la vie en me faisant aimer l'Eglise.  Bien  fraternellement. L.
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M
Oui, c'était un grand homme... Malgré son grand âge, il avait un regard moderne (au bon sens du terme) sur le monde. Malgré sa catholicité, il avait le courage de ses convictions même lorsqu'elles contredisaient celles du Vatican. Nous le regretterons tous, croyants comme incroyants. En ce qui me concerne, j'ai toujours regretté qu'un homme comme lui n'ait pas été pape.
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M
Oui, tu as raison Yves : la sainte assemblée des pécheurs...
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Y
Oui, un grand homme, il faut le reconnaitre malgré ses paroles extrêmement blessante sur l'Eglise. Je rappelerais une phrase de Lacordaire : « La charité de la doctrine est la première charité. Charité d’autant plus nécessaire que l’homme n’aime pas la vérité, qu’il en méconnaît le bien, et lui oppose constamment l’inertie de l’ignorance et l’activité de l’erreur… Et c’est pourquoi il faut à la doctrine non seulement la volonté de se donner, mais l’amour, le courage, la patience, l’héroïsme du don poussé jusqu’au martyre même » ?
Je ne sais pas si j'ai bien compris ce que tu voulais dire sur l'Eglise mais Jean-Paul II n'a pas demandé pardon pour l'Eglise en elle-même mais pour les fils de l'Eglise qui ont péché conttre elle. N'oublions pas que l'Eglise restera toujours sainte...
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