19 janvier 2007 5 19 /01 /janvier /2007 09:50

[Nous poursuivons, chers lecteurs, notre lecture continue du livre de Saint Alphonse de Liguori sur le Grand moyen de la Prière.]

Mais je suis un pécheur, objectera quelqu'un, et je lis dans la Sainte Ecriture : « Dieu n'écoute pas les pécheurs ». Saint Thomas répond avec saint Augustin : Cette parole fut dite par l'aveugle-né avant sa guérison : « Cette parole fut dite par l'aveugle alors qu'il était imparfaitement éclairé ; elle n'est donc pas valable ». Le Docteur Angélique ajoute : C'est vrai quand il s'agit d'un pécheur qui fait une prière « de pécheur », c'est-à-dire quand il demande de pouvoir continuer à pécher : par exemple, si quelqu'un priait Dieu de l'aider à se venger de son ennemi ou à réaliser quelque projet pervers. C'est vrai aussi du pécheur qui demande à Dieu de le sauver mais qui n'a pas le moindre désir de sortir de son état de péché. Il est des malheureux qui aiment les chaînes d'esclaves avec lesquelles le démon les tient prisonniers. Leurs prières ne sont pas exaucées parce qu'elles sont téméraires et abominables. Y a-t-il plus grande témérité que de vouloir demander des faveurs à un prince que l'on a plusieurs fois offensé et que l'on se propose d'offenser encore ? C'est ainsi qu'il faut comprendre la parole du Saint Esprit : Dieu déteste et hait la prière de celui qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre ce que Dieu commande : « Qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre la loi, sa prière même est une abomination » (Pr 28, 9). Le Seigneur leur dit : Inutile de prier, je détournerai mes yeux de vous et je ne vous exaucerai pas : « Quand vous étendez les mains, je détourne les yeux ; vous avez beau multiplier les prières, moi je n'écoute pas » (Is l, 15).

Telle était précisément la prière du roi impie Antiochus : il priait Dieu et lui faisait de grandes promesses mais avec un coeur hypocrite et endurci dans le péché, uniquement pour échapper au châtiment qui le menaçait ; aussi le Seigneur ne prêta-t-il pas l'oreille à ses prières et il mourut rongé par les vers : « Mais les prières de cet être abject allaient vers un Maître qui ne devait plus avoir pitié de lui » (2 M 9, 13). D'autres pèchent par fragilité ou poussés par quelque grande passion. Ils gémissent sous le joug de l'ennemi ; ils désirent rompre ces chaînes de mort et sortir de cette misérable servitude et ils appellent le Seigneur à leur secours. S'ils persévèrent dans la prière, ils seront écoutés du Seigneur : tous ceux qui demandent reçoivent, a-t-il dit, et ceux qui cherchent la grâce la retrouvent : « Quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve... » (Mt 7, 8). « Quiconque, explique l'auteur de l'Oeuvre Imparfaite, qu'il soit juste ou pécheur ». En saint Luc, Jésus parle de cet homme qui donna à son ami tous ses pains, non pas tellement par amitié mais plutôt parce que celui-ci l'importunait : « Je vous le dis, même s'il ne se lève pas pour les lui donner en qualité d'ami, il se lèvera du moins à cause de son impudence et lui donnera tout ce dont il a besoin » (Lc 11, 8). Ainsi la prière persévérante obtient de Dieu miséricorde, même en faveur de ceux qui ne sont pas ses amis. Ce qui ne s'obtient pas par l'amitié, dit saint Jean Chrysostome, l'est par la prière : « Ce que n'a pas accompli l'amitié, la prière l'a réalisé ». Il affirme également : « Près de Dieu l'amitié a moins de valeur que la prière... ». Saint Basile affirme lui aussi, « les pécheurs eux-mêmes obtiennent ce qu'ils demandent, s'ils le font avec persévérance ». Saint Grégoire dit de même : « Qu'il crie le pécheur et sa prière parviendra jusqu'à Dieu ».

Saint Jérôme écrit de son côté : même le pécheur peut appeler Dieu son Père, s'il le prie de l'accepter de nouveau comme fils, comme l'Enfant Prodigue qui dit : « Père j'ai péché », avant même d'être pardonné. Si Dieu n'exauçait pas les pécheurs, dit saint Augustin, ce publicain aurait bien dit pour rien : « Aie pitié de moi, pécheur ! ». Mais l'Evangile nous l'atteste : il obtint bel et bien le pardon : « Ce dernier descendit chez lui justifié » (Lc 18, 14). Mais c'est le docteur Angélique qui examine ce point le plus en détail. Il ne craint pas d'affirmer que même le pécheur qui prie est exaucé, bien que sa prière ne soit pas méritoire. Il a pourtant la force de demander. D'ailleurs la prière ne s'appuie pas sur la justice de Dieu mais sur la grâce de Dieu : « Le mérite est fondé sur la justice, mais l'impétration sur la grâce de Dieu ». Aussi Daniel pouvait-il dire : « Prête l'oreille, mon Dieu, et écoute !... Ce n'est pas en raison de nos œuvres justes que nous répandons devant toi nos supplications, mais en raison de tes grandes miséricordes » (Dn 9, 18). Lors donc que nous prions, dit saint Thomas, il n'est pas nécessaire d'être les amis de Dieu pour obtenir ses grâces : « C'est la prière elle-même qui nous rend ses amis ».

Saint Bernard ajoute une autre bonne raison : La demande du pécheur naît du désir de sortir de son péché et de retrouver la grâce de Dieu. Or, ce désir est un don qui ne lui vient certainement pas d'un autre que Dieu lui-même. Pourquoi donc, continue le saint, Dieu inspirerait-il ce désir au pécheur, s'il ne voulait pas le convertir ? « Dans quel but donnerait-il ce désir, s'il n'avait pas l'intention de l'exaucer ? ». Les Saintes Ecritures contiennent de nombreux exemples de pécheurs qui ont été délivrés du péché : le roi Achab (1 R 21-27), le roi Manassé (2 Ch 33), le roi Nabuchodonosor (Dn 4), le bon larron (Lc 23, 43). C'est une chose magnifique que la prière ! Et combien efficace ! Voilà deux pécheurs qui meurent sur le Calvaire, à côté de Jésus : parce qu'il prie « Souviens-toi de moi », l'un est sauvé, parce qu'il ne prie pas, l'autre se damne.

En un mot, dit saint Jean Chrysostome : « Nul ne lui a jamais demandé, en se repentant, ses bienfaits sans obtenir ce qu'il voulait ». Aucun pécheur repentant n'a prié le Seigneur sans obtenir ce qu'il désirait. Mais à quoi bon rapporter encore des témoignages et des arguments pour le prouver ? Jésus lui-même n'a-t-il pas dit : « Venez à moi, vous tous, qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 1 l, 28). Ces mots « vous qui ployez sous le fardeau » désignent, selon saint Jérôme, saint Augustin et d'autres, les pécheurs qui gémissent sous le poids de leurs fautes. S'ils recourent à Dieu, celui-ci les remettra sur pied, il l'a promis, et les sauvera par sa grâce. Saint Jean Chrysostome assure : le désir que nous avons d'être pardonnés n'est rien à côté du désir ardent de Dieu de nous pardonner : « Tu désires bien moins être pardonné de tes péchés que lui ne désire te les pardonner ! ». Pas de grâce qui ne s'obtienne par la prière persévérante ajoute le saint, même si elle vient du pécheur le plus perdu : « Quelqu'un serait-il coupable de mille péchés, il n'est rien que sa prière ne puisse obtenir, du moment qu'elle est ardente et persévérante ». Notons bien ce que dit saint Jacques : « Si l'un de vous manque de sagesse qu'il la demande à Dieu - il donne à tous généreusement, sans incriminer » (Jc 1, 5). Dieu ne manque donc jamais d'exaucer et de combler de grâces tous ceux qui le prient : « Il donne à tous généreusement ! » Mais que signifie « sans incriminer » ? Dieu n'agit pas comme les hommes. En effet, supposons que vienne leur demander une faveur quelqu'un qui, dans le passé, les a un jour offensés, ils vont lui faire aussitôt reproche de l'outrage reçu. Le Seigneur n'agit pas ainsi. Celui qui le prie serait-il le plus grand pécheur du monde, du moment qu'il demande au Seigneur une grâce utile à son salut éternel, celui-ci ne va pas lui reprocher les déplaisirs qu'il lui a causés. Au contraire, le Seigneur lui fait aussitôt bon accueil, le console, l'exauce et le comble abondamment de ses dons, comme si jamais il n'avait été offensé. Et pour nous encourager à le prier, le divin Rédempteur nous dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom » (Jn 16, 23). C'est comme s'il disait : Allons ! pécheurs, ne perdez pas courage ! Que vos péchés ne vous empêchent pas de recourir à mon Père et d'espérer de lui votre salut ! Vous ne méritez certes pas d'obtenir ses grâces, vous ne méritez que des châtiments. Mais allez trouver mon Père en mon nom : demandez par mes mérites les grâces que vous désirez ; je vous promets et même je vous jure, « en vérité, en vérité, je vous le dis », que tout ce que vous demanderez à mon Père, celui-ci vous l'accordera. Ô mon Dieu, quelle plus grande consolation pourrait donc avoir un pécheur, après toutes ses misères, que de savoir de façon certaine qu'il recevra tout ce qu'il demandera au nom de Jésus Christ ? Je dis bien « tout » : oui, tout ce qui regarde le salut éternel. Nous avons parlé plus haut des biens temporels : il arrive que le Seigneur ne nous les accorde pas parce qu'il voit que ces biens feraient du mal à notre âme. Quant aux biens spirituels, sa promesse est sans conditions ni restrictions. Aussi saint Augustin nous exhorte-t-il à demander, avec une entière confiance, les biens qu'il nous promet de façon absolue : « Demandez avec une pleine assurance ce que Dieu promet ». Comment, écrit le saint, le Seigneur pourrait-il nous refuser quelque chose quand nous le lui demandons avec confiance. Il a un désir encore plus grand de donner que nous de recevoir ! « Il aspire à te dispenser ses bienfaits plus que tu n'aspires toi-même à les recevoir ».

Saint Jean Chrysostome assure : « Le Seigneur ne s'irrite contre nous que lorsque nous négligeons de solliciter ses dons : Il ne s'irrite que lorsque nous ne demandons pas ». Comment Dieu pourrait-il ne pas exaucer quelqu'un qui ne lui demande que des choses qui lui sont agréables ? Voilà quelqu'un qui lui dit : Seigneur, je n'attends pas de vous les biens de ce monde, richesses, plaisirs, honneurs ; je ne vous demande que votre grâce ; délivrez-moi du péché ; accordez-moi de faire une bonne mort ; donnez-moi le Paradis et votre saint amour (la grâce qui est à demander par-dessus tout, dit saint François de Sales), ainsi que la soumission à votre volonté... comment Dieu pourrait-il ne pas l'écouter ? Quelles demandes exaucerez-vous donc, mon Dieu, si vous repoussez celles-là qui vous vont droit au cœur, dit saint Augustin : « Seigneur, quelles prières exauces-tu si tu n'exauces pas celles-ci ? ». Mais ce qui doit surtout exciter notre confiance, ce sont les paroles mêmes de Jésus : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l'Esprit Saint à ceux qui l'en prient ! » (Lc 11, 13). Vous, dit le Rédempteur, qui êtes si accrochés à vos propres intérêts parce que gonflés d'amour de vous-mêmes, vous ne savez pas refuser à vos enfants ce qu'ils vous demandent. Combien plus votre Père du ciel, qui vous aime plus que tous les pères de ce monde, vous accordera-t-il les biens spirituels, quand vous l'en priez !

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Publié par Matthieu BOUCART -
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R
Au fait, merci ! Grâce à tes liens, j'ai découvert le site Chat-Catholique ! Je m'y suis inscrite.
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T
non
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