21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 08:50

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI du 4 juin 2009.

Chers frères et sœurs,

Je reviendrai aujourd'hui, à l'occasion de notre rencontre du mercredi, sur la figure extraordinaire du Pape Grégoire le Grand, pour tirer quelques lumières supplémentaires de la richesse de son enseignement. Malgré les multiples engagements liés à sa fonction d'évêque de Rome, il nous a laissé de nombreuses œuvres, auxquelles l'Eglise a puisé à pleines mains au cours des siècles suivants (…).

En passant rapidement ces œuvres en revue, nous devons tout d'abord noter que, dans ses écrits, Grégoire ne se montre jamais préoccupé de tracer une doctrine qui soit "la sienne", qui soit originale. Il entend plutôt se faire l'écho de l'enseignement traditionnel de l'Eglise, il veut simplement être la bouche du Christ et de son Eglise, sur le chemin qu'il faut parcourir pour arriver à Dieu. Ses commentaires exégétiques sont exemplaires à ce propos. Il fut un lecteur passionné de la Bible, dont il s'approcha avec des intentions qui n'étaient pas simplement spéculatives : il pensait que le chrétien ne devait pas tellement tirer des connaissances théoriques de l'Ecriture Sainte, mais plutôt la nourriture quotidienne pour son âme, sa vie d'homme dans ce monde. Dans ses Homélies sur Ezéchiel, par exemple, il insiste fortement sur cette fonction du texte sacré : approcher l'Ecriture uniquement pour satisfaire son propre désir de connaissance signifie céder à la tentation de l'orgueil et s'exposer ainsi au risque de glisser dans l'hérésie. L'humilité intellectuelle est la première règle pour celui qui cherche à pénétrer les réalités surnaturelles en partant du livre sacré. L'humilité n'exclut pas du tout, bien sûr, l'étude sérieuse ; mais si l'on veut que celle-ci soit spirituellement bénéfique, en permettant d'entrer réellement dans la profondeur du texte, l'humilité demeure indispensable. Ce n'est qu'avec cette attitude intérieure que l'on écoute réellement et que l'on perçoit enfin la voix de Dieu. D'autre part, lorsqu'il s'agit de la Parole de Dieu, comprendre n'est rien, si la compréhension ne conduit pas à l'action. Dans ces Homélies sur Ezéchiel on trouve également cette belle expression selon laquelle "le prédicateur doit tremper sa plume dans le sang de son cœur ; il pourra ainsi arriver également jusqu'à l'oreille de son prochain". En lisant ses homélies on voit que Grégoire a réellement écrit avec le sang de son cœur et c'est la raison pour laquelle il nous parle encore aujourd'hui.

Grégoire développe également ce discours dans le Commentaire moral à Job. Suivant la tradition patristique, il examine le texte sacré dans les trois dimensions de son sens : la dimension littérale, la dimension allégorique et la dimension morale, qui sont des dimensions du sens unique de l'Ecriture Sainte. Grégoire attribue toutefois une nette priorité au sens moral. Dans cette perspective, il propose sa pensée à travers plusieurs binômes significatifs – savoir-faire, parler-vivre, connaître-agir – dans lesquels il évoque deux aspects de la vie humaine qui devraient être complémentaires, mais qui finissent souvent par être antithétiques. L'idéal moral, commente-t-il, consiste toujours à réaliser une intégration harmonieuse entre la parole et l'action, la pensée et l'engagement, la prière et le dévouement aux devoirs de son propre état : telle est la route pour réaliser cette synthèse grâce à laquelle le divin descend dans l'homme et l'homme s'élève jusqu'à l'identification avec Dieu. Le grand Pape trace ainsi pour le croyant authentique un projet complet de vie ; c'est pourquoi le Commentaire moral à Job constituera au cours du Moyen-âge une sorte de Summa de la morale chrétienne.

D'une grande importance et d'une grande beauté sont également les Homélies sur les Evangiles (…). Le principe inspirateur, qui lie les diverses interventions ensemble, peut être synthétisé dans le terme "praedicator" :
non seulement le ministre de Dieu, mais également chaque chrétien, a la tâche de devenir le "prédicateur" de ce dont il a fait l'expérience en lui-même, à l'exemple du Christ qui s'est fait homme pour apporter à tous l'annonce du Salut. L'horizon de cet engagement est l'horizon eschatologique : l'attente de l'accomplissement en Christ de toutes les choses est une pensée constante du grand Pontife et finit par devenir un motif inspirateur de chacune de ses pensées et de ses activités. C'est de là que naissent ses rappels incessants à la vigilance et à l'engagement dans les bonnes œuvres.

Le texte peut-être le plus organique de Grégoire le Grand est la Règle pastorale, écrite au cours des premières années de pontificat. Dans celle-ci, Grégoire se propose de tracer la figure de l'évêque idéal, maître et guide de son troupeau. Dans ce but, il illustre la gravité de la charge de pasteur de l'Eglise et les devoirs qu'elle comporte : c'est pourquoi, ceux qui n'ont pas été appelés à cette tâche ne doivent pas la rechercher avec superficialité, et ceux qui en revanche l'ont assumée sans la réflexion nécessaire doivent sentir naître dans leur âme une juste inquiétude. Reprenant un thème privilégié, il affirme que l'évêque est tout d'abord le "prédicateur" par excellence ; comme tel il doit être, en premier lieu, un exemple pour les autres, de manière à ce que son comportement puisse constituer un point de référence pour tous. Une action pastorale efficace demande ensuite qu'il connaisse ses destinataires et qu'il adapte ses interventions à la situation de chacun : Grégoire s'arrête pour illustrer les différentes catégories de fidèles avec des annotations judicieuses et précises, qui peuvent justifier l'évaluation de ceux qui ont également vu dans cette œuvre un traité de psychologie. On comprend à partir de cela qu'il connaissait réellement son troupeau et parlait de tout avec les personnes de son temps et de sa ville.

Ce grand Pape insiste cependant sur le devoir que le pasteur a de reconnaître chaque jour sa propre pauvreté, de manière à ce que l'orgueil ne rende pas vain, devant les yeux du Juge suprême, le bien accompli. C'est pourquoi le chapitre final de la Règle est consacré à l'humilité : "Lorsqu'on se complaît d'avoir atteint de nombreuses vertus, il est bon de réfléchir sur ses propres manquements et de s'humilier : au lieu de considérer le bien accompli, il faut considérer celui qu'on a négligé d'accomplir". Toutes ces précieuses indications démontrent la très haute conception que saint Grégoire se fait du soin des âmes, qu'il définit "ars artium", l'art des arts.
La Règle connut un grand succès, au point que, chose plutôt rare, elle fut rapidement traduite en grec et en anglais (…).

Avant de conclure, il est juste de prononcer un mot sur les relations que le Pape Grégoire cultiva avec les patriarches d'Antioche, d'Alexandrie et de Constantinople elle-même. Il se soucia toujours d'en reconnaître et d'en respecter les droits, en se gardant de toute interférence qui en limitât l'autonomie légitime. Si toutefois saint Grégoire, dans le contexte de sa situation historique, s'opposa au titre d'"oecuménique" que voulait le Patriarche de Constantinople, il ne le fit pas pour limiter ou nier cette autorité légitime, mais parce qu'il était préoccupé par l'unité fraternelle de l'Eglise universelle. Il le fit surtout en raison de sa profonde conviction que l'humilité devrait être la vertu fondamentale de tout évêque, et plus encore d'un Patriarche. Grégoire était resté un simple moine dans son cœur, et c'est pourquoi il était absolument contraire aux grands titres. Il voulait être – telle est son expression – servus servorum Dei. Ce terme forgé par lui n'était pas dans sa bouche une formule pieuse, mais la manifestation véritable de son mode de vivre et d'agir. Il était intimement frappé par l'humilité de Dieu, qui en Christ s'est fait notre serviteur, qui a lavé et lave nos pieds sales. Par conséquent, il était convaincu que notamment un évêque devrait imiter cette humilité de Dieu et suivre ainsi le Christ. Son désir fut véritablement de vivre en moine, dans un entretien constant avec la Parole de Dieu, mais par amour de Dieu il sut se faire le serviteur de tous à une époque pleine de troubles et de souffrances, se faire "serviteur des serviteurs". C'est précisément parce qu'il le fut qu'il est grand et qu'il nous montre également la mesure de la vraie grandeur.


Lire le texte intégral du discours du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

D
Bonsoir, mon passage de ce jour sera rapide, mais j'ai décidé de faire un petit tour dans ma communauté. Pourquoi? Simplement pour vous montrer que même si je ne passe pas tous les jours vous voir, je ne vous oublie pas. Je voulais aussi vous remercier de publier dans "Le champ du monde".Une communauté ne peut vivre que grâce à vous .Merci encore et bonne journée.Dracipe27.
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