31 juillet 2006 1 31 /07 /juillet /2006 12:21

[Nous poursuivons, chers lecteurs, notre lecture continue du livre de Saint Alphonse de Liguori sur le Grand moyen de la Prière.]

 

Un doute survient ici : Est-il nécessaire de recourir aussi à l'intercession des saints pour obtenir les grâces de Dieu ? 

Pour autant qu'on veuille dire qu'il soit permis et utile d'invoquer les saints comme intercesseurs pour nous obtenir, par les mérites de Jésus Christ, ce que nous ne sommes pas dignes d'obtenir à cause de nos démérites, telle est bien, comme l'a déclaré le Concile de Trente, la doctrine de l'Eglise : « Il est bon et utile [d’]invoquer humblement [les saints] et, pour obtenir des bienfaits de Dieu par son Fils Notre Seigneur Jésus Christ..., de recourir à leurs prières, à leur aide et à leur assistance ».

L'impie Calvin condamnait cette invocation des saints, mais de façon très arbitraire. Il est licite et profitable d'appeler à notre secours les saints vivants et de les supplier de nous assister de leurs prières. Ainsi faisait le prophète Baruch qui disait : « Priez aussi pour nous le Seigneur notre Dieu » (Ba 1, 13). Ainsi faisait aussi saint Paul : « Frères, priez, vous aussi, pour nous » (1 Th 5, 25). Dieu lui-même voulut que les amis de Job se recommandent aux prières de celui-ci afin que par ses mérites le Seigneur leur soit favorable : « Allez vers mon serviteur Job... Mon serviteur Job priera pour vous. J'aurai égard à lui et ne vous infligerai pas ma disgrâce » (Jb 42, 8).

Si donc il est permis de se recommander aux vivants, pourquoi ne le serait-il pas d'invoquer les saints qui, de plus près encore, jouissent de l'intimité de Dieu dans le ciel ? Ce n'est pas déroger à l'honneur que l'on doit à Dieu mais le redoubler, comme le fait d'honorer le roi non seulement dans sa personne mais aussi dans ses serviteurs. Aussi saint Thomas juge-t-il qu'il est bon de recourir à de nombreux saints : Parce qu'on obtient quelquefois par les prières de plusieurs ce que l'on n'obtient pas par la prière d'un seul.

Si quelqu'un objecte : Mais à quoi sert de recourir aux saints pour qu'ils prient pour nous, alors qu'ils le font déjà pour tous ceux qui en sont dignes ? Le même saint Docteur répond que tel ne serait pas déjà digne que les saints prient pour lui, « qui le devient du fait qu'il recourt à un saint avec dévotion ».

Autre sujet de controverse : Y a-t-il lieu de se recommander aux âmes du Purgatoire ? Certains répondent qu'elles ne peuvent pas prier pour nous. Ils s'appuient sur l'autorité de saint Thomas pour qui ces âmes, se purifiant au milieu des souffrances, nous sont inférieures et, de ce fait, elles ne sont point « intercesseurs, mais bien plutôt des gens pour qui l'on prie ». Cependant beaucoup d'autres docteurs, tels que Bellarmin, Sylvius, le Cardinal Gotti, etc... affirment le contraire comme très probable : on doit pieusement croire que Dieu leur fait connaître nos prières afin que ces saintes âmes prient pour nous, en sorte qu'il se fasse entre elles et nous un bel échange de charité : nous prions pour elles et elles prient pour nous.

Ce qu'a écrit le Docteur Angélique, à savoir qu'elles ne sont pas en situation de prier, n'est pas absolument contraire à cette dernière opinion, comme le font remarquer Sylvius et Gotti : autre chose, en effet, est de ne pas être à même de prier par situation et autre chose de ne pas pouvoir prier. Ces saintes âmes ne sont pas habilitées à prier de par leur situation, c'est vrai, parce que, comme dit saint Thomas, elles sont là en train de souffrir, elles sont inférieures à nous et elles ont besoin au plus vite de nos prières. Elles peuvent pourtant fort bien prier pour nous parce que ce sont des âmes amies de Dieu. Si un père qui aime tendrement son fils le tient enfermé pour le punir de quelque faute, ce fils n'est plus alors en situation de prier pour lui-même, mais pourquoi ne pourrait-il pas prier pour les autres et espérer obtenir ce qu'il demande en vertu de l'affection que lui porte son père ? De même les âmes du Purgatoire sont très aimées de Dieu et confirmées en grâce. Rien ne peut leur interdire de prier pour nous.

L'Église, c'est vrai, n'a pas coutume de les invoquer et d'implorer leur intercession, parce qu'ordinairement elles ne connaissent pas nos demandes. Mais l'on peut croire pieusement (comme on l'a dit) que le Seigneur leur fait connaître nos prières. Alors, elles qui sont remplies de charité, ne manquent certainement pas de prier pour nous. Quand sainte Catherine de Bologne désirait quelque grâce, elle recourait aux âmes du Purgatoire, et elle se voyait vite exaucée. Elle certifiait que beaucoup de grâces qu'elle n'avait pas obtenues par l'intercession des saints, elle les avait ensuite reçues par l'intercession des âmes du Purgatoire.

Que l'on me permette de faire une digression au bénéfice de ces saintes âmes. Si nous voulons obtenir le secours de leurs prières, il est bon que nous-mêmes nous nous efforcions de les secourir par nos prières et nos oeuvres. J'ai dit : il est bon, mais il faut ajouter que c'est là une obligation chrétienne : la charité nous demande, en effet, de secourir le prochain chaque fois qu' il a besoin d' être aidé et que nous pouvons le faire sans que cela nous pèse beaucoup. Or, il est certain que les âmes du Purgatoire sont aussi notre prochain. Bien qu'elles ne soient plus en ce monde, elles continuent pourtant de faire partie de la communion des Saints. « Car les âmes des justes à la mort, dit saint Augustin, ne sont pas séparées de l'Église ». Saint Thomas le déclare encore plus clairement : la charité qui est due aux défunts passés à l'autre vie en état de grâce est une extension de cette charité que nous devons à notre prochain d'ici-bas : « Le lien de la charité qui unit entre eux les membres de l'Eglise, n'embrasse pas seulement les vivants, mais aussi les morts qui ont quitté ce monde en état de charité ». Nous devons donc secourir, dans toute la mesure du possible, ces saintes âmes : elles sont aussi notre prochain, et même leurs besoins étant encore plus grands que ceux de notre prochain d'ici-bas, il semble donc que, sous ce rapport, soit encore plus grand notre devoir de leur venir en aide.

Or, en quelle nécessité se retrouvent ces saintes prisonnières ? Il est certain que leurs peines sont immenses. Le feu qui les consume, dit saint Augustin, est plus douloureux que toutes les souffrances qui nous puissent affliger en cette vie. « Plus douloureux est ce feu que tout ce que l'on peut avoir à souffrir en cette vie ». Saint Thomas est du même avis et il ajoute que ce feu est identique à celui de l'Enfer. « C'est par le même feu qu'est tourmenté le damné et purifié l'élu ». Ceci concerne la peine du sens, mais beaucoup plus grande encore est la peine du dam, c'est-à-dire la privation de la vue de Dieu pour ses saintes épouses. Non seulement l'amour naturel mais aussi l'amour surnaturel, dont elles brûlent pour Dieu, poussent ces âmes avec une grande force à vouloir s'unir à leur souverain bien. S'en voyant empêchées par leurs fautes, elles en éprouvent une douleur très amère. Si elles pouvaient mourir, elles en mourraient à chaque instant. Selon saint Jean Chrysostome, cette privation de Dieu les fait souffrir infiniment plus que la peine du sens : « Mille feux de l'enfer réunis ne feraient pas autant souffrir que la seule peine du dam ». Ces saintes épouses préféreraient donc endurer tout autre supplice plutôt que d'être privées, un seul instant, de cette union tant désirée avec Dieu. C'est pourquoi, dit le Docteur Angélique, la souffrance du Purgatoire surpasse toutes les douleurs de cette vie : « Il faut que la peine du Purgatoire excède toute peine de cette vie ».

Denis le Chartreux rapporte qu'un défunt, ressuscité par l'intercession de saint Jérôme, dit à saint Cyrille de Jérusalem que tous les tourments de cette terre ne sont que soulagement et délices à côté de la plus petite peine du Purgatoire : « Si l'on compare tous les tourments du monde à la plus petite peine du Purgatoire, ce sont des consolations ». Et il ajoute : « Si quelqu'un avait éprouvé ces souffrances, il préférerait endurer plutôt toutes les peines du monde, subies ou à subir par les hommes jusqu'au jugement dernier, que d'être soumis un seul jour à la plus petite des peines du Purgatoire ». Ce qui fait dire à saint Cyrille que ces peines sont les mêmes que celles de l'Enfer quant à leur intensité, la seule différence étant qu'elles ne sont pas éternelles. Les douleurs de ces âmes sont donc très grandes. D'autre part, elles ne peuvent pas se soulager elles-mêmes. Comme le dit Job : « Il les lie avec des chaînes, ils sont pris dans les liens de l'affliction » (Jb 36, 8).

Ces saintes Reines sont déjà destinées à entrer dans le Royaume mais leur prise de possession est différée jusqu'au terme de leur purification. Elles ne peuvent pas réussir par elles-mêmes (au moins pleinement, si l'on veut accorder crédit à certains docteurs, selon qui ces âmes peuvent tout de même par leurs prières obtenir quelque soulagement) à se libérer de leurs chaînes, tant qu'elles n'ont pas pleinement satisfait à la justice divine. Un moine cistercien dit un jour, depuis le Purgatoire, au sacristain de son monastère : « Aidez-moi par vos prières, je vous en supplie, parce que de moi-même je ne peux rien obtenir ». Cela est conforme au mot de saint Bonaventure : « Leur état de mendicité les empêche de se libérer », c'est-à-dire que ces âmes sont si pauvres qu'elles n'ont pas de quoi acquitter leurs dettes. Par contre, il est certain et même de foi que nous pouvons soulager ces saintes âmes par nos suffrages personnels et surtout par les prières recommandées dans l'Eglise. Je ne sais donc pas comment on peut excuser de péché celui qui néglige de les secourir tout au moins par ses prières. Si nous ne nous y décidons pas par devoir, que ce soit au moins à cause du plaisir que nous procurons à Jésus Christ : c'est avec joie qu'il nous voit nous appliquer à libérer ces chères âmes pour qu' il les ait avec lui en Paradis. Faisons-le aussi à cause des grands mérites que nous pouvons acquérir par notre acte de charité à leur égard ; en retour, elles nous sont très reconnaissantes et apprécient le grand bienfait que nous leur accordons, en les soulageant de leurs peines et en leur obtenant d'anticiper leur entrée dans la Gloire. Lorsqu'elles y seront parvenues, elles ne manqueront pas de prier pour nous.

Si le Seigneur promet sa miséricorde à ceux qui se montrent miséricordieux envers leur prochain : « Heureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7), ils ont bonne raison d'espérer leur salut ceux qui s'appliquent à aider ces saintes âmes si affligées et si chères à Dieu. Jonathan, après avoir sauvé les Hébreux par sa victoire sur les ennemis fut condamné à mort par son père Saül pour avoir goûté du miel malgré sa défense, le peuple se présenta devant le roi et cria : « Est-ce que Jonathan va mourir, lui qui a opéré cette grande victoire en Israël ? » (1 S 14, 45). Ainsi devons-nous justement espérer que, si l'un d'entre nous obtient par ses prières qu'une âme sorte du Purgatoire et entre au Paradis, cette âme dira à Dieu : Seigneur, ne permets pas que se perde celui qui m'a délivrée des tourments ! Et si Saül accorda la vie à Jonathan à cause des supplications du peuple, Dieu ne refusera pas le salut éternel à ce fidèle à cause des prières d'une âme, qui est son épouse. Bien plus, selon saint Augustin : Ceux qui auront, en cette vie, le plus secouru ces saintes âmes, Dieu fera en sorte, s'ils vont au Purgatoire, qu'ils soient davantage secourus par d'autres.

Observons ici qu'en pratique, c'est un puissant suffrage en faveur des âmes du Purgatoire que d'entendre la messe pour elles et de les y recommander à Dieu par les mérites de la passion de Jésus Christ : « Père éternel, je t’offre ce sacrifice du Corps et du Sang de Jésus-Christ, avec toutes les souffrances qu'il a endurées durant sa vie et à sa mort ; et par les mérites de sa Passion, je te recommande les âmes du Purgatoire, particulièrement etc... » Et c'est aussi un acte de grande charité que de recommander aussi en même temps les âmes de tous les agonisants.

La question que nous nous sommes posée à propos des âmes du Purgatoire - à savoir si elles peuvent ou non prier pour nous et donc s'il est avantageux ou non de faire appel à leurs prières – ne se pose certainement pas pour les saints. On ne peut douter, en effet, qu'il ne soit très utile de recourir à leur intercession quand il s'agit de saints canonisés et qui jouissent déjà de la vision de Dieu. Croire que l'Eglise peut se tromper dans la canonisation des saints ne peut être exempt de faute ou d'hérésie, d'après saint Bonaventure, Bellarmin et d'autres, ou tout au moins d'une erreur proche de l'hérésie, d'après Suarez, Azor, Gotti, etc. En effet, dans la canonisation des saints tout spécialement, ainsi que l'enseigne le Docteur Angélique, le Souverain Pontife est guidé par l'inspiration infaillible du Saint Esprit.

Mais revenons au doute formulé plus haut : est-il de surcroît obligatoire de recourir à l'intercession des saints ? Je ne veux pas entreprendre de trancher ce cas mais je ne peux omettre d'exposer l'opinion du Docteur Angélique. En plusieurs endroits cités plus haut et spécialement dans le Livre des Sentences, il tient pour certain que chacun est obligé de prier. En effet, affirme-t-il, on ne peut obtenir de Dieu les grâces nécessaires au salut autrement qu'en les demandant : « Chacun est tenu de prier par le fait même qu'il doit se procurer les biens spirituels, lesquels ne sont donnés que de source divine : on ne peut donc les obtenir autrement qu'en les demandant à Dieu ». Puis, dans un autre passage du même livre, le saint pose précisément la question : « Est-ce que nous devons prier les saints d'intercéder pour nous ? » Pour bien faire comprendre sa pensée, il nous faut citer le texte entier de sa réponse : « C'est une loi établie par Dieu, selon Denys, que les êtres les plus éloignés de Dieu soient ramenés à lui par les plus proches. Or, les saints du ciel sont toujours près de Dieu ; nous, au contraire, aussi longtemps que nous habitons dans ce corps, nous sommes loin du Seigneur ; ils doivent donc nous servir d'intermédiaires. Ils jouent ce rôle lorsque la divine bonté se répand sur nous par eux ; et notre réponse doit suivre le même chemin. Ainsi donc, de même que c'est par le suffrage des saints que les bienfaits de Dieu descendent sur nous, c'est par eux que nous devons remonter à Dieu pour en recevoir de nouveaux bienfaits. C'est pour cette raison que nous constituons les saints nos intercesseurs auprès de Dieu et comme nos médiateurs lorsque nous leur demandons de prier pour nous ».

Notons ces mots : « C'est une loi établie par Dieu » et aussi les derniers : « De même que c'est par le suffrage des saints que les bienfaits de Dieu descendent sur nous, c'est par eux que nous devons remonter à Dieu pour en recevoir de nouveaux bienfaits ». Ainsi donc, d'après saint Thomas, l'ordre de la loi divine exige que nous, mortels, nous fassions notre salut par l'intermédiaire des saints en recevant par eux les secours nécessaires.

A l'objection qu'il se fait : Ne semble-t-il pas superflu de recourir aux saints, vu que Dieu est infiniment plus qu'eux miséricordieux et porté à nous exaucer ?, le Docteur Angélique répond : Dieu l'a voulu ainsi, non par un défaut de sa clémence mais pour conserver l'ordre exact, universellement établi, d'agir par les causes secondes : « Ce n'est pas par un défaut de sa miséricorde, dit-il, mais pour que l'ordre établi soit respecté dans les choses ». S'appuyant sur l'autorité de saint Thomas, le Continuateur de Tournely écrit avec Sylvius : Bien que l'on ne doive prier que Dieu comme Auteur des grâces, nous sommes néanmoins tenus de recourir également à l'intercession des Saints, pour respecter l'ordre que le Seigneur a établi quant à notre salut, à savoir que les inférieurs fassent leur salut en implorant l'aide des supérieurs : « Nous sommes tenus par la loi naturelle d'observer cet ordre que Dieu a établi ; Dieu a fixé que les inférieurs parviendraient au salut en implorant l'aide des supérieurs »

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

K
Pourquoi les troncs d'église pour la célébration de Messes en faveur des âmes du purgatoire ont ils disparus?<br /> Demandons aux prêtres de replacer ces troncs afin que chacun puisse participer à la célébration de Messes en faveur des âmes souffrantes.
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