25 avril 2009 6 25 /04 /avril /2009 08:56

Extrait du discours du Pape Benoît XVI aux participants à la Congrégation générale de la Compagnie de Jésus, le 21 février 2008.

Comme le dit la formule de votre Institut, la Compagnie de Jésus est tout d'abord instituée "pour la défense et la propagation de la foi". A une époque où s'ouvraient de nouveaux horizons géographiques, les premiers compagnons d'Ignace s'étaient mis à la disposition du Pape pour qu'il "les employât là où il jugeait que cela pouvait servir pour la plus grande gloire de Dieu et l'utilité des âmes" (Autobiographie, n. 85). Ainsi, ils furent envoyés annoncer le Seigneur à des peuples et des cultures qui ne le connaissaient pas encore. Ils le firent avec un courage et un zèle qui restent un exemple et une source d'inspiration jusqu'à nos jours : le nom de saint François Xavier est le plus célèbre de tous, mais combien d'autres pourrait-on citer!
Aujourd'hui, les nouveaux peuples qui ne connaissent pas le Seigneur ou qui le connaissent mal, ne sachant pas le reconnaître comme le Sauveur, ne sont pas tant éloignés du point de vue géographique que culturel. Les obstacles qui défient les annonciateurs de l'Evangile ne sont pas tant les mers ou les grandes distances, mais les frontières qui, en raison d'une vision de Dieu et de l'homme erronée ou superficielle, viennent s'interposer entre la foi et le savoir humain, la foi et la science moderne, la foi et l'engagement pour la justice.

C'est pourquoi l'Eglise a un besoin urgent de personnes à la foi solide et profonde, ayant une culture sérieuse et une authentique sensibilité humaine et sociale ; de religieux et de prêtres qui consacrent leur vie à rester précisément sur ces frontières, pour témoigner et aider à comprendre qu'il y a en revanche une harmonie profonde entre foi et raison, entre esprit évangélique, soif de justice et action pour la paix. Ce n'est qu'ainsi qu'il deviendra possible de faire connaître le véritable visage du Seigneur aux nombreuses personnes pour lesquelles il reste aujourd'hui caché ou méconnaissable. C'est donc à cela que doit se consacrer de préférence la Compagnie de Jésus. Fidèle à sa meilleure tradition, elle doit continuer à former avec un grand soin ses membres dans la science et dans la vertu, sans se contenter de la médiocrité, car la tâche de la confrontation et du dialogue avec des contextes sociaux et culturels très divers et les mentalités différentes du monde d'aujourd'hui est parmi les plus difficiles et les plus ardues (…).

Au cours de son histoire, la Compagnie de Jésus a vécu des expériences extraordinaires d'annonce et de rencontre entre l'Evangile et les cultures du monde (…). Vous en êtes fiers à juste titre.
Je sens aujourd'hui le devoir de vous exhorter à vous mettre à nouveau sur les traces de vos prédécesseurs avec autant de courage et d'intelligence, mais également avec une motivation de foi et de passion aussi profonde, pour servir le Seigneur et son Eglise. Toutefois, alors que vous cherchez à reconnaître les signes de la présence et de l'œuvre de Dieu en chaque lieu du monde, également au-delà des frontières de l'Eglise visible, alors que vous vous efforcez de construire des ponts de compréhension et de dialogue avec ceux qui n'appartiennent pas à l'Eglise ou qui ont des difficultés à en accepter les positions et les messages, vous devez dans le même temps prendre loyalement en charge le devoir fondamental de l'Eglise de rester fidèle à son mandat d'adhérer complètement à la Parole de Dieu, et la tâche du Magistère de conserver la vérité et l'unité de la doctrine catholique dans sa totalité (….).

Comme vous le savez bien, ayant accompli de nombreuses fois sous la direction de saint Ignace dans les Exercices spirituels la méditation "des deux étendards", notre monde est le théâtre d'une bataille entre le bien et le mal, et de puissantes forces négatives y sont à l'œuvre, causant ces dramatiques situations d'asservissement spirituel et matériel de nos contemporains contre lesquelles vous avez plusieurs fois déclaré vouloir combattre, en vous engageant pour le service de la foi et la promotion de la justice. Ces forces se manifestent aujourd'hui de nombreuses façons, mais de manière particulièrement évidente à travers les tendances culturelles qui deviennent souvent dominantes, comme le subjectivisme, le relativisme, l'hédonisme, le matérialisme pratique. C'est pourquoi j'ai demandé votre engagement renouvelé pour promouvoir et défendre la doctrine catholique "en particulier sur les points névralgiques aujourd'hui attaqués avec force par la culture séculière", dont j'ai cité certains exemples dans ma Lettre. Les thèmes du salut de tous les hommes dans le Christ, de la morale sexuelle, du mariage et de la famille, aujourd'hui sans cesse débattus et remis en question, doivent être approfondis et éclairés dans le contexte de la réalité contemporaine, mais en conservant cette harmonie avec le Magistère qui évite de provoquer la confusion et le trouble chez le Peuple de Dieu.

Je sais et je comprends bien qu'il s'agit d'un point particulièrement sensible et exigeant pour vous et pour tant de vos confrères, en particulier ceux qui sont engagés dans la recherche théologique, dans le dialogue interreligieux et dans le dialogue avec les cultures contemporaines. C'est précisément pour cela que je vous ai invités et que je vous invite aujourd'hui aussi à réfléchir, pour retrouver le sens le plus complet de votre caractéristique "quatrième vœu" d'obéissance au Successeur de Pierre, qui ne comporte pas seulement la disponibilité à être envoyés en mission dans des terres lointaines, mais également – selon le plus authentique esprit ignatien d'"écouter avec l'Eglise et dans l'Eglise" – d'"aimer et servir" le Vicaire du Christ sur terre avec cette dévotion "effective et affective" qui doit faire de vous ses collaborateurs précieux et irremplaçables dans son service pour l'Eglise universelle.

Dans le même temps, je vous encourage à poursuivre et à renouveler votre mission parmi les pauvres et avec les pauvres. Les nouvelles causes de pauvreté et de marginalisation ne manquent malheureusement pas dans un monde marqué par de graves déséquilibres économiques et environnementaux, par des processus de mondialisation guidés par l'égoïsme plus que par la solidarité, par des conflits armés destructeurs et absurdes. Comme j'ai eu l'occasion de le répéter aux Evêques latino-américains réunis au Sanctuaire d'Aparecida, "l'option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi christologique en ce Dieu qui pour nous s'est fait pauvre, pour que nous devenions riches par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9)". Il est donc naturel que celui qui désire vraiment être un compagnon de Jésus, en partage réellement l'amour pour les pauvres.
Pour nous, le choix des pauvres n'est pas idéologique, mais il naît de l'Evangile. Les situations d'injustice et de pauvreté sont innombrables et dramatiques dans le monde d'aujourd'hui, et s'il faut s'engager à en comprendre et à en combattre les causes structurelles, il faut également savoir aller combattre jusque dans le cœur même de l'homme les racines profondes du mal, le péché qui le sépare de Dieu, sans oublier d'aller à la rencontre des besoins les plus urgents, dans l'esprit de la charité du Christ.

Je vous invite enfin à réserver une attention spécifique à ce ministère des Exercices spirituels qui, dès les origines, a été caractéristique de votre Compagnie. Les Exercices sont la source de votre spiritualité et la base de vos Constitutions, mais ils sont également un don que l'Esprit du Seigneur a fait à l'Eglise tout entière : c'est à vous qu'il revient de continuer à en faire un instrument précieux et efficace pour la croissance spirituelle des âmes, pour leur initiation à la prière, à la méditation, dans ce monde sécularisé où Dieu semble absent (…).
A une époque comme celle d'aujourd'hui, où la confusion et la multiplicité des messages, la rapidité des changements et des situations rend particulièrement difficile à nos contemporains de mettre de l'ordre dans leur vie et de répondre avec décision et joie à l'appel que le Seigneur adresse à chacun de nous, les Exercices spirituels représentent une voie et une méthode particulièrement précieuse pour chercher et trouver Dieu, en nous, autour de nous et en chaque chose, pour connaître sa volonté et la mettre en pratique.

C'est dans cet esprit d'obéissance à la volonté de Dieu, à Jésus Christ, qui devient aussi une humble obéissance à l'Eglise, que (…) je m'unis à vous dans la prière que nous a enseignée saint Ignace au terme des Exercices – une prière qui m'apparaît toujours trop grande, au point que je n'ose presque pas la dire, mais que, toutefois, nous devrions toujours à nouveau nous reproposer :
"Prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que je possède ; tu me l'as donné, à toi, Seigneur, je le redonne ; tout est à toi, dispose de tout selon ta volonté; donne-moi seulement ton amour et ta grâce ; cela me suffit" (ES 234).


Lire le texte intégral du discours du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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