20 avril 2009 1 20 /04 /avril /2009 15:12

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI du 20 février 2008.

Chers frères et sœurs,

(…) Nous revenons aujourd'hui à la grande figure de saint Augustin, duquel j'ai déjà parlé à plusieurs reprises dans les catéchèses du mercredi. C'est le Père de l'Eglise qui a laissé le plus grand nombre d'œuvres, et c'est de celles-ci que j'entends aujourd'hui brièvement parler. Certains des écrits d'Augustin sont d'une importance capitale, et pas seulement pour l'histoire du christianisme, mais pour la formation de toute la culture occidentale : l'exemple le plus clair sont les Confessions, sans aucun doute l'un des livres de l'antiquité chrétienne le plus lu aujourd'hui encore. Comme différents Pères de l'Eglise des premiers siècles, mais dans une mesure incomparablement plus vaste, l'Evêque d'Hippone a en effet lui aussi exercé une influence étendue et persistante, comme il ressort déjà de la surabondante traduction manuscrite de ses œuvres, qui sont vraiment très nombreuses.

(…) La liste des œuvres d'Augustin fut réalisée avec l'intention explicite d'en conserver la mémoire alors que l'invasion vandale se répandait dans toute l'Afrique romaine et elle compte plus de mille trois cents écrits, numérotés par leur auteur, ainsi que d'autres "que l'on ne peut pas numéroter, car il n'y a placé aucun numéro" (…). Aujourd'hui, plus de trois cents lettres ont survécu à l'Evêque d'Hippone et presque six cents homélies, mais à l'origine ces dernières étaient beaucoup plus nombreuses, peut-être même entre trois mille et quatre mille, fruit de quarante années de prédication de l'antique rhéteur qui avait décidé de suivre Jésus et de parler non plus aux grandes cours impériales, mais à la simple population d'Hippone.

Et encore ces dernières années, la découverte d'un groupe de lettres et de plusieurs homélies a enrichi notre connaissance de ce grand Père de l'Eglise. "De nombreux livres – écrit Possidius – furent composés par lui et publiés, de nombreuses prédications furent tenues à l'église, transcrites et corrigées, aussi bien pour réfuter les divers hérétiques que pour interpréter les Saintes Ecritures, en vue de l'édification de saints fils de l'Eglise. Ses œuvres sont si nombreuses que difficilement un érudit a la possibilité de les lire et d'apprendre à les connaître" (Vita Augustini, 18, 9).

Parmi la production d'Augustin – plus de mille publications subdivisées en écrits philosophiques, apologétiques, doctrinaux, moraux, monastiques, exégétiques, anti-hérétiques, en plus des lettres et des homélies – ressortent plusieurs oeuvres exceptionnelles de grande envergure théologique et philosophique. Il faut tout d'abord rappeler les Confessions susmentionnées, écrites en treize livres entre 397 et 400 pour louer Dieu. Elles sont une sorte d'autobiographie sous forme d'un dialogue avec Dieu.
Ce genre littéraire reflète précisément la vie de saint Augustin, qui était une vie qui n'était pas refermée sur elle, dispersée en tant de choses, mais vécue substantiellement comme un dialogue avec Dieu, et ainsi une vie avec les autres. Le titre Confessions indique déjà la spécificité de cette autobiographie. Ce mot « confessions », dans le latin chrétien développé par la tradition des Psaumes, possède deux significations, qui toutefois se recoupent. « Confessions » indique, en premier lieu, la confession des propres faiblesses, de la misère des péchés ; mais, dans le même temps, « confessions » signifie louange de Dieu, reconnaissance à Dieu. Voir sa propre misère à la lumière de Dieu devient louange à Dieu et action de grâce, car Dieu nous aime et nous accepte, nous transforme et nous élève vers lui-même. Sur ces Confessions qui eurent un grand succès déjà pendant la vie de saint Augustin, il a lui-même écrit : "Elles ont exercé sur moi une profonde action alors que je les écrivais et elles l'exercent encore quand je les relis. Il y a de nombreux frères à qui ces œuvres plaisent" (Rétractations, II, 6) : et je dois dire que je suis moi aussi l'un de ces "frères". Et grâce aux Confessions nous pouvons suivre pas à pas le chemin intérieur de cet homme extraordinaire et passionné de Dieu.

Moins connues, mais tout aussi importantes et originales sont les Rétractations, composées en deux livres autour de 427, dans lesquelles saint Augustin, désormais âgé, accomplit une œuvre de "révision" (retractatio) de toute son œuvre écrite, laissant ainsi un document littéraire original et précieux, mais également un enseignement de sincérité et d'humilité intellectuelle. 

La Cité de Dieu
– une œuvre imposante et décisive pour le développement de la pensée politique occidentale et pour la théologie chrétienne de l'histoire – fut écrit entre 413 et 426 en vingt-deux livres. L'occasion était le sac de Rome accompli par les Goths en 410. De nombreux païens encore vivants, mais également de nombreux chrétiens, avaient dit : Rome est tombée, à présent le Dieu chrétien et les apôtres ne peuvent pas protéger la ville. Pendant la présence des divinités païennes, Rome était caput mundi, la grande capitale, et personne ne pouvait penser qu'elle serait tombée entre les mains des ennemis. A présent, avec le Dieu chrétien, cette grande ville n'apparaissait plus sûre. Le Dieu des chrétiens ne protégeait donc pas, il ne pouvait pas être le Dieu auquel se confier. A cette objection, qui touchait aussi profondément le cœur des chrétiens, saint Augustin répond par cette œuvre grandiose, La Cité de Dieu, en clarifiant ce que nous devons attendre ou pas de Dieu, quelle est la relation entre le domaine politique et le domaine de la foi, de l'Eglise. Aujourd'hui aussi, ce livre est une source pour bien définir la véritable laïcité et la compétence de l'Eglise, la grande véritable espérance que nous donne la foi.

Ce grand livre est une présentation de l'histoire de l'humanité gouvernée par la Providence divine, mais actuellement divisée par deux amours. Et cela est le dessein fondamental, son interprétation de l'histoire, qui est la lutte entre deux amours : amour de soi "jusqu'à l'indifférence pour Dieu", et amour de Dieu "jusqu'à l'indifférence pour soi" (La Cité de Dieu, XIV, 28), à la pleine liberté de soi pour les autres dans la lumière de Dieu. Cela, donc, est peut-être le plus grand livre de saint Augustin, d'une importance qui dure jusqu'à aujourd'hui.

Tout aussi important est le De la Trinité, une œuvre en quinze livres sur le noyau principal de la foi chrétienne, écrite en deux temps : entre 399 et 412 pour les douze premiers livres, publiés à l'insu d'Augustin, qui vers 420 les compléta et revit l'œuvre tout entière. Il réfléchit ici sur le visage de Dieu et cherche à comprendre ce mystère du Dieu qui est unique, l'unique Créateur du monde, de nous tous, et toutefois, précisément ce Dieu unique est trinitaire, un cercle d'amour. Il cherche à comprendre le mystère insondable : précisément l'être trinitaire, en trois Personnes, est la plus réelle et la plus profonde unité de l'unique Dieu. Le De la doctrine chrétienne est, en revanche, une véritable introduction culturelle à l'interprétation de la Bible et en définitive au christianisme lui-même, qui a eu une importance décisive dans la formation de la culture occidentale.

Malgré toute son humilité, Augustin fut certainement conscient de son envergure intellectuelle. Mais pour lui, il était plus important d'apporter le message chrétien aux simples, plutôt que de faire des œuvres de grande envergure théologique.
Cette profonde intention, qui a guidé toute sa vie, ressort d'une lettre écrite à son collège Evodius, où il communique la décision de suspendre pour le moment la dictée des livres du De Trinitate, "car ils sont trop difficiles et je pense qu'ils ne pourront être compris que par un petit nombre ; c'est pourquoi il est plus urgent d'avoir des textes qui, nous l'espérons, seront utiles à un grand nombre" (Epistulae, 169, 1, 1). Il était donc plus utile pour lui de communiquer la foi de manière compréhensible à tous, plutôt que d'écrire de grandes œuvres théologiques (…).

Dans cette production, destinée à un plus vaste public, revêt une importance particulière le grand nombre des homélies souvent prononcées de manière improvisée, transcrites par les tachygraphes au cours de la prédication et immédiatement mises en circulation. Parmi celles-ci, ressortent les très belles Enarrationes in Psalmos, fréquemment lues au moyen-âge. C'est précisément la pratique de la publication des milliers d'homélies d'Augustin – souvent sans le contrôle de l'auteur – qui explique leur diffusion et leur dispersion successive, mais également leur vitalité. En effet, en raison de la renommée de leur auteur, les prédications de l'Evêque d'Hippone devinrent immédiatement des textes très recherchés et servirent de modèles, adaptés à des contextes toujours nouveaux.

La tradition iconographique, déjà visible dans une fresque du Latran remontant au VI siècle, représente saint Augustin avec un livre à la main, certainement pour exprimer sa production littéraire, qui influença tant la mentalité et la pensée des chrétiens, mais aussi pour exprimer également son grand amour pour les livres, pour la lecture et la connaissance de la grande culture précédente.
A sa mort il ne laissa rien, raconte Possidius, mais "il recommandait toujours de conserver diligemment pour la postérité la bibliothèque de l'église avec tous les codex", en particulier ceux de ses œuvres. Dans celles-ci, souligne Possidius, Augustin est "toujours vivant" et ses écrits sont bénéfiques à ceux qui les lisent, même si, conclut-il, "je crois que ceux qui purent le voir et l'écouter quand il parlait en personne à l'église, ont pu davantage tirer profit de son contact, et surtout ceux qui parmi les fidèles partagèrent sa vie quotidienne" (Vita Augustini, 31). Oui, il aurait été beau pour nous aussi de pouvoir l'entendre vivant. Mais il est réellement vivant dans ses écrits, il est présent en nous et ainsi nous voyons aussi la vitalité permanente de la foi pour laquelle il a donné toute sa vie.


Lire le texte intégral de l'Audience Générale du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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D
grand merci
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