18 février 2009 3 18 /02 /février /2009 12:07

Extrait du discours du Pape Benoît XVI aux membres de la Curie romaine, le 21 décembre 2007.

Enfin,
Aparecida.
J'ai été particulièrement touché par la petite statuette de la Vierge. De pauvres pêcheurs qui avaient jeté à maintes reprises leurs filets en vain, retirèrent des eaux du fleuve cette statuette, après quoi leur pêche s'avéra abondante. C'est la Vierge des Pauvres, devenue elle-même pauvre et petite. Ainsi, grâce précisément à la foi et à l'amour des pauvres, autour de cette figure c'est formé le grand Sanctuaire qui, renvoyant toujours cependant à la pauvreté de Dieu, à l'humilité de la Mère, constitue jour après jour une maison et un refuge pour les personnes qui prient et espèrent. C'était une bonne chose de nous réunir en ce lieu et d'y élaborer le document sur le thème : "Discipulos e misioneros de Jesucristo, para que en Él tengan la vida". Certes, quelqu'un pourrait immédiatement poser cette question : Mais était-ce bien le thème juste en cette heure de l'histoire que nous vivons? N'était-ce pas un tournant excessif vers l'intériorité, à un moment où les grands défis de l'histoire, les questions urgentes quant à la justice, la paix et la liberté requièrent le plein engagement de tous les hommes de bonne volonté et, en particulier, de la chrétienté et de l'Eglise? N'aurait-on pas dû plutôt affronter ces problèmes, au lieu de se retirer dans le monde intérieur de la foi?

Pour l'instant, renvoyons cette objection à plus tard. Avant d'y répondre, en effet, il est nécessaire de bien comprendre le thème lui-même et sa véritable signification. Ceci fait, la réponse à l'objection apparaît d'elle-même.

Le mot-clé du thème est : trouver la vie – la vraie vie. Ainsi le thème suppose que cet objectif, sur lequel sans doute tout le monde est d'accord, soit atteint en étant disciple de Jésus Christ, ainsi qu'en s'engageant pour sa Parole et sa présence.
Les chrétiens en Amérique latine et, avec eux, ceux du monde entier, sont donc avant tout invités à redevenir davantage des "disciples de Jésus Christ" – ce que nous sommes déjà, au fond, en vertu du Baptême, sans que cela n'ôte en rien le fait que nous devons sans cesse à nouveau le redevenir, par l'appropriation vivante du don de ce Sacrement.

Etre des disciples du Christ – Qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, cela signifie en premier lieu : arriver à le connaître. Comment cela advient-il? C'est une invitation à l'écouter tel qu'il nous parle dans le texte de l'Ecriture Sainte, tel qu'il s'adresse à nous et vient à notre rencontre dans la prière commune de l'Eglise, dans les Sacrements et dans le témoignage des Saints. On ne peut jamais connaître le Christ uniquement de manière théorique. Avec une grande doctrine, on peut tout savoir sur les Saintes Ecritures, sans L'avoir jamais rencontré. Cheminer avec lui, entrer dans ses sentiments, fait partie intégrante de Sa connaissance, comme le dit la Lettre aux Philippiens (2, 5). Paul décrit brièvement ces sentiments de la façon suivante:  avoir le même amour, former ensemble une seule âme (sýmpsychoi), s'entendre, ne rien faire par rivalité et vanité, en ne cherchant pas chacun ses propres intérêts, mais aussi ceux des autres (2, 2-4). La catéchèse ne peut jamais être simplement un enseignement intellectuel ; elle doit toujours devenir aussi une pratique personnelle de la communion de vie avec le Christ, un exercice de l'humilité, de la justice et de l'amour. Ce n'est qu'ainsi que nous cheminons avec Jésus-Christ sur sa voie, ce n'est qu'ainsi que s'ouvre l'œil de notre cœur, ce n'est qu'ainsi que nous apprenons à comprendre l'Ecriture et que nous Le rencontrons. La rencontre avec Jésus Christ requiert l'écoute, requiert une réponse dans la prière et dans la pratique de ce qu'il dit. En en venant à connaître le Christ, nous en venons à connaître Dieu et, ce n'est qu'à partir de Dieu, que nous comprenons l'homme et le monde, un monde qui, autrement, demeure une question vide de sens.

Devenir disciples du Christ est donc un chemin d'éducation vers notre être véritable, vers la juste manière d'être des hommes. Dans l'Ancien Testament, l'attitude de fond de l'homme qui vit la Parole de Dieu était résumé dans le terme zadic – le juste : celui qui vit selon la Parole de Dieu devient un juste ; il pratique et vit la justice. Dans le christianisme, l'attitude des disciples de Jésus Christ était exprimée par une autre parole : le fidèle. La foi comprend tout, cette parole indique à présent à la fois le fait d'être avec le Christ et d'être avec sa justice. Nous recevons dans la foi la justice du Christ, nous la vivons personnellement et nous la transmettons. Le document d'Aparecida concrétise tout cela en parlant de la Bonne Nouvelle sur la dignité de l'homme, sur la vie, sur la famille, sur la science et la technologie, sur le travail humain, sur la destination universelle des biens de la terre et sur l'écologie : des dimensions dans le cadre desquelles s'articule notre justice, est vécue la foi et sont apportées des réponses aux défis du temps.

Le disciple de Jésus Christ doit être également "missionnaire", messager de l'Evangile, nous dit ce document. Ici aussi s'élève une objection : est-il encore licite aujourd'hui d'"évangéliser"? Toutes les religions et les conceptions du monde ne devraient-elles pas plutôt coexister pacifiquement et chercher à réaliser ensemble le meilleur pour l'humanité, chacune à sa manière? De fait, il est indiscutable que nous devons tous coexister et coopérer dans la tolérance et dans le respect réciproques. L'Eglise catholique s'engage en ce sens avec une grande énergie et, avec les deux rencontres d'
Assise, elle a aussi laissé des indications claires dans ce sens, des indications que nous avons à nouveau repris dans la rencontre de Naples de cette année.
A cet égard, je suis heureux de rappeler la lettre qui m'a courtoisement été envoyée le 13 octobre dernier par 138 responsables religieux musulmans pour témoigner de leur engagement commun dans la promotion de la paix dans le monde. C'est avec joie que j'ai répondu en exprimant mon adhésion sincère à ces nobles intentions et en soulignant dans le même temps l'urgence d'un engagement commun au service de la protection des valeurs du respect réciproque, du dialogue et de la collaboration. La reconnaissance commune de l'existence d'un Dieu unique, Créateur providentiel et Juge universel du comportement de chacun, constitue la prémisse d'une action commune en défense du respect effectif de la dignité de chaque personne humaine pour l'édification d'une société plus juste et solidaire.

Mais cette volonté de dialogue et de collaboration signifierait-elle également dans le même temps que nous ne pouvons plus transmettre le message de Jésus Christ, que nous ne pouvons plus proposer aux hommes et au monde cet appel et l'espérance qui en découle? Celui qui a reconnu une grande vérité, qui a trouvé une grande joie, doit la transmettre, il ne peut absolument pas la garder pour lui. Des dons si grands ne sont jamais destinés à une seule personne. En Jésus Christ est née pour nous une grande lumière, la grande Lumière : nous ne pouvons pas la mettre sous le boisseau, mais nous devons l'élever sur le lampadaire, pour qu'elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison (cf. Mt 5, 15).
Saint Paul a été inlassablement en chemin en apportant avec lui l'Evangile. Il se sentait même soumis à une sorte de "nécessité" d'annoncer l'Evangile (cf. 1 Co 9, 16) – non tant du fait d'une préoccupation pour le Salut de la personne non baptisée qui n'avait pas encore été touchée par l'Evangile, que parce qu'il était conscient que l'histoire dans son ensemble ne pouvait pas arriver à son achèvement tant que la totalité (pléroma) des peuples n'aurait pas été touchée par l'Evangile (cf. Rm 11, 25). Pour parvenir à son achèvement, l'histoire a besoin de l'annonce de la Bonne Nouvelle à tous les peuples, à tous les hommes (cf. Mc 13, 10). Et de fait : tout comme il est important que confluent au sein de l'humanité des forces de réconciliation, des forces de paix, des forces d'amour et de justice – de même, il est important que, dans le "bilan" de l'humanité, face aux sentiments et aux réalités de la violence et de l'injustice qui la menacent, soient suscitées et renforcées des forces antagonistes! C'est précisément ce qu'il advient dans la mission chrétienne. A travers la rencontre avec Jésus Christ et ses Saints, à travers la rencontre avec Dieu, le bilan de l'humanité est alimenté par ces forces du bien, sans lesquelles tous nos projets d'ordre social ne deviennent pas réalité, mais – face à la pression surpuissante d'autres intérêts contraires à la paix et à la justice – ne demeurent que des théories abstraites.

Nous sommes ainsi revenus aux questions posées au début : la rencontre d'Aparecida a-t-elle bien fait, dans la recherche de vie pour le monde, d'accorder la priorité à l'imitation de Jésus Christ et à l'évangélisation? Etait-ce un repli erroné vers l'intériorité? Non! Aparacida a pris une juste décision, car c'est précisément à travers la nouvelle rencontre avec Jésus Christ et son Evangile – et seulement ainsi – que sont stimulées les forces qui nous rendent capables d'apporter la juste réponse aux défis de l'époque.


Lire le texte intégral du discours du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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