20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 14:01

Le 16 juin 2007, Sa Béatitude Chrysostome II, archevêque de Nuova Giustiniana et de tout Chypre, a rendu visite au Pape Benoît XVI. Partageant « les mêmes préoccupations », Benoît XVI et Chrysostome se sont engagés à renforcer le témoignage de leur Église respective afin que l'Évangile « soit une lumière pour tous les hommes ».

Discours du Pape Benoît XVI

Votre Béatitude et cher Frère,

Je vous accueille aujourd'hui avec joie, en entendant retentir dans mon cœur les paroles de l'apôtre Paul : « Que le Dieu de la constance et de la consolation vous accorde d'avoir les uns pour les autres la même aspiration à l'exemple du Christ Jésus afin que, d'un même cœur et d'une même bouche, vous glorifiez le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 15, 5-6). Votre visite est un don du Dieu de la constance et de la consolation, dont saint Paul parle en s'adressant à ceux qui écoutaient pour la première fois à Rome le Message du Salut. Nous faisons aujourd'hui l'expérience du don de la constance, car,
malgré la présence de divisions séculaires, de chemins divergents et en dépit de la difficulté à guérir des blessures douloureuses, le Seigneur n'a pas cessé de guider nos pas sur la voie de l'unité et de la réconciliation. Et cela est pour nous tous un motif de consolation, car notre rencontre d'aujourd'hui s'inscrit dans un chemin de recherche toujours plus intense de la pleine communion tant souhaitée par le Christ : « Ut omnes unum sint » (cf. Jn 17, 21).

Nous savons bien que l'adhésion à cet ardent désir du Seigneur ne peut et ne doit pas être proclamée seulement en paroles, ni de façon uniquement formelle. C'est pourquoi, Votre Béatitude, en reparcourant les pas de l'Apôtre des Nations,
vous n'êtes pas venu de Chypre à Rome simplement pour un « échange de courtoisie œcuménique », mais pour réaffirmer la ferme décision de persévérer dans la prière afin que le Seigneur nous indique la façon de parvenir à la pleine communion. Votre visite est dans le même temps un motif de joie intense, car, déjà dans notre rencontre, il nous est donné de goûter la beauté de la pleine unité voulue par les chrétiens.

Merci, Votre Béatitude, pour ce geste d'estime et d'amitié fraternelle. Dans votre personne, je salue le Pasteur d'une Église antique et illustre, tesselle resplendissante de cette mosaïque éclatante, l'Orient qui, selon l'expression chère au Serviteur de Dieu Jean-Paul II, de vénérée mémoire, constitue l'un des deux poumons avec lesquels l'Église respire. Votre présence appréciée me rappelle à l'esprit la prédication fervente de saint Paul à Chypre (cf. Ac 13, 4 et sq) et le voyage aventureux qui le conduisit jusqu'à Rome, où il annonça l'Évangile et scella son témoignage lumineux de foi par le martyre.
Le souvenir de l'Apôtre des Nations ne nous invite-t-il pas à tourner avec humilité et espérance notre cœur vers le Christ, qui est notre Maître unique ? Grâce à son aide divine, nous ne devons pas nous lasser de rechercher ensemble les voies de l'unité en surmontant les difficultés qui, au cours de l'histoire, ont provoqué entre les chrétiens des divisions et une méfiance réciproque. Que le Seigneur nous accorde de pouvoir bientôt nous approcher du même autel pour partager tous ensemble l'unique nourriture du Pain et du Vin eucharistiques.

Cher Frère, en vous accueillant dans le Seigneur, je voudrais rendre hommage à l'antique et vénérable Église de Chypre, riche de saints, parmi lesquels j'aime à rappeler particulièrement
Barnabé, ami et collaborateur de l'apôtre Paul, et Épiphane, évêque de Constantia, jadis Salamine, aujourd'hui Famagouste. Épiphane, qui exerça son ministère épiscopal pendant trente-cinq ans à une période agitée pour l'Église en raison d'un retour de l'arianisme et des controverses naissantes des « pneumatòmachi », écrivit des œuvres dans une intention clairement catéchétique et apologétique, comme lui-même l'explique dans l'Ancoratus. Cet intéressant traité contient deux Symboles de foi, le Symbole de Nicée-Constantinople, et le Symbole de la tradition baptismale de Constantia, correspondant à la foi nicéenne, mais dont la formulation et le développement diffèrent, et « plus apte – souligne Épiphane lui-même – à combattre les erreurs naissantes, bien que conforme à cette [foi] déterminée par les Saints-Pères mentionnés » du Concile de Nicée (Ancoratus, 119). Dans celui-ci – explique-t-il –, nous affirmons la foi dans « l'Esprit Saint, Esprit de Dieu, Esprit parfait. Esprit consolateur, Incréé, qui procède du Père et prend du Fils, objet de notre foi » (ibid.). En bon Pasteur, Épiphane indique au troupeau qui lui a été confié par le Christ les vérités auxquelles croire, le chemin à parcourir et les écueils à éviter. Voilà une méthode valable également aujourd'hui pour l'annonce de l'Évangile, en particulier aux nouvelles générations, fortement influencées par des courants de pensée contraires à l'esprit évangélique. L'Église doit affronter en ce début de troisième millénaire des défis et des problématiques assez semblables à ceux que dut affronter le pasteur Épiphane. Comme à l'époque, aujourd'hui aussi, il faut veiller attentivement afin de mettre en garde le Peuple de Dieu contre les faux prophètes, les erreurs et la superficialité de propositions non conformes à l'enseignement du divin Maître, notre unique Sauveur. Dans le même temps, il est urgent de trouver un langage nouveau pour proclamer la foi qui nous unit, un langage commun, un langage spirituel capable de transmettre fidèlement les vérités révélées, nous aidant ainsi à reconstruire, dans la vérité et la charité, la communion entre tous les membres de l'unique Corps du Christ. Cette nécessité que nous ressentons tous nous engage à poursuivre sans nous décourager le dialogue théologique entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe dans son ensemble ; celle-ci nous pousse à utiliser des instruments valides et stables, afin que la recherche de la communion ne soit pas discontinue et occasionnelle dans la vie et dans la mission de nos Églises.

Face à l'immense tâche qui nous attend, et qui va au-delà des capacités humaines, il est nécessaire de s'en remettre avant tout à la prière. Cela n'ôte rien au fait qu'il faille mettre en acte, également aujourd'hui, tous les moyens humains utiles susceptibles de servir cet objectif. Dans cette optique, je considère votre visite comme une initiative plus que jamais utile pour nous faire progresser vers la pleine unité voulue par le Christ. Nous savons que cette unité est le don et le fruit de l'Esprit Saint ; mais nous savons aussi qu'elle exige, dans le même temps, un effort constant, animé par une volonté certaine et par une espérance inébranlable dans la puissance du Seigneur.

Discours de Sa Béatitude Chrysostome II

Votre Sainteté, Pape de l'Antique Rome et Évêque de la Chaire historique du Bienheureux apôtre Pierre,

La grâce de l'Esprit Saint et notre devoir d'archevêque-Primat de la Très Sainte Église martyre du saint apôtre Barnabé pour l'unité et la paix entre nos Églises apostoliques, ont conduit aujourd'hui nos pas, avec notre suite vénérable, sur le lieu du martyre des Coryphées des apôtres, Pierre et Paul, au sanctuaire des catacombes des martyrs de notre sainte foi commune pour vous rencontrer, vous qui, parmi les évêques, possédez le primat d'honneur de la chrétienté indivise, pour vous donner le baiser fraternel de la paix, et, après des siècles de chemin non fraternel, construire à nouveau des ponts de réconciliation, de collaboration et d'amour !

C'est la troisième fois que nous nous rencontrons, après les inoubliables obsèques de votre bien-aimé prédécesseur, le Pape Jean-Paul II de bienheureuse mémoire, et l'heureuse cérémonie de votre intronisation sur ce Trône apostolique, auquel aspire tout l'oekoumène chrétien avec de grandes espérances en attendant que celui qui le préside, le sage théologien, l'inlassable pasteur et le dynamique guide ecclésiastique, accomplisse des gestes de dialogue, de réconciliation, de rapprochement et d'amour. Dans ce sens, le développement du dialogue théologique officiel entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe, auquel notre Église apostolique de Chypre participe avec responsabilité et cohérence, revêt une grande importance.
Peut-être nos yeux ne pourront-ils pas voir l'unité tant désirée de l'Église, mais, avec la grâce de l'Esprit Saint, nous aurons fait nous aussi notre devoir dans le temps et dans l'espace comme réconciliateurs et comme véritables frères « ut omnes unum sint ».

En outre, nous sommes personnellement convaincus que,
de même que l'éloignement et le schisme entre nos Églises-sœurs fut accompli au cours de l'écoulement de tant de siècles de malentendus accumulés, ainsi, leur réunification et le rétablissement de la confiance réciproque et du véritable amour entre elles nécessiteront du temps, de la patience et des sacrifices, que toutefois, avec le sens de notre grande responsabilité, nous assumons le devoir de porter à terme, « en vérité et charité » sous la direction infaillible de l'Esprit vivifiant de Dieu (…).

Récemment, Son Excellence le Président de la République de Chypre, M. Tassos Papadopoulos, a affirmé de façon très perspicace : « Chypre a toujours appartenu à l'Europe, avant même l'institution de l'Europe. Avec son entrée dans l'Union européenne, Chypre est retournée à nouveau dans sa maison ».

Toutefois,
notre maison commune, l'Europe, le berceau de la civilisation occidentale, le siège glorieux de l'esprit chrétien, la mère des saints et des missionnaires, traverse une période de crise et de désorientation, d'athéisme et de doute, de sécularisation et de décadence. La société et l'homme de notre temps ont soif et sont en quête. Elle possède des valeurs et des principes, des traditions et des habitudes qui furent créées à la lumière de l'Évangile et sous la sage direction des Pères de l'Église et des autres personnalités ecclésiastiques, mais elle ne peut reconnaître la présence du Christ et la force de son message sotériologique. Elle rejette l'importance fondamentale des racines chrétiennes de l'Europe : c'est l'heure de l'Église et de la nouvelle évangélisation, l'heure de la mission ad intra ! Toutefois, sans la collaboration des Églises d'Europe et notre témoignage chrétien commun, il est certain que peu de choses peuvent avoir une issue positive et de nombreux efforts isolés des diverses Églises et confessions chrétiennes sont, malheureusement, voués à l'échec. Notre époque mondialisée, au lieu d'influencer de façon positive le chrétien européen convaincu, semble rejeter le caractère œcuménique historique du message chrétien et marginaliser sa dynamique et son efficacité. La sécularisation, l'eudémonisme, la déification de la technologie et de la science athée, désorientent notre prochain et le conduisent inévitablement à un désespoir existentiel. Son cri angoissant s'élève : « Seigneur, à qui irons-nous ? » (Jn 6, 68).

Quelle est, alors, notre responsabilité en tant que pères spirituels ? Quelle sollicitude spirituelle devons-nous avoir face à notre jeunesse ? Réussirons-nous enfin à protéger l'institution sacrée de la famille ? Le caractère sacré de la personne humaine, désormais sans défense face à la recherche médicale, à l'avortement, à l'euthanasie ? Le caractère unique de la Création de Dieu qui nous entoure et qui risque d'être détruite de façon irréparable à cause de nous ?

Le chemin de l'orthodoxie passe par la spiritualité, l'ascèse, le jeûne, l'étude des textes des Pères de l'Église inspirés par Dieu, le sens du sacré et, surtout, la Divine Eucharistie : telles sont nos armes spirituelles et nous désirons lutter avec l'Église sœur de Rome pour transformer la société européenne anthropocentrique en une société christocentrique, dans le respect pour nos frères d'autres religions, les immigrés, les pauvres, les réfugiés et les faibles de la terre.


Lire le texte intégral des discours du Pape Benoît XVI et de Sa Béatitude Chrysostome II

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

D
J'ai vu de la lumière et me suis dit vais frapper. Juste un petit coucou de Dracip27 qui se promène. Bonne soirée
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