Mars-Avril 2006
Michael DENTON, L'évolution a-t-elle un sens? Fayard, 1997
"Quatre siècles après que la révolution scientifique eut paru détruire irrémédiablement la place spéciale de l'homme dans l'univers, bannir Aristote et rendre caduque toute spéculation téléologique, le flot incessant des découvertes s'est spectaculairement retourné en faveur de la téléologie et du dessein. Et la doctrine du microcosme renaît.
"La science, qui depuis quatre cents ans semblait le grand allié de l'athéisme, est enfin devenue, en cette fin du deuxième millénaire, ce que Newton et beaucoup de ses premiers partisans avaient si ardemment souhaité : le "défenseur de la foi anthropocentrique". (page 522)
Maurice CLAVEL, Dieu est Dieu, nom de Dieu!, Grasset, 1976
"On n'"adhère" pas à l'Eglise. Elle est à notre adhésion ce que le Péché originel est à nos péchés... Se séparer ou s'abstenir de l'Eglise consiste à se réserver Dieu : attitude dont l'énoncé dit à lui seul le scandale, et l'impensable (...).
" L'Eglise est l'Incarnation en notre chair pécheresse (...) Elle n'est pas même, oserais-je dire, au service de Dieu (...). Elle est la matérialité de Dieu. Elle est Dieu désormais dans l'espace et le temps de la Terre." (pages 255 à 257)
Jacques LACOURT, Croire en Dieu, est-ce possible aujourd'hui?, Droguet & Ardant, 1991
"La démarche scientifique, le raisonnement mathématique ne sont pas les seuls types de connaissance. Il en existe un autre dont nous usons à longueur de journée comme Monsieur Jourdain de la prose : c'est la connaissance par signes.
"Un magnifique bouquet de tulipes a été déposé sur ma table. Distrait, je peux ne pas le remarquer. Indifférent, il ne me dira rien. Averti, j'observerai que ce sont des tulipes à fleur de lys ou de simples tulipes sauvages de printemps. Mais je peux y voir davantage : à travers le bouquet sur ma table, la main aimante qui l'y a déposé (...).
"Si Dieu existe et s'il m'aime, ne cherche-t-il pas à me faire signe, réellement mais discrètement? L'amour ne saurait s'imposer avec la force contraignante d'un raisonnement mathématique ou d'une expérience physique. Invitation à le reconnaître et à l'aimer, appels intérieurs pressants : en aucun cas contrainte, obligation. Le véritable amour ne connaît que les chemins de la liberté".
Philippe CAPELLE et André COMTE-SPONVILLE, Dieu existe-t-il encore?, Cerf, 2006
Philippe CAPELLE à André COMTE-SPONVILLE : "Vous avez déclaré que vous et moi, nous ne savons pas si Dieu existe, que nous ne pouvons pas même le savoir. La réflexion qui vous conduit à cette affirmation me laisse tout aussi perplexe que la précédente. Elle consiste à découpler la foi et le savoir. Je peux "croire", dites-vous, mais je ne "sais" pas pour autant.
"Mais une telle séquence tire sa logique des présupposés issus de notre modernité occidentale et largement orchestrés par la philosophie du XVIIIe siècle. La foi y est tenue pour acceptable, le cas échéant honorable, dans la mesure où elle est conçue sur le registre de l'option personnelle et privée ; quant au registre du savoir, il appartiendrait seul à la sphère de la rationalité, et lui seul exigerait la vérification et la méthode.
"A l'encontre, on peut à tout le moins rappeler que les médiévaux, notamment Albert le Grand et Thomas d'Aquin, se sont battus pour défendre l'idée que la théologie est une science, l'un des enjeux étant alors d'éviter l'impasse de la double vérité : croyante et rationnelle, philosophique et théologique.
"C'est qu'en désolidarisant la foi et le savoir, on fait exactement ce que rejette la foi, toute foi en son principe même : on la cantonne autoritairement dans l'ignorance. Mais que serait un croyant qui affirmerait : je suis ignorant de ce que je crois? Au mieux, il serait un beau niais ; au pire, un pervers. Or, croire, ce n'est pas imaginer savoir, c'est en même temps chercher à savoir en quoi et pourquoi on croit, c'est aussi bien ne jamais oublier les raisons qui donnent de croire."