13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 22:51

Nous poursuivons notre parcours spirituel sur le Chemin de l'Imperfection du Père André Daigneault.

Le père nous rappelle dans son premier chapitre – et ce sera son leitmotiv tout au long de son ouvrage – que l’échelle qui conduit à la sainteté est une échelle que l’on monte… en descendant ; que ce ne sont pas nos efforts pour nous convertir, ni notre respect scrupuleux de la loi qui fera de nous des saints, mais la descente par l’échelle de l’humilité dans notre petitesse, notre pauvreté, notre fragilité, notre misère… Oui, c’est là que Dieu veut nous rencontrer et nous combler de sa grâce ; c’est là qu’il veut nous transformer (mais pas comme nous l’imaginerions…) et faire de nous des saints. C’est dans l’abîme de notre toute-faiblesse que le Seigneur veut déployer sa Toute-Puissance.

« La sainteté proposée par le Christ n’est pas une sainteté d’ordre naturel, mais une sainteté accueillie dans notre pauvreté. Le Christ est venu pour les pécheurs et les faibles, et non pour les forts et les bien-portants. »
(Chapitre 1, page 22). « Jésus n’a pas proposé une échelle de perfection dont on gravirait progressivement les degrés pour enfin posséder Dieu, mais un chemin de descente dans les profondeurs de l’humilité » (Id.)

La sainteté selon l’Evangile est donc d’un autre ordre que la perfection au sens où nous l’entendons humainement. Tel est le grand paradoxe de la vie chrétienne : c’est en descendant que l’on monte. « Descendre pour monter, c’est là le paradoxe évangélique du vrai cheminement spirituel chrétien. Saint Benoît, au chapitre 7 de sa Règle, dit qu’on monte par l’abaissement et la descente dans la pauvreté de notre être. Le chrétien doit suivre le Christ dans ses abaissements (…). Il faut, à l’exemple du Christ, descendre dans les humiliations et les nuits, descendre par la Croix, descendre enfin par la mort totale à nous-mêmes. Mourir avec lui pour ressusciter avec lui » (Chapitre 1, pages 25 et 26).

On n’est donc jamais trop bas pour Dieu, et c’est là sans doute le cœur de la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Tout homme, quelle que soit sa situation de misère, de bassesse morale, de péché et de désespoir, peut en un instant devenir le plus grand saint, à l’image du Bon Larron qui, sur la Croix, reçut de la bouche même de Jésus l’assurance du Paradis en implorant du fond de sa déréliction causée par une vie de désordre : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne » (Lc 23. 42).

« Pour être saint, il faut arriver à cet extrême, à un anéantissement tel qu’on n’ait plus qu’une chose à faire : espérer en Dieu. Etant appauvri complètement, on ne peut être sauvé que par un acte de confiance dans cette pauvreté complète, par un acte d’espérance jailli du dénuement absolu. L’état de sainteté la plus haute se confond presque avec l’état de pécheur qui n’a plus rien et qui n’a plus comme ressource que son espoir en la miséricorde de Dieu. »
(P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus).

Le Père Daigneault nous fait ainsi longuement méditer la parabole du Pharisien et du Publicain, en Luc 18. 9. 14.

« Jésus,
nous dit l’Evangéliste, dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres ». Sommes-nous, nous aussi, à l’image de ces hommes, convaincus d’être des justes ? Si oui, c’est sans doute que nous ne sommes pas encore descendu au fond de notre âme par l’échelle de la pauvreté, la seule qui conduit à la sainteté selon l’Evangile. Si non : eh bien… heureux sommes-nous : cette parabole de Jésus est pour nous…

Notons au passage que ce que Jésus reproche aux pharisiens n’est pas tant la conscience qu’ils ont (ou croient avoir) de leur propre justice, que le fait qu’ils « méprisaient tous les autres ». Voilà un excellent baromètre de notre état spirituel : le regard que nous portons sur les autres, et en l’espèce sur les pécheurs. Nous laissons-nous surprendre, nous aussi, par des réactions de mépris ou de commisération condescendante à leur égard ? Ou bien avons-nous le sentiment plus ou moins diffus d’être faits du même bois, avec cette conscience peut-être (qu’ont eu les Saints) d’appartenir à la race des pires pécheurs ? Songeons à des cas bien concrets, autour de nous. Et examinons comment nous jugeons les autres. Prenons pour cela un temps de silence, de réflexion et de prière. Considérons notre attitude envers tous ceux qui n’observent pas la loi morale, qu’ils y soient complètement en dehors, ou qu’ils y aient été infidèles de quelque manière. Et faisons la vérité en nous ; n’ayons pas peur de rencontrer nos propres limites, de faire face à notre pauvreté d’amour, voire à l’absence en nous de tout amour pour « ces gens-là »…

« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, l’autre publicain »
. Deux personnages bien différents : le pharisien, archétype du religieux irréprochable qui pratique sa religion avec zèle et générosité ; le publicain, archétype même de l’homme médiocre, « impur », qui pactise avec le péché du monde, qui « croque » dirait-on aujourd’hui, et dont la vie morale est loin d’être exemplaire… Deux attitudes religieuses radicalement opposées. Mais deux attitudes religieuses quand même : en cet instant, les deux hommes accomplissent le même acte ; ils montent tous deux au Temple pour prier. La prière… Le remède absolu contre la perdition éternelle. Au pécheur qui n’a plus rien de dignité humaine, et dont la « maison » est ravagée par le péché, il reste cette ultime ressource, celle du Bon Larron sur la Croix, ou du publicain de la Parabole : la prière, l’ardente supplication…. « Jésus, sauve-moi ! Jésus, prends pitié de moi ! Jésus, souviens-toi de moi ! » "Celui qui prie se sauve certainement ; celui qui ne prie pas se damne certainement", disait Alphonse de Liguori, Saint et Docteur de l’Eglise.

Jésus poursuit sa parabole : « Le pharisien se tenait là et priait en lui-même : ‘Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne’. » « Le pharisien est un homme irréprochable dans ses pratiques, qu’il énumère en toute bonne conscience » (Chapitre 1, page 23). Le pharisien, et tous ceux qui lui ressemblent, « vivent dans la tour d’ivoire de leur suffisance et de leurs supposées vertus, en haut de l’échelle, jugeant les pécheurs en bas. Ils veulent se sauver eux-mêmes et par leur perfection » (Chapitre 1, page 23-24). Le Père Daigneault pointe ici un aspect important de la psychologie du pharisien : « On peut sentir que, pour le pharisien, l’opinion des autres, ce qu’on pense de lui, a beaucoup d’importance (…). Le pharisien se préoccupe beaucoup de son image (…). Le but de la vie du pharisien, c’est de devenir si parfait et d’observer tellement la Loi à la lettre que Dieu le fera entrer dans son Royaume à cause de toutes ses œuvres. C’est pourquoi lorsqu’il commet une faute, il faut qu’il la nie, qu’il la refoule, parce que, pour lui, toute faute est fatale. Toute sa supposée vertu et son image s’écrouleraient si sa façade se crevassait (…). Si le pharisien éprouve le besoin de montrer les autres du doigt et de rationaliser ses erreurs et ses péchés, c’est qu’il se sent, au fond, inférieur, inquiet et angoissé (…). Je dirais que la blessure du pharisien, c’est qu’il cherche la grandeur et le pouvoir pour compenser son manque de confiance en Dieu et son insécurité qui lui font toujours rechercher les premières places auprès des gens influents et du pouvoir » (Chapitre 1, pages 27 à 29).

« Le publicain, lui,
dit Jésus, se tenait à distance et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel ; mais il se frappait la poitrine en disant : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ». Contraste saisissant entre l’attitude hautaine du pharisien et celle du publicain. Celui-ci n’a rien à faire valoir devant Dieu. Il ne se dit pas en lui-même : « bon, c’est vrai, j’ai commis des péchés, mais rien de grave au fond. Et j’ai quand même fait aussi des choses bien. Au final, la balance s’équilibre. Ma vie est donc plutôt réussie ». Cela encore est du pharisaïsme. Non, cet homme là, il s’effondre. Il n’ose même pas, nous dit l’Evangéliste, lever les yeux vers le ciel. Il est abattu, anéanti, broyé. Son âme est en proie à la plus vive douleur, peut-être même verse-t-il de nombreuses larmes (bienheureuses larmes que celles-ci…). Et il ne trouve rien à redire que : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ». « Mon Dieu »… expression affectueuse qui trahit un amour dont le publicain n’a peut-être même pas conscience, mais que son péché n’a pas réussi à détruire. Dieu, le Seigneur de l’Univers, le Créateur des Cieux, le Trois fois Saint, l’Au-delà de Tout, reste pour le publicain « son » Dieu ; expression qui renvoie à l’Alliance que Dieu a fait avec son peuple : « Vous, vous serez mon peuple, et moi je serai votre Dieu » (cf. par ex. Ezéchiel 36. 28). « Prends pitié… » : c’est le cri de désespoir (ou plutôt : d’espérance !) de celui qui n’a personne d’autre vers qui se tourner que Dieu lui-même. « … du pécheur que je suis » : reconnaissance par le publicain de la vérité de sa vie, à la lumière de la Parole de Dieu, et de ses commandements.

C’est alors que du fond de l’abîme va pouvoir rejaillir dans le cœur du publicain les sources d’eaux vives, sanctifiantes et purifiantes, de la vie divine : « Quand ce dernier rentra chez lui, conclut en effet Jésus, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre ». Quelle révélation ! Quel enseignement percutant du Seigneur ! Quel renversement !

« Celui qui confesse ses péchés agit déjà avec Dieu,
affirmait Saint Augustin. Dieu accuse tes péchés ; si tu les accuses toi aussi, tu te joins à Dieu. L’homme et le pécheur sont pour ainsi dire deux réalités : quand tu entends parler de l’homme, c’est Dieu qui l’a fait ; quand tu entends parler du pécheur, c’est l’homme lui-même qui l’a fait. Détruis ce que tu as fais pour que Dieu sauve ce qu’il a fait... Quand tu commences à détester ce que tu as fait, c’est alors que tes œuvres bonnes commencent parce que tu accuses tes œuvres mauvaises. Le commencement des œuvres bonnes, c’est la confession des œuvres mauvaises. Tu fais la vérité et tu viens à la Lumière. » (S. Augustin, ev. Jo. 12, 13) Telle est l’attitude pénitentielle qui permet à la grâce divine d’accomplir son œuvre et de nous sauver entièrement : « La Pénitence oblige le pécheur à accepter volontiers tous ses éléments : dans son cœur, la contrition ; dans sa bouche, la confession ; dans son comportement, une totale humilité ou une fructueuse satisfaction » (Catech. R. 2, 5, 21 ; cf. Cc. Trente : DS 1673).

« Les pharisiens voient en Dieu le juge impartial des œuvres humaines, le salut est donc pour eux le salaire et la juste récompense des mérites de chacun. Jésus nous montre le vrai visage de Dieu, l’Auteur de tout bien et de toute grâce : le salut est à ses yeux le don gratuit offert à tous, et surtout aux pauvres, et accordé à quiconque s’ouvre et le reçoit comme un enfant »
(Chapitre 1, page 24). La parabole du pharisien et du publicain est d’ailleurs immédiatement suivie dans l’Evangile de Luc de l’épisode des disciples écartant les nourrissons que l’on présentait à Jésus, qui saisira cette occasion pour leur enseigner que « celui qui n’accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas » (Lc 18. 17).

Le plus grand obstacle la sainteté, ce n’est donc pas notre misère morale, qui offre à Dieu l’occasion d’être pour nous ce qu’il est : notre Créateur (ou re-Créateur) et Rédempteur (ou Sauveur). Non, c’est bien plutôt l’orgueil – non dénoncé comme tel – qui conduit certains (et nous sommes tous concernés ! le pharisien et le publicain se combattent en nous-mêmes) à refuser de reconnaître la moindre trace de faiblesse en eux. « La vie de ces personnes peut sembler extérieurement très généreuse, car elles travaillent beaucoup et font de grands efforts ; mais elles sont toujours un peu raides, il y a en elles quelque chose de forcé, elles manquent de souplesse et de compassion. Si elles ne descendent pas, elles se trouveront un jour au bord de l’endurcissement et de l’aveuglement spirituel. Il faut accepter d’être exposés, même aux yeux des autres, comme des êtres faibles et blessés, et en même temps livrés à la miséricorde de Dieu. Il faut descendre et non monter » (Chapitre 1, page 30).

Telle est d’ailleurs la finale de la parabole du pharisien et du publicain, la fine pointe de l’enseignement de Jésus : « Quiconque s’élève sera abaissé ; quiconque s’abaisse sera élevé » (Lc 18.14).


Ø
Pour approfondir le sujet, relire "Tout pécheur est un saint en puissance" ; écouter aussi "Dieu mendiant de nos misères" (que je recommande tout spécialement à ceux qui ont besoin de consolation dans le combat spirituel), et "Dieu puissant en miséricorde" du Frère Remi Schappacher.

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Publié par Matthieu BOUCART -
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