Extrait de l’Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis du Pape Benoît XVI, donnée à Rome en la fête de la Chaire de Saint Pierre Apôtre, le 22 février 2007.
À travers le Sacrement de l'Eucharistie, Jésus fait entrer les fidèles dans son « heure » ; il nous montre ainsi le lien qu'il a voulu entre lui et nous, entre sa personne et l'Église.
En effet, le Christ lui-même, dans le Sacrifice de la croix, a engendré l'Église comme son épouse et son corps. Les Pères de l'Église ont médité longuement sur la relation entre l'origine d'Ève, issue du côté d'Adam endormi (cf. Gn 2, 21-23), et celle de la nouvelle Ève, l'Église, née du côté du Christ, immergé dans le sommeil de la mort : de son côté transpercé, raconte Jean, il sortit du sang et de l'eau (cf. Jn 19, 34), symbole des sacrements. Un regard contemplatif vers « celui qu'ils ont transpercé » (Jn 19, 37) nous conduit à considérer le lien causal qui existe entre le sacrifice du Christ, l'Eucharistie et l'Église. L'Église, en effet, « vit de l'Eucharistie ». Puisqu'en elle se rend présent le sacrifice rédempteur du Christ, on doit avant tout reconnaître qu'aux origines mêmes de l'Église, il y a une influence causale de l'Eucharistie.
L'Eucharistie est le Christ qui se donne à nous, en nous édifiant continuellement comme son corps. Par conséquent, dans la relation circulaire suggestive entre l'Eucharistie qui édifie l'Église et l'Église elle-même qui fait l'Eucharistie, la causalité première est celle qui est exprimée dans la première formule : l'Église peut célébrer et adorer le mystère du Christ présent dans l'Eucharistie justement parce que le Christ lui-même s'est donné en premier à elle dans le Sacrifice de la croix. La possibilité, pour l'Église, de « faire » l'Eucharistie est complètement enracinée dans l'offrande que le Christ lui a faite de lui-même. Nous découvrons ici aussi un aspect convaincant de la formule de saint Jean : « Il nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Ainsi, dans chaque célébration, nous confessons nous aussi le primat du don du Christ. L'influence causale de l'Eucharistie à l'origine de l'Église révèle en définitive l'antériorité non seulement chronologique mais également ontologique du fait qu'il nous a aimés « le premier ». Il est pour l'éternité celui qui nous aime le premier.
L'Eucharistie est donc constitutive de l'être et de l'agir de l'Église. C'est pourquoi l'Antiquité chrétienne désignait par la même expression, Corpus Christi, le corps né de la Vierge Marie, le Corps eucharistique et le Corps ecclésial du Christ. Cette donnée bien présente dans la tradition nous aide à faire grandir en nous la conscience du caractère inséparable du Christ et de l'Église. Le Seigneur Jésus, en s'offrant lui-même pour nous en sacrifice, a annoncé à l'avance dans ce don, de manière efficace, le mystère de l'Église. Il est significatif que la deuxième prière eucharistique, en invoquant le Paraclet, formule en ces termes la prière pour l'unité de l'Église : « Qu'en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l'Esprit Saint en un seul corps ». Ce passage fait bien comprendre comment la res du Sacrement de l'Eucharistie est l'unité des fidèles dans la communion ecclésiale. L'Eucharistie se montre ainsi à la racine de l'Église comme mystère de communion.
Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, dans son Encyclique Ecclesia de Eucharistia, avait déjà attiré l'attention sur la relation entre Eucharistie et communio. Il a parlé du mémorial du Christ comme de « la plus haute manifestation sacramentelle de la communion dans l'Église ». L'unité de la communion ecclésiale se révèle concrètement dans les communautés chrétiennes et elle se renouvelle dans l'action eucharistique qui les unit et qui les différencie en Églises particulières, « in quibus et ex quibus una et unica Ecclesia catholica exsistit ». C'est justement la réalité de l'unique Eucharistie célébrée dans chaque diocèse autour de l'Évêque qui nous fait comprendre comment les Églises particulières elles-mêmes subsistent in et ex Ecclesia. En effet, l'unicité et l'indivisibilité du Corps eucharistique du Seigneur impliquent l'unicité de son Corps mystique, qui est l'Église une et indivisible. C'est à partir de son centre eucharistique que se réalise l'ouverture nécessaire de toute communauté qui célèbre, de toute Église particulière : en se laissant attirer par les bras ouverts du Seigneur, on s'insère dans son Corps, unique et sans division. C'est pourquoi, dans la célébration de l'Eucharistie, tout fidèle se trouve dans son Église, c'est-à-dire dans l'Église du Christ. Dans cette perspective eucharistique, comprise de manière appropriée, la communion ecclésiale se révèle être, par nature, une réalité catholique.
Souligner cette racine eucharistique de la communion ecclésiale peut aussi contribuer efficacement au dialogue œcuménique avec les Églises et avec les Communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec le Siège de Pierre. En effet, l'Eucharistie établit de manière objective un lien d'unité fort entre l'Église catholique et les Églises orthodoxes, qui ont conservé la nature authentique et entière du mystère de l'Eucharistie. Dans le même temps, le relief donné au caractère ecclésial de l'Eucharistie peut aussi devenir un élément privilégié du dialogue avec les Communautés issues de la Réforme.
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