
Extrait de l’homélie du Pape Benoît XVI prononcée sur l’Esplanade de l'"Islinger Feld" à Ratisbonne, le 12 septembre 2006. La Conférence du même jour à l’université de Ratisbonne a malheureusement occulté le texte de cette extraordinaire homélie. Je vous invite à la méditer sans modération !
Nous croyons en Dieu. Telle est notre décision de fond. Mais à présent se pose à nouveau la question : cela est-il possible aujourd'hui encore ? Est-ce une chose raisonnable ? Depuis le siècle des Lumières, au moins une partie de la science s'applique à chercher une explication du monde dans laquelle Dieu devient superflu. Et il devrait ainsi devenir inutile également pour notre vie. Mais à chaque fois qu'il pouvait sembler que l'on y était presque parvenu, il apparaissait toujours à nouveau avec évidence que : non, le compte n'y est pas! Sans Dieu, les comptes sur l'homme ne sont pas justes, de même que les comptes sur le monde, sur tout l'univers ne sont pas justes. En fin de compte, il reste une alternative : qu'existe-t-il à l'origine ? La Raison créatrice, l'esprit créateur qui opère tout et suscite le développement, ou l'Irrationalité qui, privée de toute raison, produit étrangement un univers ordonné de façon mathématique et également l'homme, sa raison. Mais cela ne serait alors qu'un résultat fortuit de l'évolution et donc, au fond, également une chose irrationnelle.
Nous, chrétiens, disons : "Je crois en Dieu le Père, Créateur du ciel et de la terre" - Je crois dans l'Esprit Créateur. Nous croyons qu'à l'origine, il y a le Verbe éternel, la Raison et non l'Irrationalité. Avec cette foi, nous n'avons pas besoin de nous cacher, nous ne devons pas avoir peur de nous trouver avec elle dans une impasse. Nous sommes heureux de pouvoir connaître Dieu! Et nous nous efforçons de rendre accessible également aux autres la raison de la foi, comme saint Pierre y a exhorté de façon explicite les chrétiens de son époque et avec eux, nous aussi dans sa Première Lettre (cf. 3, 15)!
Nous croyons en Dieu. C'est ce qu'affirment les parties principales du Credo et ce que souligne en particulier la première partie. Mais à présent surgit immédiatement la deuxième question : dans quel Dieu ? Eh bien, nous croyons précisément dans le Dieu qui est l'Esprit Créateur, la Raison créatrice, dont tout provient et dont nous provenons nous aussi. La seconde partie du Credo nous en dit davantage. Cette Raison créatrice est Bonté. Elle est Amour. Elle possède un visage. Dieu ne nous laisse pas avancer à tâtons. Il s'est révélé en tant qu'homme. Il est si grand qu'il peut se permettre de devenir tout petit. "Celui qui m'a vu a vu le Père" dit Jésus (Jn 14, 9). Dieu a revêtu un visage humain. Il nous aime au point de se laisser clouer sur la Croix pour nous, pour apporter les souffrances de l'homme jusqu'au coeur de Dieu. Aujourd'hui, alors que nous connaissons les pathologies et les maladies mortelles de la religion et de la raison, les destructions de l'image de Dieu à cause de la haine et du fanatisme, il est important de dire avec clarté dans quel Dieu nous croyons et de professer de façon convaincue ce visage humain de Dieu. Seul cela nous libère de la peur de Dieu – un sentiment dont, en définitive, naît l'athéisme moderne. Seul ce Dieu peut nous sauver de la peur du monde et de l'inquiétude face au vide de notre existence. Ce n'est qu'en regardant Jésus Christ que notre joie en Dieu atteint sa plénitude, devient joie rachetée (…).
La seconde partie du Credo se conclut par la perspective du Jugement dernier et la troisième par celle de la résurrection d'entre les morts. Jugement – est-ce que cela ne va pas nous inspirer à nouveau la peur? Mais, ne désirons-nous pas tous qu'un jour, justice soit faite pour tous les condamnés injustement, pour tous ceux qui ont souffert tout au long de leur vie et qui, après une vie pleine de douleur, ont été engloutis par la mort ? Ne voulons-nous pas que l'excès d'injustice et de souffrance que nous constatons dans l'histoire disparaisse à la fin ; que tous, en définitive, puissent devenir heureux et que tout prenne un sens ? Cette affirmation du droit, cet assemblage de tant de fragments d'histoire qui semblent privés de sens, de façon à tous les intégrer dans un tout, dans lequel dominent la vérité et l'amour : c'est ce que l'on entend par le concept de Jugement du monde. La foi ne veut pas nous faire peur ; mais elle veut nous appeler à la responsabilité! Nous ne devons pas gâcher notre vie, ni en abuser ; nous ne devons pas non plus la garder simplement pour nous ; face à l'injustice, nous ne pouvons pas demeurer indifférents, en devenant d'accord ou même complices. Nous devons trouver notre mission dans l'histoire et tenter d'y répondre. Non pas la peur, mais la responsabilité – responsabilité et préoccupation pour notre salut, et pour le salut du monde entier sont nécessaires. Chacun doit apporter sa propre contribution à cela. Mais lorsque responsabilité et préoccupation tendent à devenir peur, alors rappelons-nous des paroles de saint Jean : "Petits enfants, je vous écris ceci pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu'un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste" (1 Jn 2, 1). "Si notre coeur venait à nous condamner, [...] Dieu est plus grand que notre coeur et il connaît tout" (1 Jn 3, 20).
Lire le texte intégral de l'homélie du Pape Benoît XVI