Le 5 août 2006, le Pape Benoît XVI a accordé un long entretien à la télévision allemande, dont voici un extrait.
Journaliste : Saint Père, ma question a un lien d'une certaine manière avec la question précédente. Dans le monde entier, les croyants attendent de l'Église catholique des réponses aux problèmes globaux les plus urgents, comme le SIDA et la surpopulation. Pourquoi l'Église catholique insiste-t-elle tant sur la morale en la faisant passer avant les tentatives de solution concrète à ces problèmes cruciaux de l'humanité, par exemple sur le continent africain ?
Benoît XVI : C'est précisément le problème : insistons-nous vraiment tant que cela sur la morale ? Je dirais – mais j'en suis toujours plus convaincu après mes entretiens avec les évêques africains – que la question fondamentale, si nous voulons aller de l'avant en ce domaine, s'appelle : éducation, formation. Le progrès ne peut être un vrai progrès que s'il sert la personne humaine et si la personne humaine elle-même grandit : si ce n'est pas seulement son pouvoir technique qui grandit mais aussi sa capacité morale. Et je pense que le vrai problème de notre situation historique, c'est l'équilibre entre la croissance incroyablement rapide de notre pouvoir technique et notre capacité morale, qui ne s'est pas accrue de manière proportionnelle. Aussi la formation de la personne humaine est-elle le vrai remède, la clef de tout, dirais-je, et c'est là également le chemin que nous avons décidé de prendre.
Cette formation a, pour être bref, deux dimensions. Tout d'abord, bien sûr, nous devons apprendre : acquérir le savoir, la compétence, le know how, comme on dit. L'Europe, et l'Amérique, ces dernières décennies, ont beaucoup fait en ce sens, et c'est très important. Mais si l'on se limite uniquement à diffuser le know how, si l'on enseigne seulement la manière de construire et utiliser les machines, et le mode d'emploi des moyens de contraception, alors il ne faut pas s'étonner qu'à la fin on se retrouve avec les guerres et avec les épidémies de sida. Nous avons besoin de deux dimensions : il faut à la fois former les coeurs – si je peux m'exprimer ainsi – ce qui permet à la personne humaine d'acquérir des repères, et apprendre également à employer correctement la technique. Et c'est ce que nous cherchons à faire.
Dans toute l'Afrique et aussi dans de nombreux pays d'Asie, nous disposons d'un vaste réseau d'écoles à tous les niveaux, où avant tout on peut apprendre, acquérir une vraie connaissance, une compétence professionnelle, et ainsi parvenir à l'autonomie et à la liberté. Mais, dans ces écoles, précisément, nous ne cherchons pas seulement à communiquer le know how, mais à former des personnes humaines que nous voulons réconcilier, qui sachent que nous devons construire et non pas détruire, et qui aient les références nécessaires pour savoir vivre ensemble.
Dans une grande partie de l'Afrique, les relations entre musulmans et chrétiens sont exemplaires. Les évêques ont formé des comités communs avec les musulmans pour voir comment créer la paix dans des situations de conflit. Et ce réseau d'écoles, d'apprentissage et de formation humaine, qui est très important, est complété par un réseau d'hôpitaux et de centres d'assistance, qui atteint de façon capillaire même les villages les plus lointains. Et en de nombreux endroits, après toutes les destructions de la guerre, l'Église est restée le dernier pouvoir intact – non pas pouvoir, mais réalité ! Une réalité où l'on soigne, où l'on soigne aussi le SIDA et où, d'autre part, on propose une éducation qui aide à établir de justes rapports avec les autres.
Aussi je crois qu'il faudrait corriger l'image selon laquelle nous ne semons autour de nous que de rigides « non ». En Afrique précisément, on travaille beaucoup pour que les diverses dimensions de la formation puissent être intégrées et qu'ainsi il devienne possible d'éliminer la violence ainsi que des épidémies, parmi lesquelles il faut également compter la malaria et la tuberculose.
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