Une conception fausse de l'Eglise doit être écartée, c'est celle selon laquelle l'Eglise se ferait à partir de petits groupes qui se découvriraient des traits communs qui les rapprocheraient. S'il est vrai que l'Eglise existe toujours localement, elle n'est réelle, elle n'est véritablement le Corps du Christ que là où ceux qui croient dans le Christ s'assemblent autour d'un ministre véritablement porteur de la succession apostolique, c'est-à-dire un évêque ou le coopérateur d'un évêque comme le sont les prêtres. L'Eglise se constitue par la célébration de l'Eucharistie, où l'on commence par se renouveler dans la foi en la Parole de Dieu et où l'on communie ensuite au sacrifice du Sauveur devenu réellement présent. Ainsi se forme l'Eglise locale qui rassemble un certain nombre d'hommes déterminés, mais où sont présents aussi invisiblement les saints de tous les temps et les fidèles de tous les lieux, et c'est dans la conscience de cette communion que ce rassemblement devient Eglise. Sans ce rattachement à la tradition vivante et à la communion actuelle de tous les fidèles, la communauté locale n'est rien car elle a perdue son lien au Christ par les voies que le Christ lui-même a voulues et sans lesquelles il n'y a pas d'Eglise.
Louis Bouyer, « Le métier de théologien », Editions France-Empire, 1979.