23 octobre 2011 7 23 /10 /octobre /2011 11:48

Extrait de l’exhortation apostolique post-synodale sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Eglise, donnée par Benoît XVI le 30 septembre 2010, en la 6e année de son pontificat.

 

44. L’attention que nous avons voulu donner jusqu’à présent au thème de l’herméneutique biblique sous ses différents aspects nous permet d’aborder celui, apparu plusieurs fois au cours du débat synodal, de l’interprétation fondamentaliste de la Sainte Écriture. Sur ce thème, la Commission biblique pontificale, dans le document sur L’interprétation de la Bible dans l’Église, a formulé des indications importantes. Dans ce contexte, je voudrais attirer l’attention surtout sur ces lectures qui ne respectent pas la nature authentique du texte sacré, favorisant des interprétations subjectives et arbitraires. En effet, le « littéralisme » mis en avant par la lecture fondamentaliste représente en réalité une trahison aussi bien du sens littéral que du sens spirituel, ouvrant la voie à des instrumentalisations de diverses natures, répandant par exemple des interprétations anti-ecclésiales des Écritures elles-mêmes. L’aspect problématique de la « lecture fondamentaliste est que, en refusant de tenir compte du caractère historique de la Révélation biblique, on se rend incapable d’accepter pleinement la vérité de l’Incarnation elle-même. Le fondamentalisme fuit l’étroite relation du divin et de l’humain dans les rapports avec Dieu (…) Pour cette raison, il tend à traiter le texte biblique comme s’il avait été dicté mot à mot par l’Esprit et n’arrive pas à reconnaître que la Parole de Dieu a été formulée dans un langage et une phraséologie conditionnés par telle ou telle époque ». Au contraire, le Christianisme perçoitdans les paroles la Parole, le Logos lui-même, qui fait rayonner son Mystère à travers cette multiplicité et la réalité d’une Histoire humaine. La véritable réponse à une lecture fondamentaliste est la lecture croyante de l’Écriture Sainte, pratiquée depuis l’Antiquité dans la Tradition de l’Église. Celle-ci cherche la vérité qui sauve pour la vie de chaque fidèle et pour l’Église. Cette lecture reconnaît la valeur historique de la Tradition biblique. C’est précisément à cause de cette valeur de témoignage historique que celle-ci veut redécouvrir la signification vivante des Écritures Saintes destinées aussi à la vie du croyant d’aujourd’hui, sans ignorer, donc, la médiation humaine du texte inspiré et ses genres littéraires […].

 

46. Dans la conscience que l’Église a d’être fondée sur le Christ, le Verbe de Dieu fait chair, le Synode a voulu souligner le caractère central des études bibliques dans le dialogue œcuménique en vue de la pleine expression de l’unité de tous les croyants dans le Christ. Dans l’Écriture elle-même, en effet, nous trouvons la prière vibrante de Jésus au Père pour que ses disciples soient un afin que le monde croie (cf. Jn 17, 21). Tout cela nous renforce dans la conviction qu’écouter et méditer ensemble les Écritures nous fait vivre une communion réelle même si elle n’est pas encore pleine ; l’écoute commune des Écritures nous pousse ainsi au dialogue de la charité et fait grandir celui de la vérité. En effet, écouter ensemble la Parole de Dieu, pratiquer laLectio divina de la Bible, se laisser surprendre par la nouveauté, qui jamais ne vieillit ou ne s’épuise, de la Parole de Dieu, dépasser notre surdité sur ces paroles qui ne s’accordent pas avec nos opinions et nos préjugés, écouter et étudier dans la communion avec les croyants de tous les temps : tout cela constitue un chemin à parcourir pour atteindre l’unité de la foi, en tant que réponse à l’écoute de la Parole. Les paroles du Concile Vatican II étaient véritablement éclairantes : « Les Écritures Saintes sont, dans le dialogue [œcuménique] lui-même, des instruments insignes entre les mains puissantes de Dieu pour obtenir cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes ». En conséquence, il est bon de développer l’étude, le débat et les célébrations œcuméniques de la Parole de Dieu, dans le respect des règles en vigueur et des diverses traditions. Ces célébrations profitent à la cause de l’œcuménisme et, quand elles sont vécues dans leur sens véritable, elles constituent des moments intenses d’une authentique prière pour demander à Dieu de hâter le jour désiré où nous pourrons tous nous approcher de la même table et boire à l’unique calice. Cependant, dans la juste et louable promotion de ces moments, il faut faire en sorte qu’ils ne soient pas proposés aux fidèles en remplacement de la sainte Messe prévue les jours d’obligation.

 

Dans ce travail d’étude et de prière, nous reconnaissons avec sérénité également les aspects qui demandent à êtres approfondis et sur lesquels nous sommes encore éloignés, comme par exemple la compréhension du sujet qui, dans l’Église, fait autorité pour l’interprétation et le rôle décisif du Magistère.

 

Je voudrais souligner, par ailleurs, ce qu’ont dit les Pères synodaux au sujet de l’importance, dans ce labeur œcuménique, des traductions de la Bible dans les différentes langues. Nous savons en effet que traduire un texte n’est pas une tâche purement mécanique mais fait partie en un certain sens du travail d’interprétation. À ce sujet, le vénérable Jean-Paul II a affirmé : « Ceux qui se rappellent quelle influence les débats autour de l’Écriture ont eue sur les divisions, surtout en Occident, peuvent comprendre l’avancée notable que représentent ces traductions communes ». En ce sens, la promotion des traductions communes de la Bible participe à l’effort œcuménique. Je désire remercier ici tous ceux qui portent cette grande responsabilité et les encourager à poursuivre leur tâche.

 

47. Une autre conséquence qui dérive d’une herméneutique correcte de la foi concerne la nécessité d’en montrer les implications pour la formation exégétique et théologique, en particulier des candidats au sacerdoce. On doit faire en sorte que l’étude de la Sainte Écriture soit véritablement l’âme de la théologie dans la mesure où l’on reconnaît en elle la Parole de Dieu, qui s’adresse aujourd’hui au monde, à l’Église et à chacun personnellement. Il est important que les critères indiqués par le numéro 12 de la Constitution dogmatique Dei Verbum soient effectivement pris en considération et fassent l’objet d’un approfondissement. Qu’on évite de cultiver un concept de recherche scientifique, que l’on voudrait neutre face à l’Écriture. C’est pourquoi, en même temps que l’étude des langues dans lesquelles la Bible a été écrite et des méthodes d’interprétation qui conviennent, il est nécessaire que les étudiants aient une profonde vie spirituelle, de façon à saisir qu’on ne peut comprendre l’Écriture que si on la vit.

 

Dans cette perspective, je recommande que l’étude de la Parole de Dieu, transmise et écrite, ait lieu dans un esprit profondément ecclésial. Dans ce but, qu’on tienne justement compte, dans la formation académique, des interventions du Magistère sur cette thématique, lequel « n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, pour autant que, par mandat divin et avec l’assistance du Saint-Esprit, il écoute cette Parole pieusement, la garde saintement et l’expose fidèlement » (Dei Verbum, n° 10). Il convient donc de veiller à ce que les études se déroulent dans la conviction que « selon le très sage dessein de Dieu, la sainte Tradition, la Sainte Écriture et le Magistère de l’Église sont reliés et associés entre eux de telle façon qu’aucun d’entre eux ne subsiste sans les autres ». Je souhaite donc que, selon l’enseignement duConcile Vatican II, l’étude de l’Écriture Sainte, lue dans la communion de l’Église universelle, soit réellement comme l’âme des études théologiques.

 

48. L’interprétation de la Sainte Écriture demeurerait incomplète si on ne se mettait pas à l’écoute de qui a véritablement vécu la Parole de Dieu, c’est-à-dire les saints. De fait, « viva lectio est vita bonorum » (St Grégoire le Grand). En effet, l’interprétation la plus profonde de l’Écriture vient proprement de ceux qui se sont laissés modeler par la Parole de Dieu, à travers l’écoute, la lecture et la méditation assidue.

 

Ce n’est certainement pas un hasard si les grandes spiritualités qui ont marqué l’Histoire de l’Église sont issues d’une référence explicite à l’Écriture. Je pense par exemple à Saint Antoine abbé, mu par l’écoute des paroles du Christ : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi » (Mt 19, 21). Le cas de Saint Basile le Grand n’est pas moins suggestif, lui qui, dans l’opera Moralia s’interroge : « Qu’est-ce qui est le propre de la foi? C’est la pleine et indubitable certitude de la vérité des paroles inspirées par Dieu […] Qu’est-ce qui est le propre du fidèle? De se conformer avec cette totale certitude à ce qu’expriment les paroles de l’Écriture, et ne pas oser en retrancher ou en ajouter une seule ». Saint Benoît, dans sa Règle, renvoie à l’Écriture en tant que « norme parfaitement droite pour la vie humaine » Saint François d’Assise – écrit Tommaso de Celano – « n’entendant que les disciples du Christ ne devaient posséder ni or, ni argent, ni monnaie, ni prendre de besace, ni pain, ni bâton pour la route, ni avoir de sandales, ni deux tuniques … aussitôt, exultant dans l’Esprit Saint, s’exclama : ‘cela je le veux, cela je le demande, cela je désire le faire de tout mon cœur!’». Sainte Claire d’Assise reprend pleinement à son compte l’expérience de Saint François : « La forme de vie de l’Ordre des Sœurs pauvres (…) est celle-ci : observer le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ ». Saint Dominique de Guzman aussi, partout, se présentait comme un homme évangélique, dans ses paroles comme dans ses œuvres et il voulait que tels soient ses frères prédicateurs : des hommes évangéliques. Sainte Thérèse de Jésus, carmélite, qui dans ses écrits recourt continuellement à des images bibliques pour expliquer son expérience mystique, rappelle que Jésus lui-même lui révèle que « tout le mal du monde provient de l’absence de connaissance claire des vérités de l’Écriture Sainte ». Sainte Thérèse-de-l’Enfant-Jésus découvre l’Amour comme sa vocation personnelle en scrutant les Écritures, en particulier les chapitres 12 et 13 de la première Lettre aux Corinthiens ; c’est la même sainte qui décrit la fascination qu’exercent les Écritures : « Je n’ai qu’à jeter les yeux dans le saint Évangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir ». Chaque saint représente comme un rayon de lumière qui jaillit de la Parole de Dieu : de même nous pensons à Saint Ignace de Loyola dans sa recherche de la vérité et dans le discernement spirituel ; à Saint Jean Bosco dans sa passion pour l’éducation des jeunes ; à Saint Jean-Marie Vianney dans sa conscience de la grandeur du sacerdoce comme don et devoir ; à Saint Pio de Pietrelcina en tant qu’instrument de la miséricorde divine ; à Saint Josemaría Escrivá dans sa prédication sur l’appel universel à la sainteté ; à la bienheureuse Teresa de Calcutta, missionnaire de la charité de Dieu pour les plus délaissés, et jusqu’aux martyrs du nazisme et du communisme, représentés, d’une part, par Sainte Bénédicte de la Croix (Édith Stein), moniale carmélite, et, d’autre part, par le bienheureux Aloys Stepinac, Cardinal Archevêque de Zagreb.

 

49. La sainteté dans son rapport à la Parole de Dieu s’inscrit ainsi d’une certaine façon dans la tradition prophétique, où la Parole de Dieu prend à son service la vie même du prophète. En ce sens, la sainteté dans l’Église constitue une herméneutique de l’Écriture dont personne ne peut faire abstraction. L’Esprit Saint qui a inspiré les auteurs sacrés est le même qui conduit les saints à donner leur vie pour l’Évangile. Se mettre à leur école représente un chemin sûr pour entreprendre une interprétation vivante et efficace de la Parole de Dieu.

 

De ce lien entre Parole de Dieu et sainteté, nous avons eu un témoignage direct pendant la XIIeAssemblée du Synode, lorsque le12 octobre, sur la place saint Pierre, s’est déroulée la canonisation de quatre nouveaux saints : le prêtre Gaetano Errico, fondateur de la Congrégation des Missionnaires des Sacrés Cœurs de Jésus et Marie ; Mère Maria Bernarda Bütler, née en Suisse et missionnaire en Équateur et en Colombie ; Sœur Alphonsine de l’Immaculée Conception, première sainte canonisée née en Inde ; la jeune laïque équatorienne Narcisa de Jésus Martillo Morán. Par leur vie, ils ont rendu témoignage pour le monde et pour l’Église à la fécondité éternelle de l’Évangile du Christ. Demandons au Seigneur que, par l’intercession de ces saints, canonisés précisément au cours de l’Assemblée synodale sur la Parole de Dieu, notre vie soit cette « bonne terre » sur laquelle le divin Semeur puisse semer la Parole afin qu’elle porte en nous des fruits de sainteté, « trente, soixante, cent pour un » (Mc 4, 20).

 

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Publié par Matthieu BOUCART -
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