Le débat sur les rapports interreligieux en France est curieux. D’un côté, on voudrait bien qu’il y eût la paix ; de l’autre est-on si sûr d’employer les bons moyens pour la faire ?
Par parenthèse, je note que le discours n’est pas le même hors de France. Hors de France, il y a le discours, disons, européen, d’essence assez libérale. Chez nous, surtout chez les chrétiens, nous tenons un certain discours sur les pays à majorité musulmane dans lesquels les citoyens chrétiens sont plus ou moins persécutés. D’un côté, nous globalisons en disant que les chrétiens en Orient sont persécutés et en oubliant que ce n’est pas obligatoire et qu’il y a une culture du vivre ensemble ; de l’autre qu’il est intolérable que l’islam s’étende chez nous avec ses mœurs.
Le discours, que nos politiques tiennent sur la burqa et autre voile, est pour le moins déconnecté et surtout n’arrive pas à clarifier l’opinion et à la convaincre. Je ne sais pas si l’on se rend compte des contradictions dudit discours quand il est proclamé que la liberté de conscience ne peut s’exercer que dans le respect de la laïcité. Il existe même une logomachie surréaliste où sont évoquées, pêle-mêle, les valeurs de la république, la violence faite aux femmes, la lutte contre toute forme d’intégrisme et la promotion d’une société ouverte et tolérante. Est-ce que la laïcité ne deviendrait pas persécutrice ?
Je tiens là des propos scandaleux qui ne se conforment pas à la pensée unique. Mais, de grâce, réfléchissez un peu. Le musulman qui vit chez moi est mon frère. Lui aussi a le sens de la fraternité, non pas seulement au sens de la devise républicaine mais aussi pour des raisons religieuses. Lui dire, par exemple, qu’on vient à lui avec un esprit laïc et affranchi de toute mentalité religieuse, rompt automatiquement la fraternité. Un oriental ne peut pas être athée ; s’affirmer tel le désoriente tout à fait, c’est le cas de le dire. Et replace de débat et l’incompréhension au plan religieux.
Il existe une crainte de l’islam et des musulmans et on projette les incidents qui se produisent là-bas chez nous. Sont-ils de même nature ?
Qu’il soit clair, on a raison de chercher une solution au nom des libertés publiques dont fait partie la liberté religieuse en vue de faire la paix sociale. La persécution des chrétiens n’est pas seulement une atteinte aux libertés mais un attentat contre la dignité de la personne humaine et une offense faite à Dieu. Allons-nous répondre à la persécution des chrétiens là-bas, qui jusqu’à une époque récente laissait indifférente l’opinion, en employant les mêmes moyens contre les croyants de l’islam ? Ne serait-ce pas réflexe identitaire ? Il n’empêche qu’il faut aussi songer aux moyens à prendre pour éviter que les communautés musulmanes ne sombrent dans le fondamentalisme. Qu’au moins, les mesures susceptibles d’être prises en France n’aggravent les rapports interreligieux en Orient.
Mgr Philippe Brizard
Directeur Général de l'Oeuvre d'Orient