11 octobre 2009 7 11 /10 /octobre /2009 12:01

J’ai publié, il y a quelques mois de cela, un questionnaire qui se voulait un test pour déterminer l’authenticité de notre foi catholique.

Nous savons que beaucoup, à l’occasion de sondages d’opinion, se présentent comme « catholiques ». Certains à bon droit (heureusement…). D’autres, simplement parce qu’ils ont été baptisés dans leur petite enfance et qu’ils demeurent vaguement croyants, même s’ils ne vont pas à la messe tous les dimanches.

Nous savons aussi que nombre de ceux qui se déclarent catholiques sont extrêmement critiques à l’égard de l’Eglise du même nom, que ce soit sur ses positions jugées rétrogrades ou intolérantes, ou sur son Pape, considéré comme réactionnaire et dépassé.

Au point que la question : « suis-je catholique ? » doit certainement être reposée par nombre de ceux qui se considèrent comme tel.

Le principal mérite du petit questionnaire de Cyril Brun, qui relevait 50 points fondamentaux et déterminants de l’identité catholique, était de nous re-situer en face de cette question de notre adhésion à la foi catholique.

L’une de nos lectrices cependant, Nathalie, s’interrogeait sur la pertinence d’une telle démarche. « Qui a élaboré ce questionnaire, demandait-elle, et quelle validité (crédit officiel, si je m'exprime bien, comme venant de l'Eglise elle-même) on peut lui accorder ? Ce que j'entendais, en posant cette question, c'est : est-ce que n'importe qui a le droit de décréter que je suis catholique ? Est-ce que moi-même, j'ai autorité pour affirmer, de manière crédible et indiscutable, que je suis catholique ? Si tout le monde est en droit et légitime pour dire, ceci est catholique, cela ne l'est pas, donc je peux dire que JE suis catholique, mais si mon voisin vient affirmer le contraire, que se passera-t-il ? Enfin, pourquoi inventer un questionnaire lorsque nous avons le Credo ? » (commentaire n°21)

Elle réitérait plus loin sa question :
« Qui est légitime pour dire qui est catholique et qui ne l'est pas. Moi ? la voisine ? Miky ou Jonas ? ou l'auteur de ce blog ? Ce questionnaire est bien intéressant, amusant aussi, sans doute juste, mais d'où tire-t-il sa légitimité ? » (commentaire n°25)

Je demande pardon à Nathalie de n’avoir pas réagit plus tôt à sa légitime interrogation, mais celle-ci est restée dans mon cœur, et je voudrais aujourd’hui tenter d’y répondre.

Qu’est-ce qu’un catholique ? La question peut être posée aujourd’hui comme elle le fut naguère dans le monde anglo-saxon pour un autre terme, celui de « gentleman » (exemple évoqué par CS Lewis dans son ouvrage sur « Les fondements du christianisme »). Le mot « gentleman » désignait autrefois un homme qui possédait des armoiries et des biens fonciers. Ce n’était donc pas là un compliment, une qualité d’être, mais un fait objectif. Et dire de quelqu’un qu’il n’était pas un « gentleman » n’avait rien d’infâmant pour la personne ; il s’agissait simplement d’apporter une précision concernant l’état de son patrimoine. Affirmer que Untel était un grossier personnage et en même temps un gentleman n’avait donc rien de contradictoire, pas plus qu’il ne l’est d’affirmer qu’Untel est un grossier personnage et en même temps diplômé en droit ou en philosophie.

Le mot gentleman a connu cependant une mutation. Des gens ont commencé à considérer que « ce ne sont pas par les possessions matérielles que l’on définit un vrai gentleman, mais par sa conduite ». Et à partir de là, on commencé à dire qu’Untel était « gentleman » en raison de sa courtoisie et de sa gentillesse, tandis qu’Untel autre ne l’était pas en raison de sa morgue et de son manque de savoir-vivre.

Chacun s’accorde à penser qu’être honorable dans sa conduite vaut mieux que d’arborer des armoiries. Mais au-delà du jugement moral que l’on peut porter sur les personnes, le sens du mot « gentleman » s’en trouvait considérablement modifié ; il ne désignait plus la même réalité que celle qu’il visait originellement. L’emploi du terme en cette nouvelle acception était devenu un moyen de rendre hommage à la personne, à ses qualités humaines et morales, non plus de désigner sa situation matérielle et patrimoniale. Dès lors, dénier à quelqu’un la qualification de « gentleman » revenait à porter sur lui un jugement négatif, et pouvait être pris par lui comme une offense, une injure.

Ce changement subreptice du sens de terme anglo-saxon « gentleman » n’est sans doute pas un drame dans l’absolu : mais il serait assurément très malheureux que le mot « catholique » ait à subir le même sort. Car tout comme l’expression « gentleman », l’expression « catholique » renvoie depuis l’origine à une réalité objective que tout un chacun peut apprécier – et non pas seulement l’Eglise elle-même, le terme « catholique » ne comportant en lui-même aucun sens moral sur la personne ainsi qualifiée – même si idéalement, cela le devrait peut-être.

Aujourd’hui, il arrive que l’on dise d’une personne qui se conduit humainement et avec générosité envers les autres qu’elle agit « chrétiennement » ou en vrai « catholique ». La personne en question pourrait ne pas être croyante ou pratiquante que cela ne changerait rien à l’affaire : parce qu’elle fait le bien et qu’elle aime son prochain, elle serait plus proche du Christ qu’un prétendu catholique qui passerait son temps à l’Eglise, à prier et à étudier la Bible, mais qui mépriserait ses frères et ne cesserait par exemple de médire à leur sujet. Untel, non croyant et non pratiquant, pourrait se considérer plus « chrétien » ou « catholique » qu’un habitué des assemblées dominicales ou un érudit sur les questions théologiques.

Alors qu’en est-il ? Qu’est-ce qu’un catholique ? Et qui a autorité pour dire de son frère qu’il est ou non catholique ?

Si l’on entend par catholique quelqu’un de bien, qui pour cette raison, serait habité par l’esprit d’amour et de compassion de Jésus-Christ, alors je suis d’accord avec Nathalie : il n’appartient à personne de juger si quelqu’un est ou non « catholique ». Dieu seul peut sonder les reins et les cœurs ; il ne nous appartient pas en tant qu’hommes de juger nos frères et de les « chasser » de la catégorie des « gens biens » en leur déniant la qualification de « catholique ». Ce serait leur faire offense que de leur dire qu’ils ne sont pas catholiques. Cela reviendrait à porter sur eux un jugement moral dévalorisant. Or, comme chacun sait, il n’est pas permis à un chrétien de juger son frère. « Ne jugez pas, dit Jésus, si vous ne voulez pas être jugés » (Mt 7. 1)

Mais l’emploi du mot catholique en ce sens constituerait une grave dénaturation du mot lui-même, le conduisant à désigner une réalité autre que celle qu’il visait originellement.

Depuis l’origine du christianisme en effet, le mot catholique désigne un fait objectif, que tout un chacun peut constater : l’appartenance visible à l’Eglise catholique. Tout simplement. Ce qui implique plusieurs choses concrètes et vérifiables.

Le catholique est tout d’abord un chrétien, c’est-à-dire un disciple de Jésus-Christ ; une personne qui adhère au Credo et à toutes les vérités de la foi qui y sont déclinées : la Sainte Trinité, l’Incarnation du Fils de Dieu dans le sein d’une Vierge, la mort et la résurrection de Jésus, etc.

Dire de quelqu’un qui ne croit pas en la résurrection (qui adhère par exemple à la théorie de la réincarnation) ou qui refuse de penser que Jésus ait pu naître d’une vierge, qu’il n’est pas catholique ni même chrétien, ne peut être considéré une insulte ou une offense : c’est là simplement la constatation d’un fait objectif. Car on ne peut se prétendre catholique si l’on ne croit pas dans les vérités de la foi chrétienne, si l’on est pas chrétien. Pour être catholique, il faut d’abord être chrétien. S’affirmer catholique quand on affirme que la croyance en la Trinité est une perversion polythéiste de l’idée de Dieu, voilà qui n’a pas beaucoup de sens ; bien plus : cela est faux, tout simplement.

Alors certes, comme le rappelle Cyril Brun dans son analyse des résultats du test : une difficulté de croire ne signifie pas un refus de croire. « Mille difficultés ne font pas un doute » disait le Cardinal Newman. Mais face à telle ou telle difficulté, quelle sera mon attitude ? L’ouverture d’esprit ? La recherche active ? OU BIEN le rejet pur et simple ? la dérision ou le mépris ? Dans le premier cas, je reste chrétien, même si j’ai du mal à croire en tel ou tel article du Credo ; dans le second, je ne le suis plus. Ce qui est mon droit. Encore me faut-il avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître en ce cas que je ne suis pas (ou plus) catholique.

Ce qui importe dans l’acte de foi, c’est l’orientation de ma volonté. Je crois lorsque je veux croire. Si je n’ai pas la volonté de croire en la divinité de Jésus, en sa naissance virginale, ou en sa prochaine venue dans la gloire, je ne suis pas (ou plus) catholique. Si j’ai le désir de croire en dépit des difficultés que je rencontre pour croire vraiment, je peux dire en vérité que j’appartiens à la famille catholique.

Mais… si tous les catholiques sont nécessairement chrétiens, tous les chrétiens ne sont pas catholiques. Pour être catholique, il ne suffit pas de croire en Jésus-Christ, ni dans l’Evangile, ni dans la vérité de l’amour – de cela, nos frères orthodoxes et protestants sont absolument convaincus. Il faut encore croire que le Pape et les évêques sont les successeurs légitimes dans l’ordre de la grâce de Saint Pierre et des premiers Apôtres ; que l’Eglise catholique actuelle, institutionnelle et organisée hiérarchiquement autour du Pape et des évêques, est le signe visible de l’Unique Eglise du Christ ; la successeur directe de l’Eglise fondée par le Seigneur, dont les Apôtres sont les pierres de fondation.

Je réponds donc à Nathalie : Non, le Credo ne suffit pas pour définir un catholique. Les orthodoxes et les protestants aussi le confessent. Pour être catholique, il ne suffit pas de proclamer la foi commune des chrétiens. Il faut encore l’entendre comme l’Eglise catholique l’entend ; affirmer par exemple le « Je crois en l’Eglise catholique » avec tout ce que cela implique de confiance et d’adhésion à la Tradition de l’Eglise et à son Magistère, d’obéissance filiale à ses pasteurs légitimes en communion avec le Pape.

Encore une fois : on peut avoir des difficultés de croire en l’Eglise catholique. Tel enseignement du Magistère peut nous poser problème, ou tel aspect de la Tradition (sur la Vierge Marie, ou le Purgatoire par exemple) constituer un obstacle. Mais face à ces troubles, je peux décider : OU BIEN d’approfondir ma foi, prier le Seigneur afin qu’il m’éclaire, étudier les points qui me posent question, interroger des prêtres ou des évêques ; OU BIEN de rejeter en bloc l’enseignement de la Tradition et du Magistère sur ces sujets qui me gênent en considérant qu’après tout, il ne s’agit là que de l’œuvre a posteriori d’hommes et non pas de Dieu. Dans le premier cas, même si je tâtonne et en viens à dire des sottises (nous sommes tous des hérétiques, disait le Père Molinié), je suis catholique ; dans le second cas, je cesse clairement de l’être. Ce qui importe fondamentalement, c’est l’orientation de ma volonté : est-ce que OUI ou NON, je veux être fidèle au Pape et à l’Eglise catholique ; est-ce que OUI ou NON j’accepte l’autorité de l’enseignement de l’Eglise comme venant du Christ lui-même – « qui vous écoute, m’écoute » (Lc 10. 16) – même si cet enseignement heurte dans un premier mouvement mes convictions profondes ? Si OUI, je suis catholique, nonobstant les difficultés rencontrées ; si NON, je ne le suis pas (ou plus).

Tu vois donc, chère Nathalie, qu’il est relativement aisé de déterminer si tel ou tel est catholique ou ne l’est pas. Il suffit pour cela de savoir si cette personne fait ou non partie de l’Eglise catholique ; si elle souhaite vivre ou non de ses préceptes et de son enseignement. Il s’agit là d’un fait objectif qui n’implique aucun jugement moral sur les personnes qui en font ou n’en font pas partie. Je ne suis pas catholique parce que je suis meilleur que les autres, mais parce que je crois de tout mon cœur en Jésus-Christ, mon Sauveur, et en l’Eglise catholique par laquelle il se donne au monde.

Si des catholiques se comportent de manière indigne de leur foi, il serait sans doute beaucoup plus juste de les considérer comme de « mauvais catholiques » plutôt que de dire qu’ils ne sont pas catholiques du tout. De même qu’il serait préférable de dire d’une personne généreuse qu’elle est… généreuse, plutôt que de dire qu’elle est catholique, lors même qu’elle ne l’est pas objectivement parlant.

Cela dit, si nous pouvons dire de quelqu’un qu’il est ou n’est pas catholique sans que cela n’implique un jugement moral sur la personne, nous ne sommes peut-être pas les mieux placés pour dire de tel ou tel qu’il est un « bon » ou un « mauvais » catholique… Comme dit Jésus en la messe de ce dimanche : « Personne n’est bon, sinon Dieu seul » (Mc 10. 18).

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

M

Jésus-Christ n'est pas la propriété exclusive de l'Eglise catholique, mais l'Eglise catholique est la propriété exclusive de Jésus-Christ.


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M

C'est un peu ce que disait le Pape Benoît XVI lors de la
prière de l'Angelus, dimanche dernier :

"Nous pouvons ainsi affirmer que Jésus Christ ne regarde pas seulement les chrétiens, ou seulement les croyants, mais tous les hommes, parce qu'il est le centre de la foi, et qu'il est
aussi le fondement de l'espérance. Et tout être humain a constamment besoin d'espérance."


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G

Je trouve cet article particulièrement bien fait et pertinent.
Personnellement, je ne suis ni catholique, ni chrétien. C'est-à-dire que je ne confesse pas le Credo.
Cela ne m'empêche pas d'être attaché à la personne de Jésus, et de tenir un blog ou je parle de lui et de la manière dont je le perçois.
Jésus n'appartient à aucune église ni a aucune religion. Il n'est pas assigné à résidence dans la chrétienté. Chacun est libre de trouver en lui sa nourriture.


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M

Très bien cet article. Je crois que je vais le faire lire à mon épouse qui se dit catholique mais qui est loin de croire dans les 50 points listés par le m'sieur Brun, et qui a le toupet - parfois
- de me dire que je suis chrétien et qu'on est une famille chrétienne, simplement parce que j'ai été baptisé, et bien que je n'ai de cesse d'affirmer mon désaccord avec le christianisme sur
plusieurs points, et pas des moindres !....


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R

Je signale juste que l'adhésion à l'Eglise figure aussi dans le credo :
Je croit à l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique...." (ce qui implique ( même si la forme est raccourcie - une adhésion au Magistère.
     )
RV



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N

Merci beaucoup Matthieu pour ce très bel article, très bien argumenté, très travaillé - chapeau bas - et d'un très grand intérêt ! Quelle magnifique argumentation et quel soin tu as pris pour la
construire et l'articuler !
En somme, s'il est permis de faire une somme- disons un genre de raccourci, après cela, pour être catholique, il faut être chétien - adhérer au Credo et au Christ - mais aussi à l'Eglise
catholique, sa Tradition et son Magistère.
Etre baptisé, si je suis ton raisonnement, si cela est un fait objectif, ne suffit donc pas pour faire d'une personne un catholique. Car l'adhésion de la personne concernée est nécessaire.
Ce qui, par exemple, me fais demander ceci : faut-il être théologien pour être catholique ? (je sais, je pousse le bouchon un peu loin et peut-être même que je dépasse les bornes de la mesure, mais
bon..) Car, pour adhérer au magistère et à la Tradition, il faut en connaître quelque chose, n'est-ce pas ? Du moins est-ce la logique de la démarche.
Autrement dit, est-ce que l'ignorance en matière religieuse peut remettre en question mon titre - ou ma qualité - de catholique ? Cela nonobstant les sacrements que j'ai pu recevoir - baptême, 1ère
communion, confirmation, mariage.

Enfin, je le trouve tellement bien cet article que je m'en vais le citer sur facebook- ça fera une discussion. Et avec les orthodoxes et les protestants de ma connaissance, il y a quelques chances
qu'elle soit croustillante, même avec certains catholiques d'ailleurs,  et puis je citerai cet article sur mon blog également, avec ta permission bien entendu.


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T

...ah... ça donne envie de se remettre à écrire des pages et des pages...  :-)
Bel exposé tout en délicate clarté.


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