Texte de la Newsletter n°2 (publiée le 29 janvier 2010) du Groupe Facebook consacré à l'oeuvre de Claude Tresmontant, l'un des plus grands métaphysiciens du siècle passé - qui a notamment magistralement réfuté l'athéisme.
Le point de départ de l’analyse philosophique pour Claude Tresmontant, c’est le réel objectif scientifiquement exploré ; c’est l’univers en son entier.
Il n’est pas possible de philosopher, selon Tresmontant, sans prendre en considération l’univers, sans s’intéresser un tant soit peu aux sciences de la nature. Car on ne peut raisonner correctement que si notre pensée est en accord avec le réel objectif. « On appelle pensée rationnelle une pensée qui est conforme à l’expérience, qui n’entre pas en contradiction avec l’expérience, c’est-à-dire avec la réalité objective » (Les Métaphysiques principales, F-X. de Guibert, p. 276).
Le philosophe doit donc constamment se tenir informé de l’évolution des connaissances – en tous domaines. Car c’est le réel objectif qui lui fournit l’information qu’il va traiter rationnellement dans son travail métaphysique ; c’est lui (le réel objectif) qui interroge ; c’est lui qui constitue la matière première de la réflexion philosophique.
Le reproche que Claude Tresmontant adresse à la philosophie moderne, c’est d’avoir oublié cette vérité essentielle que la raison doit s’enraciner dans la réalité objective pour pouvoir donner son fruit. « La philosophie moderne est dissociée des sciences physiques, chimiques, biologiques. Nombre de philosophes contemporains particulièrement illustres se sont totalement désintéressés de l’aventure de la physique moderne, de la biologie, de la biochimie. Ils font de la philosophie hors de leur siècle, comme s’ils vivaient au temps de Descartes ou de Malebranche » (Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu, Livre de Vie, p. 32).
C’est ce qui explique le mépris affiché par certains scientifiques à l’égard de tout ce qui concerne la philosophie. Tresmontant cite par exemple Claude Bernard : « Je considère que les philosophes proprement dits ne sont que des gymnasiarques intellectuels et que l’enseignement de la philosophie ne peut être qu’une gymnastique intellectuelle… La philosophie développe d’autant mieux l’esprit qu’elle est creuse (…). C’est une distraction utile pour l’esprit de causer philosophie après avoir travaillé. Comme c’est une distraction d’aller faire une promenade après être resté longtemps à travailler dans son laboratoire (…). La philosophie n’apprend rien et ne peut rien apprendre de nouveau par elle-même puisqu’elle n’expérimente et n’observe pas (…). La source unique de notre connaissance est l’expérience » (cité in Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu, Livre de Vie, p. 43).
Le divorce entre la science et la philosophie trouve donc son origine dans une conception dévoyée de la métaphysique qui ne serait recevable que déconnectée du réel – et de la Raison qui ne serait « pure » que dégagée de tout contact avec l’expérience sensible. « Cette conception absurde de la métaphysique, qui était celle de Kant, a bien entendu provoqué ou suscité au XIXe et au XXe siècle de la part des savants habitués à la pratique de la méthode expérimentale une réaction négative, une réaction de rejet qui est si vive, si violente qu’aujourd’hui encore, ou aujourd’hui plus que jamais, dans un ouvrage de science, pour critiquer un collègue, pour rejeter une thèse, une théorie, une doctrine, la pire critique que l’on puisse concevoir, la pire injure, c’est de dire : c’est de la métaphysique ! Entendons par là une spéculation pure, arbitraire, imaginaire, sans aucun fondement dans l’expérience objective » (Les Métaphysiques principales, F-X. de Guibert, p. 279).
Claude Tresmontant s’attachera à démontrer que cette manière de philosopher n’est pas la seule – loin s’en faut ; et que l’on aurait tort de jeter toute Métaphysique avec l’eau du bain ; qu’il existe une métaphysique s’inspirant de la méthode scientifique et respectant le donné objectif primordial – l’enseignement de l’expérience.
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