11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 16:39

Discours du Pape Benoît XVI à la Communauté luthérienne de Rome, le 14 mars 2010.

 

Chers frères et sœurs,

 

Je souhaite remercier de tout cœur toute la communauté, vos responsables, en particulier le pasteur Kruse, pour m'avoir invité à célébrer avec vous ce dimanche Laetare, en ce jour où l'élément déterminant est l'espérance, tournée vers la lumière qui, à travers la résurrection du Christ, déchire les ténèbres de notre quotidien, des questions irrésolues de notre vie. Cher pasteur Kruse, vous nous avez exposé le message d'espérance de Saint Paul. L'Evangile, tiré du douzième chapitre de Jean, que je voudrais essayer d'expliquer, est aussi un Evangile de l'espérance et, dans le même temps, c'est un Evangile de la Croix. Ces deux dimensions vont de pair : puisque l'Evangile se réfère à la Croix, il parle de l'espérance, et puisqu'il donne l'espérance, il doit parler de la Croix.

 

Jean nous raconte que Jésus était monté à Jérusalem pour célébrer la Pâque, puis il dit : "Il y avait là aussi quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer pendant la fête". Il s'agissait certainement d'hommes du groupe que l'on appelle phoboumenoi ton Theon, les "Craignants-Dieu" qui, au-delà du polythéisme de leur monde, étaient à la recherche du Dieu authentique qui est vraiment Dieu, à la recherche de l'unique Dieu, auquel appartient le monde entier et qui est le Dieu de tous les hommes. Et ils avaient trouvé ce Dieu, qu'ils réclamaient et qu'ils recherchaient, auquel tout homme aspire en silence, dans la Bible d'Israël, en y reconnaissant ce Dieu qui a créé le monde. Il est le Dieu de tous les hommes et, dans le même temps, il a choisi un peuple concret et un lieu pour être, à partir de là, présent parmi nous. Ce sont des chercheurs de Dieu, et ils sont venus à Jérusalem pour adorer l'unique Dieu, pour savoir quelque chose de son mystère. En outre, l'Evangéliste nous raconte que ces personnes entendent parler de Jésus, vont voir Philippe, l'Apôtre originaire de Bethsaïde, où pour moitié l'on parlait en grec, et disent : "Nous voulons voir Jésus". Leur désir de connaître Dieu les pousse à vouloir voir Jésus et, à travers lui, connaître Dieu de plus près. "Nous voulons voir Jésus" : une expression qui nous émeut, car nous tous voudrions toujours plus véritablement le voir et le connaître. Je pense que ces Grecs nous intéressent pour deux motifs : d'une part, leur situation est aussi la nôtre, nous aussi nous sommes des pèlerins porteurs de la question sur Dieu, à la recherche de Dieu. Et nous aussi nous voudrions connaître Jésus de plus près, le voir vraiment. Toutefois, il est aussi vrai que, comme Philippe et André, nous devrions être amis de Jésus, des amis qui le connaissent et peuvent ouvrir aux autres le chemin qui porte jusqu'à lui. Et c'est pour cette raison que je pense qu'en cette heure, nous devrions prier ainsi : Seigneur, aide-nous à être des hommes en chemin vers toi. Seigneur, donne-nous de pouvoir te voir toujours davantage. Aide-nous à être tes amis, qui ouvrent aux autres la porte vers toi.

 

Cela conduisit-il effectivement à une rencontre entre Jésus et ces Grecs? Jean ne le dit pas. La réponse de Jésus, qu'il nous rapporte, va bien au-delà de ce moment précis. Il s'agit d'une double réponse : il parle de la glorification de Jésus qui commençait alors : "Voici venue l'heure où doit être glorifié le Fils de l'homme" (Jn 12, 23). Le Seigneur explique ce concept de la glorification avec la parabole du grain de blé : "En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit" (v. 24). En effet, le grain de blé doit mourir, s'ouvrir d'une certaine manière dans le terrain, pour absorber en soi la force de la terre et devenir ainsi tige et fruit. En ce qui concerne le Seigneur, c'est la parabole de son propre mystère. Lui-même est le grain de blé venu de Dieu, le grain de blé divin, qui se laisse tomber sur la terre, qui se laisse ouvrir, briser dans la mort et, précisément à travers cela, il s'ouvre et peut ainsi porter du fruit dans l'immensité du monde. Il ne s'agit plus seulement d'une rencontre avec telle ou telle personne pour un moment. A présent, en tant que ressuscité, il est "nouveau" et il dépasse les limites du temps et de l'espace. A présent, il parvient véritablement jusqu'aux Grecs. A présent, il se montre à eux et parle avec eux, et ceux-ci parlent avec lui et c'est ainsi que naît la foi, que grandit l'Eglise à partir de tous les peuples, la communauté de Jésus Christ ressuscité, qui deviendra son corps vivant, fruit du grain de blé. Dans cette parabole nous pouvons également trouver une référence au mystère de l'Eucharistie : Lui, qui est le grain de blé, tombe dans la terre et meurt. Ainsi naît la sainte multiplication du pain de l'Eucharistie, dans laquelle il devient pain pour les hommes en tous temps et en tous lieux.

 

Ce qu'ici, dans cette parabole, le Seigneur dit de lui, il l'applique à nous dans deux autres versets : "Qui aime sa vie la perd ; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle" (v. 25). Je pense que lorsque nous entendons cela, dans un premier moment, cela ne nous plaît pas. Nous voudrions dire au Seigneur : Mais qu'es-tu en train de nous dire, Seigneur? Nous devons haïr notre vie, nous-mêmes? Notre vie n'est-elle donc pas un don de Dieu? N'avons-nous pas été créés à ton image? Ne devrions-nous pas être emplis de reconnaissance et de joie parce que tu nous as donné la vie? Mais la parole de Jésus a une autre signification. Naturellement, le Seigneur nous a donné la vie, et nous en sommes reconnaissants. Gratitude et joie sont des attitudes fondamentales de l'existence chrétienne. Oui, nous pouvons être heureux parce que nous savons que cette vie qui est la mienne vient de Dieu. Elle n'est pas un hasard privé de sens. Je suis désiré et je suis aimé. Lorsque Jésus dit que nous devrions haïr notre propre vie, il entend dire tout autre chose. Je pense ici à deux attitudes fondamentales. L'une est celle pour laquelle je voudrais conserver ma vie pour moi-même, pour laquelle je considère ma vie comme ma propriété, je me considère moi-même comme ma propriété, pour laquelle je voudrais exploiter le plus possible cette vie présente, afin d'avoir vécu beaucoup en vivant pour moi-même. Celui qui le fait, qui vit pour lui-même et s'intéresse uniquement à lui-même, ne se trouve pas, il se perd. C'est précisément le contraire : ne pas prendre la vie, mais la donner. C'est ce que nous dit le Seigneur. Et ce n'est pas en gardant notre vie pour nous que nous la recevons, mais c'est en la donnant, en allant au-delà de nous-mêmes, en ne nous regardant pas nous-mêmes, mais en nous donnant à l'autre dans l'humilité de l'amour, en lui donnant notre vie et en la donnant aux autres. Nous nous enrichissons en nous éloignant de nous-mêmes, en nous libérant de nous-mêmes. En donnant la vie, et non en la gardant, nous recevons véritablement la vie.

 

Le Seigneur poursuit et affirme, dans un deuxième verset : "Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive, et où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera" (v. 26). Ce don de soi, qui en réalité est l'essence de l'amour, est identique à la Croix. En effet, la Croix n'est rien d'autre que cette loi fondamentale du grain de blé mort, la loi fondamentale de l'amour : nous ne devenons nous-mêmes que lorsque nous nous donnons. Mais le Seigneur ajoute que ce don de soi, cette acceptation de la Croix, cet éloignement de soi, signifie aller à sa rencontre, en tant que "nous", en le suivant et en prenant le chemin du grain de blé, nous trouvons le chemin de l'amour, qui semble tout d'abord un chemin de tribulation et de fatigue, mais précisément pour cette raison, c'est le chemin du Salut. Au chemin de la Croix, qui est le chemin de l'amour, de la perte de soi et du don de soi, appartient la sequela, le fait d'aller avec lui qui est, lui-même, le chemin, la vérité et la vie. Ce concept inclut aussi le fait que cette sequela se réalise dans le "nous", que personne d'entre nous n'a son propre Christ, son propre Jésus, que nous ne pouvons le suivre que si nous marchons tous ensemble avec lui, en entrant dans ce "nous" et en apprenant avec lui son amour qu'il donne. La sequela se réalise dans ce "nous". Cela fait partie du fait d'être chrétiens, cet "être nous" dans la communauté de ses disciples. Et cela nous pose la question de l'œcuménisme : la tristesse d'avoir brisé ce "nous", d'avoir subdivisé l'unique chemin en tant de voies, et ainsi s'en trouve voilé le témoignage que nous devrions rendre de cette manière, et l'amour ne peut pas trouver sa pleine expression.

 

Que devrions-nous dire à cet égard? Nous entendons aujourd'hui beaucoup de plaintes sur le fait que l'œcuménisme piétinerait, d'accusations réciproques ; je pense toutefois que nous devrions rendre grâce pour la grande unité existante. Il est beau qu'aujourd'hui, dimanche Laetare, nous puissions prier ensemble, entonner les mêmes hymnes, écouter la même parole de Dieu, l'expliquer ensemble et essayer de la comprendre : que nous regardions vers l'unique Christ que nous voyons et auquel nous voulons appartenir et que, de cette manière, nous rendions déjà témoignage qu'il est l'Unique, celui qui nous a tous appelés et auquel, au plus profond, nous appartenons tous. Je crois que nous devrions montrer au monde surtout cela : non pas des litiges et des conflits de toute sorte, mais la joie et la gratitude pour le fait que le Seigneur nous donne cela et qu'il existe une réelle unité, qui peut devenir toujours plus profonde, et qui doit devenir toujours plus un témoignage de la parole du Christ, du chemin du Christ dans ce monde. Naturellement, nous ne devons pas nous contenter de cela, même si nous devons être emplis de gratitude pour cette proximité. Toutefois, le fait que sur des choses essentielles, dans la célébration de l'Eucharistie, nous ne puissions pas boire à la même coupe, nous ne puissions pas nous rassembler autour du même autel, doit nous remplir de tristesse parce que nous portons cette faute, parce que nous portons atteinte à ce témoignage. Cela doit nous motiver intérieurement, sur le chemin vers une plus grande unité, dans la conscience qu'au fond, seul le Seigneur peut nous la donner parce qu'une unité accomplie par nous serait une œuvre humaine et donc fragile, comme tout ce que les hommes réalisent. Nous nous donnons à lui, nous cherchons toujours davantage à le connaître et à l'aimer, à le voir, et nous le laissons nous conduire ainsi, véritablement, à l'unité pleine, pour laquelle nous le prions urgemment en ce moment.

 

 

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Publié par Matthieu BOUCART -
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