13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 18:25

Extrait de l’exhortation apostolique post-synodale sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Eglise, donnée par Benoît XVI le 30 septembre 2010, en la 6e année de son pontificat.

 

31. « Que l’étude de la Sainte Écriture soit comme l’âme de la théologie sacrée » : cette expression de la Constitution dogmatique Dei Verbum (n°24) nous est devenue au cours des ans toujours plus familière. On peut dire que l’époque qui a suivi le Concile Vatican II, en ce qui concerne les études théologiques et exégétiques, a fréquemment fait référence à cette expression comme signe de l’intérêt renouvelé pour la Sainte Écriture. La XIIe Assemblée du Synode des Évêques s’est souvent référée à cette affirmation pour indiquer la relation entre la recherche historique et l’herméneutique de la foi en référence au texte sacré. Dans cette perspective, les Pères ont constaté avec joie la réalité de l’étude accrue de la Parole de Dieu dans l’Église au long des dernières décennies et ont exprimé avec conviction une vive reconnaissance aux nombreux exégètes et théologiens qui, avec dévouement, engagement et compétence ont donné et donnent une contribution essentielle à l’approfondissement du sens de l’Écriture, en affrontant les problèmes complexes que notre temps pose à la recherche biblique. Ils ont également manifesté des sentiments de sincère gratitude à l’égard des membres de la Commission biblique pontificale qui se sont succédé au cours de ces années et qui, en lien étroit avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, continuent à offrir leur apport qualifié pour aborder les questions particulières inhérentes à l’étude de la Sainte Écriture. Le Synode a voulu, en outre, s’interroger sur le statut actuel des études bibliques et sur leur importance dans le domaine théologique. En effet, du rapport fécond entre exégèse et théologie dépend pour une large part l’efficacité pastorale de l’action de l’Église et la vie spirituelle des fidèles. C’est pourquoi, je crois important de reprendre certaines réflexions apparues dans les échanges sur ce thème au cours des travaux du Synode.

 

32. Avant tout, il est nécessaire de reconnaître dans la vie de l’Église le bénéfice provenant de l’exégèse historico-critique et des autres méthodes d’analyse du texte développées récemment. Dans l’approche catholique de la Sainte Écriture, l’attention à ces méthodes est indispensable et elle est liée au réalisme de l’Incarnation : cette nécessité est la conséquence du principe chrétien formulé dans l’Évangile selon saint Jean 1,14 « le Verbe s’est fait chair. » Le fait historique est une dimension constitutive de la foi chrétienne. L’Histoire du Salut n’est pas une mythologie, mais une véritable Histoire et pour cela elle est à étudier avec les méthodes de la recherche historique sérieuse. Cependant, l’étude de la Bible exige la connaissance et l’utilisation appropriée de ces méthodes de recherche. S’il est vrai que cette sensibilité dans les études s’est développée plus intensément à l’époque moderne, bien que de façon inégale suivant les lieux, il y a toujours eu cependant dans la saine tradition ecclésiale un amour pour l’étude de la ‘lettre’. Il suffit ici de rappeler la culture monastique, à laquelle nous devons en dernière instance le fondement de la culture européenne à la racine de laquelle se trouve l’intérêt pour la parole. Le désir de Dieu comprend l’amour pour la parole dans toutes ses dimensions : puisque dans la parole biblique, Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, il faut apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. Ainsi, en raison même de la recherche de Dieu, les sciences profanes, qui nous indiquent les chemins vers la langue, deviennent importantes.

 

33. Le Magistère vivant de l’Église, auquel il appartient « d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise » (Dei Verbum, n°10), est intervenu avec un sage équilibre par rapport à la juste position à avoir face à l’introduction des nouvelles méthodes d’analyse historique. Je me réfère particulièrement aux encycliques Providentissimus Deus du Pape Léon XIII et Divino afflante Spiritu du Pape Pie XII. Ce fut mon vénérable prédécesseur Jean-Paul II qui rappela l’importance de ces documents pour l’exégèse et la théologie à l’occasion des célébrations respectivement du centenaire et du cinquantenaire de leur promulgation. L’intervention du Pape Léon XIII eut le mérite de protéger l’interprétation catholique de la Bible des attaques du rationalisme, mais sans se réfugier dans un sens spirituel détaché de l’Histoire. Ne reculant pas devant la critique scientifique, il se méfiait seulement « des idées préconçues qui prétendent se fonder sur la science mais qui, en réalité, font subrepticement sortir la science de son domaine ». Le Pape Pie XII, à l’inverse, se trouvait face aux attaques des partisans d’une exégèse soi-disant mystique qui refusait toute approche scientifique. L’encyclique Divino afflante Spiritu, avec une grande finesse, a évité d’engendrer l’idée d’une dichotomie entre l’« exégèse scientifique » pour l’usage apologétique et l’« interprétation spirituelle réservée à l’usage interne », affirmant au contraire aussi bien la « portée théologique du sens littéral méthodiquement défini », que l’appartenance de la « détermination du sens spirituel… au domaine de la science exégétique ». De cette façon, les deux documents refusaient « la rupture entre l’humain et le divin, entre la recherche scientifique et le regard de la foi, entre le sens littéral et le sens spirituel ». Cet équilibre a ensuite été repris dans le document de la Commission biblique pontificale de 1993 : « Dans leur travail d’interprétation, les exégètes catholiques ne doivent jamais oublier que ce qu’ils interprètent est la Parole de Dieu. Leur tâche commune n’est pas terminée lorsqu’ils ont distingué les sources, défini les formes ou expliqué les procédés littéraires. Le but de leur travail n’est atteint que lorsqu’ils ont éclairé le sens du texte biblique comme parole actuelle de Dieu ».

 

34. Sur cet horizon, il est possible de mieux apprécier les grands principes d’interprétation propre à l’exégèse catholique exprimés au Concile Vatican II, particulièrement dans la Constitution dogmatique Dei Verbum : « Puisque Dieu, dans la Sainte Écriture, a parlé par des hommes à la manière des hommes, l’interprète de la Sainte Écriture, pour percevoir ce que Dieu Lui-même a voulu nous communiquer, doit chercher attentivement ce que les hagiographes ont réellement eu l’intention de dire et ce qu’il a plu à Dieu de faire savoir par leurs paroles » (n°12). D’une part, le Concile indique l’étude des genres littéraires et du contexte, comme éléments fondamentaux pour saisir la signification de l’hagiographe. D’autre part, la Sainte Écriture devant être interprétée dans le même Esprit que celui dans lequel elle a été écrite, la Constitution dogmatique indique trois critères de base pour tenir compte de la dimension divine de la Bible : 1) interpréter le texte en tenant compte de l’unité de l’ensemble de l’Écriture – on parle aujourd’hui d’exégèse canonique ; 2) tenir compte ensuite de la Tradition vivante de toute l’Église, et 3) respecter enfin l’analogie de la foi. Seulement dans le cas où les deux niveaux méthodologiques, celui de nature historique et critique et celui de nature théologique, sont observés, on peut alors parler d’une exégèse théologique, d’une exégèse adaptée à ce Livre.

 

Les Père synodaux ont affirmé avec raison que le fruit positif apporté par l’usage de la recherche historico-critique moderne est incontestable. Toutefois, alors que l’exégèse académique actuelle, y compris catholique, travaille à un haut niveau sur le plan de la méthodologie historico-critique en intégrant les apports les plus récents, il convient d’exiger une étude similaire de la dimension théologique des textes bibliques afin que progresse l’approfondissement selon les trois éléments indiqués par la Constitution dogmatique Dei Verbum.

 

35. Il convient de signaler à ce sujet le risque grave d’un dualisme qui apparaît aujourd’hui dans l’approche des Saintes Écritures. En effet, en distinguant les deux niveaux d’approche, il ne s’agit pas de les séparer, ni de les opposer, ni simplement de les juxtaposer. Ils sont liés l’un à l’autre. Malheureusement, il n’est pas rare qu’une séparation infructueuse des deux engendre une hétérogénéité entre exégèse et théologie, qui touche aussi les niveaux académiques les plus élevés. Je voudrais ici rappeler les conséquences les plus préoccupantes qu’il convient d’éviter.

 

a) Avant tout, si l’activité exégétique se réduit seulement au premier niveau, cela a pour conséquence de faire de l’Écriture même un texte du passé : on peut en tirer des conséquences morales, on peut en apprendre l’histoire, mais le livre en tant que tel, parle seulement du passé et l’exégèse n’est plus véritablement théologique, mais devient une pure historiographie, une histoire de la littérature. Il est clair qu’avec une telle réduction, on ne peut en aucune façon comprendre l’événement de la Révélation de Dieu par sa Parole qui se transmet à nous dans la Tradition vivante et dans l’Écriture.

 

b) Le déficit d’une herméneutique de la foi à l’égard de l’Écriture ne se résume pas seulement en termes d’absence ; à sa place s’inscrit inévitablement une autre herméneutique, une herméneutique sécularisée, positiviste, dont la clé fondamentale est la conviction que le divin n’apparaît pas dans l’Histoire humaine. Selon cette herméneutique, lorsqu’il semble qu’existe un élément divin, on doit l’expliquer d’une autre façon et tout ramener à la dimension humaine. En conséquence, on propose des interprétations qui nient l’historicité des éléments divins.  

  

c) Une telle position ne peut que produire des dégâts dans la vie de l’Église, répandant un doute sur les Mystères fondamentaux du Christianisme et sur leur valeur historique, comme par exemple l’institution de l’Eucharistie et la Résurrection du Christ. On impose alors une herméneutique philosophique, qui nie la possibilité de l’entrée et de la présence du divin dans l’Histoire. L’acceptation d’une telle herméneutique dans les études théologiques introduit inévitablement un dualisme pesant entre l’exégèse, qui s’établit uniquement sur le premier niveau et la théologie qui s’ouvre à la dérive d’une spiritualisation du sens des Écritures qui ne respecte pas le caractère historique de la Révélation.

 

Cette position ne peut qu’avoir un résultat négatif tant sur la vie spirituelle que sur l’activité pastorale ; la conséquence de l’absence du second niveau méthodologique est qu’il s’est créé un profond fossé entre exégèse scientifique et Lectio divina ; il en ressort parfois une forme de perplexité également dans la préparation des homélies. On doit aussi signaler qu’un tel dualisme produit parfois incertitude et manque de solidité dans le chemin de formation intellectuelle de certains candidats aux ministères ordonnés. En définitive, là où l’exégèse n’est pas théologie, l’Écriture ne peut être l’âme de la théologie, et vice versa, là où la théologie n’est pas essentiellement interprétation de l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de fondement. Il est donc nécessaire de se décider fermement à considérer avec davantage d’attention les indications données par la Constitution dogmatique Dei Verbum sur ce point.

 

 

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Publié par Matthieu BOUCART -
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