18 août 2012 6 18 /08 /août /2012 11:37

L'Express - 1er août 2012Après les deux derniers dossiers du Point consacrés à l'existence de Dieu, c'est au tour de L'Express de s'interroger sur les "10 raisons de croire", dans son édition du 1er août 2012. Un numéro nettement plus intéressant que ceux de son concurrent - que l'on doit pour l'essentiel à l'érudition du journaliste Philippe Chevallier. "L'homme n'est pas un animal religieux, il est un animal intelligent qui se pose des questions intelligentes. Et parmi ces questions intelligentes, il y a celle de Dieu".

 

Le dossier commence mal pourtant, avec les quelques lignes d'introduction de Christian Makarian qui sort de son chapeau trois citations de Pascal, qui laissent augurer le pire pour la suite du reportage. La 1ère : "Douter de Dieu, c'est y croire". La 2e : "La vraie morale se moque de la morale". La 3e : "Le vrai se conclut souvent du faux". Les deux premières propositions pourraient se justifier, à condition d'être longuement expliquées – afin d'éviter tout malentendu. Mais elles sont livrées là, "brutes de décoffrage", au lecteur qui doit se débrouiller avec... On le devine : ce sont des journalistes athées qui vont nous exposer les raisons de croire...

 

Dans son article d'ouverture, Philippe Chevallier présente loyalement le problème : "Qu'on se le dise avant de discuter des bonnes ou mauvaises raisons de croire : l'existence de Dieu, c'est-à-dire d'un être éternel à l'origine du monde, n'a jamais été une évidence." C'est ce qu'écrit aussi Roger Verneaux dans son Introduction générale à la philosophie : "Les causes premières ne sont pas évidentes. En particulier, Dieu ne l'est pas, ni quant à son existence, ni quant à sa nature ; de sorte que, avant de le contempler, POUR arriver à le contempler, des RAISONNEMENTS sont nécessaires".

 

"Penser l'existence de Dieu est une affaire sérieuse, dans la mesure où l'on peut aussi penser son absence." J'aime beaucoup cette phrase - et ce qu'elle implique. Cela dit, Tresmontant a très bien montré que l'on ne peut pas penser l'absence de Dieu (pas plus qu'on ne peut penser le néant), et que penser COMME SI Dieu n'existait pas, ce n'est pas, à proprement parler, "penser l'absence de Dieu".

 

Chevallier cite aussi Pyrrhon : "Les doctrines se contredisent, il faut donc suspendre son jugement". C'est une pensée très répandue chez nos contemporains – j'ai pu le vérifier sur ce blog. Mais la réponse est : Non. Il faut les examiner chacune, et évaluer leur rationalité (selon la définition qu'en donne Tresmontant). On verra alors que toutes les doctrines ne se valent pas – et qu'un certain nombre peuvent être aisément écartées.

 

On entre ensuite de plain-pied dans l'exposition des 10 raisons de croire.

 

1ère raison de croire : "Parce qu'à l'horloge il faut un horloger".  C'est certainement l'argument le plus fort – celui auquel Tresmontant consacra toute son oeuvre. L'univers existe, il est structuré mathématiquement, intelligemment ; son ordre est admirable, en même temps que sa complexité qui dépasse les possibilités de l'humain (il n'y a qu'à observer la structure de notre propre cerveau...). Il n'est pas raisonnable de penser que le néant puisse produire de l'être, ni le hasard de l'organisation complexe et géniale de manière systématique. "Il m'est arrivé de dire, et c'est vrai, que c'est la seule des trois "preuves" classiques qui me paraisse forte, la seule qui, parfois, me fasse vaciller. Pourquoi? Parce que la contingence est un abîme"... (André Comte Sponville)

 

2e raison de croire : "Parce qu'une particule porte son nom".  Le fameux boson de Higgs. C'est une raison dérivée de la 1ère : le boson de Higgs accrédite la théorie du Big Bang et l'idée selon laquelle tout ce qui existe dans l'univers a commencé d'être – est né, et a donc un âge. Rien de ce qui est, dans l'Univers, n'est éternel. Pas même les atomes – comme on l'a longtemps cru. L'Univers lui-même ne l'est pas. Et sa naissance reste un grand mystère...

 

Chevallier cite ensuite le chanoine Lemaître, qui aurait dit au Pape Pie XII au sujet de sa découverte du Big Bang :  "J'ai dit commencement, je n'ai pas dit création. Personnellement, j'estime que [la théorie du Big Bang] reste entièrement en dehors de toute question métaphysique ou religieuse". Ce propos montre assez bien que, si Lemaître était sans aucun doute un scientifique de tout premier rang, il était un bien piètre philosophe... Aucune théorie scientifique ne se trouve "en dehors" des questions métaphysiques, puisque par nature, la métaphysique porte sur la réalité physique telle que nous la présentent les sciences positives. Par ailleurs : la notion de "commencement" implique nécessairement l'idée de "création". Car tout ce qui commence d'être et qui ne préexistait pas est une création. Une chose qui commence d'être ne peut être incréée. C'est aussi simple que cela.

 

3e raison de croire : "Sinon tout est permis".  Si Dieu n'existe pas, il n'existe pas de Juge devant qui rendre compte de nos actes. Il n'est pas juste cependant de dire que sans Dieu, "tout est permis" – car il existe un ordre naturel que tout homme peut découvrir par sa raison. Pas besoin d'être croyant pour savoir qu'il est des actes qui nous détruisent – d'autres qui nous édifient. Cela est affaire d'expérience – et de vérité objective. La nécessité d'une loi morale pour grandir en humanité n'est donc pas une preuve de l'existence de Dieu – mais elle ouvre la question de l'origine fondamentale de cette mystérieuse nature existante et de son ordre immanent.

 

4e raison de croire : "Parce que le Diable existe".  Paradoxalement, le mystère du mal peut nous conduire à Dieu – car la souffrance, en un sens, nous révèle que nous ne sommes pas faits pour cette existence périssable ; que nous aspirons, au plus profond de notre être, à la vie et au bonheur sans fin. Nous "montons" vers Dieu comme le nageur qui, au fond de l'eau, "monte" vers l'oxygène pour ne pas périr noyé. Spontanément, lorsque nous sommes au fond de la souffrance, de la peur, de l'angoisse, nous prions... – comme une poussée d'Archimède spirituelle qui fait jaillir de notre âme un cri vers le ciel lorsque nous sommes plongés dans la détresse.

 

5e raison de croire : "Chaque fois que j'écoute Bach".  Il est amusant ici de relever que Claude Tresmontant compare souvent la création de l'univers à une symphonie de Bach en train d'être composée... Oui, l'expérience de la Beauté nous fait éprouver une réalité qui n'est pas de ce monde, et qui n'est pas réductible à la matière.

 

J'aime beaucoup la citation de Karl Barth :  "Je ne suis pas sûr que les anges, quand ils cherchent à glorifier Dieu, jouent de la musique de Bach. Je suis certain, en revanche, que lorsqu'ils sont entre eux, ils jouent du Mozart."  

 

6e raison de croire : "Parce que Dieu me l'a dit".  C'est le mystère de la rencontre avec Dieu, que beaucoup expérimentent. Ce sont des expériences personnelles, éminemment subjectives, et difficilement vérifiables – quoiqu'on en voit les effets quand elles transforment des vies de manière spectaculaire. Mais l'accumulation de ces expériences, elle, est un fait objectif qui pose question.

 

7e raison de croire : "Parce que nous pensons à lui".  C'est l'argument ontologique de St Anselme qui ne prouve rien, sinon les capacités de l'esprit humain à penser des réalités qui transcendent la réalité matérielle. En fait, St Anselme a surtout démontré la nature spirituelle de notre âme – ce qui est déjà bien. Mais que nous pensions à Dieu ne le fait pas nécessairement exister – pas plus que d'imaginer le PSG champion ne fait de lui le futur champion! 

 

8e raison : "Parce que je tiens à garder mes jours fériés".  C'est en effet un argument essentiel! Tous les gens deviennent étrangement pratiquants quand il s'agit de prendre leurs congés...

 

9e raison : "Parce que les livres de Michel Onfray sont vraiment trop mauvais". Un des passages les plus savoureux de ce dossier de l'Express... Le plus décisif à mon avis. 

 

La citation que l'on prête à Tertullien est heureusement corrigée par Philippe Chevallier. Il est plus rationnel de croire (quoique cela soit mystérieux) qu'un Être éternel, intelligent et tout puissant a créé notre univers, que de penser que l'univers ait pu se faire tout seul, comme un grand, de rien jusqu'à nous et notre prodigieux cerveau. Bach et Einstein seraient le fruit conjugué du néant et du hasard aveugle? Absurde! - c'est de l'ordre du conte de fée (un conte de fée qui attribue à la nature des propriétés magiques...). Nous avons donc à choisir entre le mystère (d'une création par un Être transcendant) et l'absurde (d'une auto-création de l'univers). Le croyant croit, non parce que c'est absurde, mais parce que l'absurdité de l'absurde le conduit au mystère.

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

F
<br /> oui, c'est vrai pour la 4 ème raison qui m'a conduit dans ma détresse à crier vers le seigneur, le père qui m'a donné sa paix pour repartir dans la vie quotidienne avec Abba.<br /> <br /> <br /> Merci<br />
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