30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 20:00


Le vendredi 12 septembre 2008, un peu plus d’une heure après son arrivée à l’aéroport d’Orly, le Pape Benoît XVI a rejoint le palais de l’Elysée où il a été accueilli par le Président de la République, Nicolas Sarkozy. Après avoir salué le Premier ministre, François Fillon, et la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, le Pape s’est entretenu avec le chef de l’Etat. Puis, dans la salle des fêtes du palais de l’Elysée, a eu lieu la cérémonie de bienvenue avec plusieurs centaines d’invités (Corps constitués, personnalités, membres du gouvernement…). Le Président de la République a prononcé un discours au quel le Saint Père a répondu.


Discours de Nicolas Sarkozy

Très Saint Père,

C’est un honneur pour le gouvernement français, pour toutes les personnes présentes dans cette salle, et bien sûr, si vous me le permettez, pour ma famille et pour moi-même, de vous accueillir aujourd’hui au Palais de l’Elysée.

Tout au long de son histoire, la France n’a cessé de lier son destin à la cause des arts, des lettres, de la pensée, toutes ces disciplines qui forment cet art de vivre au plus haut de soi-même et qu’on appelle la culture.

En consacrant à Paris, Très Saint Père, l’une des étapes de votre visite, en choisissant le collège des Bernardins, au coeur du quartier latin, pour prononcer l’un des discours les plus attendus de votre voyage, en acceptant l’invitation de l’Institut, vous honorez la France, et vous l’honorez au travers d’un attribut qui lui est particulièrement cher : sa culture, une culture vivante qui plonge ses racines entremêlées dans la pensée grecque, dans la pensée judéo-chrétienne, dans l’héritage médiéval, dans la Renaissance et les Lumières ; une culture, Très Saint Père, que vous connaissez admirablement bien et, je crois pouvoir le dire, une culture que vous aimez.

Qu’ils soient catholiques ou fidèles d’une autre religion, qu’ils soient croyants ou non croyants, tous les Français sont sensibles à votre choix de Paris pour vous adresser cet après-midi au monde de la culture, vous qui êtes, profondément, un homme de conviction, de savoir et de dialogue (…).

Dans la République laïque qu’est la France, tous, Très Saint Père, vous accueillent avec respect en tant que chef d’une famille spirituelle dont la contribution à l’histoire de France, à l’histoire du monde, à la civilisation, n’est ni contestable, ni contestée.

Très Saint Père, le dialogue entre la foi et la raison a occupé une part prépondérante dans votre cheminement intellectuel et théologique. Non seulement vous n’avez cessé de soutenir la compatibilité entre la foi et la raison, mais encore vous pensez que la spécificité et la fécondité du christianisme ne sont pas dissociables de sa rencontre avec les fondements de la pensée grecque.

La démocratie non plus ne doit pas se couper de la raison. Elle ne peut se contenter de reposer sur l’addition arithmétique des suffrages, pas davantage que sur les mouvements passionnés des individus. Elle doit également procéder de l’argumentation et du raisonnement, rechercher honnêtement ce qui est bon et nécessaire, respecter des principes essentiels reconnus par l’entendement commun.
Comment d’ailleurs la démocratie pourrait-elle se priver des lumières de la raison sans se renier elle-même, elle qui est fille de la raison et des Lumières ? C’est là une exigence quotidienne pour le gouvernement des choses publiques et pour le débat politique.

Aussi est-il légitime pour la démocratie et respectueux de la laïcité de dialoguer avec les religions.
Les religions, et notamment la religion chrétienne avec laquelle nous partageons une longue histoire, ce sont des patrimoines, des patrimoines vivants de réflexion et de pensée, pas seulement sur Dieu, mais aussi sur l’homme, sur la société, et même sur cette préoccupation aujourd’hui centrale qu’est la nature et la défense de l’environnement. Ce serait une folie de nous en priver, tout simplement une faute contre la culture et contre la pensée.

C’est pourquoi j’en appelle à une
laïcité positive, une laïcité qui respecte, une laïcité qui rassemble, une laïcité qui dialogue, et pas une laïcité qui exclut ou qui dénonce.
En cette époque où le doute, le repli sur soi, mettent nos démocraties au défi de répondre aux problèmes de notre temps, la laïcité positive offre à nos consciences la possibilité d’échanger, par delà les croyances et les rites, sur le sens que nous voulons donner à nos existences ; la quête de sens (…).

La laïcité positive, la laïcité ouverte, c’est une invitation au dialogue, une invitation à la tolérance, une invitation au respect.
Dieu sait que nos sociétés ont besoin de dialogue, de respect, de tolérance, de calme. Vous donnez une chance, un souffle, une dimension supplémentaire au débat public. Ce débat est un défi : il y a trente ans encore, aucun de nos prédécesseurs n’aurait pu imaginer, ni même soupçonner, les questions auxquelles aujourd’hui nous nous trouvons confrontés. Croyez bien que, pour un responsable politique, c’est une lourde responsabilité de défricher ces nouveaux champs de la connaissance, de la démocratie et du débat.

(…)
Voilà la pratique de la laïcité positive : la quête de sens, le respect des croyances. Nous ne mettons personne au dessus de l’autre, mais nous assumons nos racines chrétiennes.

Nous travaillons pour la paix. Nous ne voulons pas d’une reprise des guerres de religion. C’est pourquoi, à la suite de votre entretien avec le roi d’Arabie Saoudite, qui a fait date, qui a marqué, je me suis rendu à Riyad pour insister sur ce qui rapproche les religions plutôt que sur ce qui les divise.
Le dialogue avec et entre les religions est un enjeu majeur du siècle naissant. Les responsables politiques ne peuvent s’en désintéresser. Mais ils ne peuvent y contribuer que s’ils respectent les religions. Car il n’y a pas de dialogue sans confiance, et pas de confiance sans respect.

Oui, je respecte les religions, toutes les religions. Je connais les erreurs qu’elles ont commises par le passé, les intégrismes et les fanatismes qui les menacent, mais je sais le rôle qu’elles ont joué dans l’édification de l’humanité. Le reconnaître ne diminue en rien les mérites des autres courants de pensée. Je sais l’importance des religions pour répondre au besoin d’espérance des hommes et je ne méprise pas ce besoin. La quête de spiritualité n’est pas un danger pour la démocratie, pas un danger pour la laïcité.

(…) Très Saint Père (…), soyez le bienvenu en France.

 

Discours du Pape Benoît XVI

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis !

Foulant
le sol de France pour la première fois depuis que la Providence m'a appelé sur le Siège de Pierre, je suis ému et honoré de l’accueil chaleureux que vous me réservez. Je vous suis particulièrement reconnaissant, Monsieur le Président, pour l’invitation cordiale que vous m’avez faite à visiter votre pays ainsi que pour les paroles de bienvenue que vous venez de m’adresser. Comment ne pas me souvenir de la visite que Votre Excellence m'a rendue au Vatican voici neuf mois ? A travers vous, je salue tous ceux et toutes celles qui habitent ce pays à l'histoire millénaire, au présent riche d'événements et à l'avenir prometteur. Qu'ils sachent que la France est très souvent au cœur de la prière du Pape, qui ne peut oublier tout ce qu'elle a apporté à l'Église au cours des vingt derniers siècles !

La raison première de mon voyage est la célébration du 150
e anniversaire des apparitions de la Vierge Marie, à Lourdes. Je désire me joindre à la foule des innombrables pèlerins du monde entier, qui convergent au cours de cette année vers le sanctuaire marial, animés par la foi et par l’amour. C'est une foi, c’est un amour que je viens célébrer ici dans votre pays, au cours des quatre journées de grâce qu'il me sera donné d'y passer.

Mon pèlerinage à Lourdes devait comporter une étape à Paris. Votre capitale m'est familière et je la connais assez bien. J'y ai souvent séjourné et j'y ai lié, au fil des ans, en raison de mes études et de mes fonctions antérieures, de bonnes amitiés humaines et intellectuelles. J'y reviens avec joie, heureux de l’occasion qui m'est ainsi donnée de rendre hommage à l'imposant patrimoine de culture et de foi qui a façonné votre pays de manière éclatante durant des siècles et qui a offert au monde de grandes figures de serviteurs de la Nation et de l'Église dont l'enseignement et l'exemple ont franchi tout naturellement vos frontières géographiques et nationales pour marquer le devenir du monde.

Lors de votre visite à Rome, Monsieur le Président, vous avez rappelé que
les racines de la France – comme celles de l'Europe – sont chrétiennes. L'Histoire suffit à le montrer : dès ses origines, votre pays a reçu le message de l'Évangile. Si les documents font parfois défaut, il n'en reste pas moins que l'existence de communautés chrétiennes est attestée en Gaule à une date très ancienne : on ne peut rappeler sans émotion que la ville de Lyon avait déjà un évêque au milieu du IIe siècle et que saint Irénée, l'auteur de l'Adversus haereses, y donna un témoignage éloquent de la vigueur de la pensée chrétienne. Or, saint Irénée venait de Smyrne pour prêcher la foi au Christ ressuscité. Lyon avait un évêque dont la langue maternelle était le grec : y a-t-il plus beau signe de la nature et de la destination universelles du message chrétien ? Implantée à haute époque dans votre pays, l'Église y a joué un rôle civilisateur auquel il me plaît de rendre hommage en ce lieu.
Vous y avez vous-même fait allusion dans votre discours au Palais du Latran en décembre dernier et de nouveau aujourd’hui. Transmission de la culture antique par le biais des moines, professeurs ou copistes, formation des cœurs et des esprits à l'amour du pauvre, aide aux plus démunis par la fondation de nombreuses congrégations religieuses, la contribution des chrétiens à la mise en place des institutions de la Gaule, puis de la France, est trop connue pour que je m'y attarde longtemps. Les milliers de chapelles, d'églises, d'abbayes et de cathédrales qui ornent le cœur de vos villes ou la solitude de vos campagnes disent assez combien vos pères dans la foi ont voulu honorer Celui qui leur avait donné la vie et qui nous maintient dans l'existence.

De nombreuses personnes en France se sont arrêtées pour réfléchir sur les rapports de l'Église et de l'État. Sur le problème des relations entre la sphère politique et la sphère religieuse, le Christ même avait déjà offert le principe d’une juste solution lorsqu'il répondit à une question qu'on Lui posait :
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mc 12,17).
L’Église en France jouit actuellement d’un régime de liberté. La méfiance du passé s'est transformée peu à peu en un dialogue serein et positif, qui se consolide toujours plus (…). Vous avez d'ailleurs utilisé, Monsieur le Président, la belle expression de « laïcité positive » pour qualifier cette compréhension plus ouverte. En ce moment historique où les cultures s’entrecroisent de plus en plus, je suis profondément convaincu qu’une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l’importance de la laïcité est devenue nécessaire. Il est en effet fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l’État envers eux, et d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société.

Le Pape, témoin d'un Dieu aimant et Sauveur, s'efforce d'être un semeur de charité et d'espérance. Toute société humaine a besoin d'espérance, et cette nécessité est encore plus forte dans le monde d’aujourd’hui qui offre peu d'aspirations spirituelles et peu de certitudes matérielles (…).

La charge qui vous incombe, Monsieur le Président, n'est pas facile. Les temps sont incertains, et c'est une entreprise ardue de trouver la bonne voie parmi les méandres du quotidien social et économique, national et international. En particulier, devant le danger de l’émergence d’anciennes méfiances, de tensions et d’oppositions entre les Nations, dont nous sommes aujourd’hui les témoins préoccupés, la France, historiquement sensible à la réconciliation des peuples, est appelée à aider l’Europe à construire la paix dans ses frontières et dans le monde entier. À cet égard, il est important de promouvoir une unité qui ne peut pas et ne veut pas être une uniformité, mais qui est capable de garantir le respect des différences nationales et des diverses traditions culturelles qui constituent une richesse dans la symphonie européenne, en rappelant d’autre part que
« l’identité nationale elle-même ne se réalise que dans l’ouverture aux autres peuples et à travers la solidarité envers eux » (Exhortation apostolique Ecclesia in Europa, n. 112). J’exprime ma confiance que votre pays contribuera toujours plus à faire progresser ce siècle vers la sérénité, l'harmonie et la paix.

Monsieur le Président, chers amis, je désire une fois encore vous exprimer ma gratitude pour cette rencontre. Je vous assure de ma fervente prière pour votre belle Nation afin que Dieu lui concède paix et prospérité, liberté et unité, égalité et fraternité. Je confie ces vœux à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, patronne principale de la France. Que Dieu bénisse la France et tous les Français !


Source du discours de Nicolas Sarkozy - Source du discours du Pape Benoît XVI - Arrivée du Pape à Orly (vidéo) - Religion et laïcité (vidéo) - Discours de Benoît XVI à l'Elysée (vidéo)

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Publié par Matthieu BOUCART -
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