2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 18:23

Texte de la Newsletter n°12 (publiée le 30 janvier 2011) du Groupe Facebook consacré à l'oeuvre de Claude Tresmontant, l'un des plus grands métaphysiciens du siècle passé – qui réfuta magistralement l'athéisme. 

 

Les philosophies monistes qui affirment que l’être de l’univers n’existe pas, qu’il est une simple apparence – que le seul être existant est l’Esprit (ou le Brahman, ou l’Un) – sont amenés logiquement à confesser l’éternité de l’être, et par suite, de tous les êtres qui sont l’Être éternel pulvérisé en une multiplicité qui n’est qu’illusion dissimulant la réalité de l’unicité de l’être. Toutes les âmes humaines, selon cette conception, sont éternelles, et préexistaient à la naissance des personnes individuelles, comme elles survivront à leur propre mort. « L’âme était de condition divine, mais elle est tombée, dans un corps qui l’emprisonne et l’exile » (Claude Tresmontant).

 

« La doctrine de la divinité fondamentale de l’âme conduit à une anthropologie de type dualiste. C’est l’existence dans le corps qui est responsable de nos malheurs présents. L’ensomatose explique la multiplication, la dispersion de l’âme universelle unique, en une multitude d’êtres, qui se croient distincts les uns des autres, alors qu’en leur fond, ils sont un. Ils sont l’Un.

 

« Dans cette tradition théosophique, dont on peut suivre le cours jusque chez des philosophes du XIXe siècle comme Schelling, la naissance, à vrai dire, n’est pas un commencement d’être. C’est le moment de l’ensomatose, c’est-à-dire de la chute dans ce monde sensible. Mais en réalité, l’âme préexistait, au sein de la vie divine, avant sa chute dans le corps. De même, la mort n’est pas une annihilation, mais, dans le meilleur des cas, un retour à la condition divine, si l’âme s’est purifiée de la souillure que comporte l’existence corporelle, matérielle, ou bien, si l’âme n’a pas suffisamment pratiqué l’ascèse, elle est contrainte de s’incorporer de nouveau, soit dans un corps d’homme, soit dans un corps d’animal. C’est cela le ‘triste cycle lassant’ dont parle une tablette orphique, ce triste cycle imposé aux âmes insuffisamment purifiées.

 

« On voit comment, dans cette perspective, la matière – ici, le corps – est supposée responsable du mal que représente l’existence individuée, multiple, et responsable aussi du mal que l’âme peut faire dans sa condition corporelle. Le bien, c’est de se délivrer de la souillure du corps » (Claude Tresmontant, in Le problème de la Révélation, Seuil 1969, p.69-70).

 

« Le mythe de la divinité originelle, de la préexistence, de la chute des âmes dans ces corps supposés mauvais, – le mythe de la transmigration des âmes, ou métensomatose, et du retour à l’origine, – est (…) un mythe cyclique, puisque finalement les âmes retournent à leur point de départ. » (Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert, 1995, p. 171-172).

 

Mais si l’Un est vraiment le seul être, comment expliquer ce drame de la « Chute » de l’Être absolu (qui ne dépend, par définition, d’aucun autre être) dans des corps multiples ; cette aliénation de l'Être divin dans la matière « gluante », cette « ignoble marmelade », cette « larve coulante », cette « saleté poisseuse » dont parlait Sartre dans la Nausée ? Par une tragédie à l'intérieur de l'Un. « Et donc, on passe du monisme de la Substance aux spéculations théosophiques selon lesquelles il y a bien en effet une tragédie au sein de l’Être qui est unique. On passe bien de Plotin et de Spinoza à Fichte, Schelling et Hegel. Il faut bien admettre qu’il y a une tragédie au sein de l’Être pour expliquer l’existence de cette illusion qu’est le monde de la multiplicité. Et donc, à la place de la métaphysique hébraïque de la Création, on a une métaphysique gnostique de la chute, chute au sein de l’Un bien entendu. C’est la doctrine du gnostique Valentin et de son école. » (Claude Tresmontant, in Les Métaphysiques principales, François-Xavier de Guibert, 1995, p. 179-180).

 

Reste à nous interroger sur l’origine de cette « science » de l’être ; à nous demander d’où le philosophe moniste tire sa connaissance de l’Être divin et toutes ses informations sur la vie intime de l’Un.

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Publié par Matthieu BOUCART -
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M
<br /> <br /> Cher Hervé,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je crois que Tresmontant aurait aimé ton commentaire. <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Une petite clarification s’impose : les notions d’ensomatose et de métensomatose ne<br /> sont pas des notions « de Tresmontant », mais des concepts qui appartiennent à une tradition métaphysique vénérable qui est la tradition moniste, idéaliste et acosmique qui nous vient<br /> de l’Inde ancienne et qu’ont repris et développé (notamment) les philosophes allemands des 18 et 19e siècles. Ce n’est pas notre monde, c’est vrai ; ce n’est pas notre univers<br /> mental, à nous, européens du 21e siècle (encore que… les philosophes français sont formés au lait de cette philosophie) ; et il ne faut pas s’étonner dès lors de n’être pas<br /> immédiatement familier avec cette pensée.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Sache que cette tradition métaphysique (et son univers de pensée) est vigoureusement<br /> combattue par Claude Tresmontant, au motif qu’elle est déconnectée du réel – nous y reviendrons dans les prochaines newsletters.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tu verras que la métaphysique de Tresmontant (qui n’est jamais que celle d’Aristote et du<br /> grand Saint Thomas d’Aquin) est beaucoup plus aisée à comprendre, puisqu’ elle s’enracine dans le réel objectif exploré scientifiquement – elle « parle » donc davantage à notre<br /> intelligence.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Mais pour combattre une métaphysique, il est essentiel d’en comprendre les rouages, les<br /> mécanismes ; d’en apprivoiser le vocabulaire. Même si c’est un peu fastidieux au départ...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Tu auras noté quand même que mes articles de la rubrique « Claude Tresmontant »<br /> sont très courts, et qu’ils ont tendance à se répéter (je t’invite à relire les dernières newsletters pour t’en convaincre). C’est précisément afin de permettre une assimilation progressive de la<br /> pensée du cher Professeur, et de sa réfutation des métaphysiques idéalistes et matérialistes.<br /> <br /> <br /> <br />
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H
<br /> <br /> Cher Matthieu, tu excuseras mon ignorance, mais quand je vois ces noms ("ensomatose" et "métensomatose"), j'imagine que ce sont des maladies <br /> <br /> <br /> J'ai beau avoir une formation chrétienne assez solide, je n'ai pas tout compris à cet article, probablement parce que je n'ai pas assez étudié la philo.<br /> <br /> <br /> Je viens de passer des concours administratifs (pour la DGCCRF et le Ministère du Travail) et j'imagine que si on avait eu une dissert sur ces sujets, il y aurait eu + d'une copie blanche !!<br /> <br /> <br /> Nous avons eu en Culture G ceci : "Il ne suffit pas de partager un patrimoine commun, encore faut-il vivre dans le même monde".<br /> <br /> <br /> Quand tu tentes de faire découvrir certaines notions de Tresmontant, je me dis exactement ça, est-ce que nous vivons dans le même monde ? Mais heureusement, le Seigneur se révèle aux petits<br /> et pas seulement aux sages et aux savants   <br /> <br /> <br /> <br />
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