Deuxième Partie : LA RAISON
LES PREUVES DE L'EXISTENCE DE DIEU (1/2)
Chers amis,
Nous avons vu précédemment qu’il était tout à fait raisonnable de croire en une réalité qui dépasse la Raison ; qu’il n’était pas absurde d’adhérer à un système de pensée pré-supposant un acte de foi transrationnel ; que cet acte de foi trans-rationnel était lui-même tout-à-fait rationnel.
Il reste maintenant à déterminer quelles sont les raisons qui pourraient nous conduire à croire en l’existence de Dieu.
S’il existe des raisons de croire, comme nous l’avons affirmé ici à maintes reprises, il est important de les examiner avec attention, puisque tout le sens de notre vie se joue sur cette question.
Nous allons voir qu’un raisonnement intelligent à partir de ce qui existe conduit naturellement l’homme à inférer l’existence de Dieu.
Nous allons voir que la Raison humaine correctement appliquée, l’usage de son simple bon sens, conduit naturellement l’homme à Dieu.
Il existe trois séries d’arguments rationnels en faveur de l’existence de Dieu, tous trois accessibles à la seule raison humaine ; point n’est besoin pour les appréhender d’une quelconque révélation surnaturelle.
La première, ce sont les preuves métaphysiques tirées de l’observation de l’univers.
La seconde, ce sont les preuves tirées du consentement universel des hommes à l’existence de Dieu.
La troisième, ce sont des preuves tirées de l’homme lui-même, de la considération de ce que l’homme est en lui-même.
Des preuves donc tirées : de l’univers, de l’histoire des hommes, et de l’être humain pris en tant que tel et considéré en lui-même.
1. Les preuves tirées de l’observation de l’univers
La première preuve raisonnable en faveur de l’existence de Dieu, celle dont nous avons déjà abondamment parlé sur ce Blog, c’est la preuve métaphysique tirée de l’observation de l’univers.
Le mot « métaphysique » peut faire un peu peur, mais il s’agit en réalité d’une chose très simple. En grec, le substantif « phusis » désigne la nature, et la préposition « meta » signifie « au-delà de ». La démarche métaphysique consiste donc à inférer à partir du monde existant ce que celui-ci présuppose pour être ce qu’il est, comme il est : il s'agit d'une démarche inductive qui part du donné objectif tel que les sciences positives nous le révèlent, et qui s’efforce de penser l’origine ontologique du donné observé ; de comprendre ce que celui-ci pré-requiert pour être ce qu’il est, comme il est.
Le point de départ du raisonnement réside donc dans la réalité matérielle ; dans la découverte, dans les réalités du monde qui nous entourent, d’une richesse qui se trouve en elles, mais dont ni elles ni la totalité du monde ne suffisent à rendre compte.
L’activité métaphysique de l’intelligence réfléchissant sur le donné objectif de l’univers va s'exercer selon le raisonnement suivant : si le monde, en ses parties comme en son tout, recèle en lui une qualité d’être dont il ne peut posséder lui-même la clef, c’est que cette réalité lui est conférée par un autre Être. Elle ne peut provenir en effet du néant, puisque le néant par définition, ne peut pas créer l’être ; elle ne peut provenir que d’un autre Être qui n’est pas l’être de l’univers, mais un Être distinct de l'univers et absolu (i.e. qui se suffit à lui même et ne dépend d'aucun autre être pour exister).
Cet Être qui possède la clef du secret de l'univers, de ses richesses enfouies et de sa qualité d'être, c’est Lui que nous nommons Dieu.
Le principe métaphysique que nous venons de mettre en oeuvre pour parvenir à cette conclusion est le principe de causalité en vertu duquel toute chose qui n’a pas sa raison d’être en elle-même doit l’avoir nécessairement dans une autre qui est à soi-même sa propre raison d’être. Nul être en effet ne peut se produire lui-même ; c’est là une impossibilité absolue. L’être qui se produirait lui-même existerait avant d’exister, ce qui est impossible. Par conséquent, tout ce qui est produit est nécessairement produit par un autre être qui est sa cause efficiente. Si cet autre être est lui-même produit, il a besoin à son tour d’une cause efficiente pour être ; et ainsi de suite, comme cela s’observe chez les êtres vivants, les plantes ou les animaux, qui naissent les uns des autres. Mais comme on ne peut procéder ainsi à l’infini, il est nécessaire de s’arrêter à une première cause efficiente qui ait produit le premier terme de la série sans s’être produite elle-même ; autrement, il n’y aurait pas de causes efficientes secondaires, et rien ne se produirait, puisque du néant, rien ne se peut faire. La première Cause efficiente, qui explique toutes les causes efficientes secondaires, et de laquelle celles-ci découlent nécessairement, est celle-là même que nous nommons Dieu.
L’observation du monde créé nous met donc sur la piste de l’existence de Dieu, parce que l’univers lui-même ne peut être la Cause efficiente première de toutes choses. L’univers lui-même a commencé d’être. Il ne comporte donc pas en lui-même le caractère ontologique de la suffisance. Si l’univers était suffisant, s’il était le seul Être, il n’aurait pas commencé d’être. Il existerait de tout éternité, puisque l’être ne peut pas procéder du néant. Pour commencer d’exister, il faut qu'il existe déjà ; mais s'il existe déjà, c'est qu'il n'a pas besoin de commencer d’exister! L’Être absolu, par conséquent, la Cause efficiente de toutes les causes efficientes secondaires que nous observons dans l’univers, est nécessairement éternel. Ce que l’univers n’est pas, puisque nous savons aujourd’hui qu’il est né avec le Big Bang (nous connaissons ainsi son âge), qu’il est en phase de croissance et d’évolution, et qu’il mourra un jour, quand toutes les étoiles seront éteintes.
Je sais bien que depuis Kant, beaucoup n’admettent plus la validité du principe de causalité en dehors de l’expérience sensible. Ils ne peuvent ou ne veulent pas s’élever au dessus du donné expérimental, au motif que l’on ne peut pas, selon eux, vérifier l’existence d’une Cause première. « On ne peut pas dire avec certitude que Dieu existe, affirment-ils, parce qu’on ne le voit pas, et qu’il n’existe aucun moyen de vérifier expérimentalement son existence. La métaphysique est une pure activité de l’esprit dont rien ne permet de démontrer la réalité de ses conclusions ».
Mais cette impossibilité expérimentale alléguée diminue-t-elle la valeur du raisonnement ? Serez-vous plus assuré de l’existence de l’ouvrier qui a fabriqué votre montre quand vous l’aurez vu ? Pour ma part, je n’ai pas besoin d’un constat sensoriel pour affirmer que ma montre existe et a besoin d’un horloger pour être ce qu’elle, comme elle est. Il existe d’autres modes de connaissances certaines que la connaissance de type expérimentale.
2. Les preuves tirées du consentement universel des hommes à l’existence de Dieu
Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire des hommes, on observe que tous les peuples ont toujours et partout manifesté leur croyance en une divinité à laquelle ils rendent un culte. Les historiens identifient d'ailleurs la naissance de l’humanité sur la terre à l’apparition des premières sépultures.
« Il n’y a pas de nations assez barbares, disait Cicéron, pour ignorer qu’il existe un Dieu, bien qu’elle ne sache pas quelle est sa nature ».
Or, une croyance universelle et perpétuelle, qui a pour objet :
1. une chose facile à connaître ;
2. de grande importance pour l’homme ;
3. contraire ou étrangère aux passions ;
est une croyance que l’on peut raisonnablement tenir pour vraie, dans la mesure où elle ne peut s’expliquer que par l’évidence, une évidence d’intuition ou de raisonnement.
Telle est la croyance en l’existence de Dieu.
Elle a pour objet :
1. une chose facile à connaître : la raison humaine s’élève sans peine, nous l'avons vu, de la considération des êtres de ce monde à la connaissance de leur auteur ;
2. une chose de grande importance pour l’homme : selon que Dieu est ou n’est pas, le sens de notre vie ne peut pas être le même ;
3. une chose contraire aux passions : l’effort des passions tendrait plutôt à effacer de la pensée l’idée de ce témoin gênant, de ce Juge inflexible, de ce « Vengeur » du vice qu'est Dieu dans l'esprit de beaucoup de gens.
Dès lors, la conclusion s’impose : le consentement universel des hommes à l’existence de Dieu est une preuve solide de l’existence de Dieu.
On pourrait certes prendre le contrepied exact de ce que je viens de dire pour considérer au contraire la multiplicité des religions existant dans le monde comme l'obstacle principal à la reconnaissance de l’existence de Dieu. Pourquoi ? Parce que cette diversité des religions introduit un élément de relativité dans un système de croyance qui a vocation à l’absolu. Si Dieu existe en effet, il est nécessairement UN. Car UNE est la vérité. Les hommes ont beau être des milliards sur la terre, tous différents les uns des autres, avec des mentalités et des cultures très hétérogènes, il n’en demeure pas moins que 2 et 2 font 4 pour tous. Si Dieu existe, et si son existence est aussi objective qu’une démonstration mathématique, alors il n’y a qu’un seul Dieu, et ce Dieu est le même pour tous, nonobstant la diversité des cultures et des mentalités.
Comment expliquer alors que tous ne reconnaissent pas le même Dieu ; que chacun ait sa propre conception de Dieu ? Comment rendre compte rationnellement de cette pluralité des religions sur la terre ?
Nous l’avons dit plus haut : aussi loin que l’on remonte dans le passé, on constate que les hommes n’ont jamais cessé de s’interroger sur l’origine des choses et de l’homme, et de chercher des solutions au problème métaphysique de leur existence en ce monde en ayant recours à cette Réalité suprême qu'est Dieu - ou le « divin » selon l’idée qu’on s’en fait.
Cette recherche religieuse n’a jamais cessé depuis l’homme de Cro-Magnon. On en trouve des traces constantes dans les innombrables religions qui ont marqué l’histoire des hommes : que l’on songe aux religions égyptiennes, babyloniennes ou Inca ; aux trois religions monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam ; à l’hindouisme, au bouddhisme et aux multiples religions animistes. Le phénomène des sectes lui-même nous dit quelque chose de la soif de Dieu qui habite le cœur de l’homme et qui le conduit à une recherche aussi passionnée que tourmentée de Dieu – ou du divin – et du sens de la vie.
Cette très grand multiplicité d’approches religieuses ne finit-elle donc pas par décrédibiliser le sentiment religieux lui-même qui, par nature, a vocation à livrer aux hommes une explication unique et définitive au monde et à la vie ; à présenter à l’humanité UN seul et unique Dieu ?
Eh bien, je ne le crois pas. Je pense tout au contraire que Dieu se manifeste très clairement dans toutes ces recherches humaines, nécessairement imparfaites parce qu’humaines. Ces "imperfections" ou "tâtonnements" ne doivent pas nous voiler le mystère du fait religieux dans l'histoire de l'humanité, le désir universel de Dieu qui nous révèle indirectement la Source qui en est à l'origine. Croyez-vous que l’homme connaîtrait la soif si l’eau n’existait pas ?
On pourrait objecter également que les religions ont trop souvent entraîné des divisions intolérables, des guerres et des conflits parfois très sanglants entre les hommes, et que tout cela ne plaide pas en faveur de l'existence de Dieu. C’est vrai ; c’est là un fait incontournable. Mais on pourrait tout aussi bien dire que la politique, elle aussi, a trop souvent entraîné des divisions, des guerres et des déchirements très violents entre les hommes : est-ce que cela signifie pour autant qu’il ne faille plus faire de la politique ?
On a beaucoup tué aussi pour de grands idéaux. Souvenez-vous de la plainte de Manon Rolland passant devant la statue de la Liberté alors qu’elle était conduite à l’échaffaud, le 8 novembre 1793 : « Liberté ! Liberté ! Que de crimes commis en ton nom ! » Est-ce à dire que la Liberté est mauvaise en soi du seul fait que certains ont tué en son nom ? Non bien sûr. Car ce n’est pas la politique, ni la Liberté, ni la religion qui tuent. Ce sont les hommes pervertis et aveuglés par la haine, trop heureux sans doute de trouver dans la Liberté ou en Dieu de nobles prétextes à l’assouvissement de leur pulsion de mort.
Un chrétien, nous le savons, ne peut assassiner son frère. Si un chrétien, par malheur, assassinait son frère, il ne se comporterait pas en chrétien. Et qu'il le fasse au nom du Christ ne changerait rien à l’affaire!
La question qui nous intéresse ici n'est pas de savoir comment l'homme accueille l'existence de Dieu quand il en est intimement convaincu (ce qu'il fait de Dieu lorsqu'il a connaissance de son existence) ; elle est simplement de savoir si Dieu existe ou non. Et nous voyons bien que l'usage de notre Raison nous conduit irrésistiblement à une réponse positive.
3. Les preuves tirées de l’observation de ce qu’est l’homme en lui-même
Nous verrons dans un prochain article que la considération de ce qu’est l’homme en lui-même nous met également sur la piste de l’existence de Dieu, d’un Dieu dont nous pourrons percevoir cette fois-ci non pas seulement l’existence, mais aussi ce qu’il est en lui-même, sa nature.
(à suivre…)
Bibliographie de cette partie consacrée aux preuves rationnelles de l'existence de Dieu (1/2) :
- Abbé Pierre DESCOUVEMONT, « Guide des difficultés de la foi catholique », 1989
- Exposition de la doctrine chrétienne, Tome I, « Le Dogme», Editions Fideliter, 1992
- Daniel FOUCHER, « Répondre aux questions », Editions de Montligeon, 1979
- Jacques LACOURT, « Croire en Dieu : est-ce possible aujourd’hui ? », Droguet & Ardant, 1991
- Mgr André-Mutien LEONARD, « Les raisons de croire », Communio Fayard, 1987
- Claude TRESMONTANT, « Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu », Editions du Seuil, 1966