29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 12:01

Extrait de l’encyclique Caritas in veritate du Pape Benoît XVI, donnée à Rome le 29 juin 2009, en la fête des Saints Apôtres Pierre et Paul.

 

28. Un des aspects les plus évidents du développement contemporain est l’importance du thème du respect de la vie, qui ne peut en aucun cas être disjoint des questions relatives au développement des peuples. Il s’agit d’un point qui depuis quelque temps prend une importance toujours plus grande, nous obligeant à élargir les concepts de pauvreté et de sous-développement aux questions liées à l’accueil de la vie, surtout là où celle-ci est de diverses manières refusée.

 

Non seulement la pauvreté provoque encore dans de nombreuses régions un taux élevé de mortalité infantile, mais en plusieurs endroits du monde subsistent des pratiques de contrôle démographique par les instances gouvernementales, qui souvent diffusent la contraception et vont jusqu’à imposer l’avortement. Dans les pays économiquement plus développés, les législations contraires à la vie sont très répandues et ont désormais conditionné les coutumes et les usages, contribuant à diffuser une mentalité antinataliste que l’on cherche souvent à transmettre à d’autres États comme si c’était là un progrès culturel.

 

Certaines Organisations non-gouvernementales travaillent activement à la diffusion de l’avortement, et promeuvent parfois dans les pays pauvres l’adoption de la pratique de la stérilisation, y compris à l’insu des femmes. Par ailleurs, ce n’est pas sans fondement que l’on peut soupçonner les aides au développement d’être parfois liées à certaines politiques sanitaires impliquant de fait l’obligation d’un contrôle contraignant des naissances. Sont également préoccupantes les législations qui admettent l’euthanasie comme les pressions de groupes nationaux et internationaux qui en revendiquent la reconnaissance juridique.

 

L’ouverture à la vie est au centre du vrai développement. Quand une société s’oriente vers le refus et la suppression de la vie, elle finit par ne plus trouver les motivations et les énergies nécessaires pour œuvrer au service du vrai bien de l’homme. Si la sensibilité personnelle et sociale à l’accueil d’une nouvelle vie se perd, alors d’autres formes d’accueil utiles à la vie sociale se dessèchent. L’accueil de la vie trempe les énergies morales et nous rend capables de nous aider mutuellement. En cultivant l’ouverture à la vie, les peuples riches peuvent mieux percevoir les besoins de ceux qui sont pauvres, éviter d’employer d’importantes ressources économiques et intellectuelles pour satisfaire les désirs égoïstes de leurs citoyens et promouvoir, en revanche, des actions bénéfiques en vue d’une production moralement saine et solidaire, dans le respect du droit fondamental de tout peuple et de toute personne à la vie.

 

29. Il y a encore un autre aspect de la réalité d’aujourd’hui, lié de façon très étroite au développement : c’est la négation du droit à la liberté religieuse. Je ne me réfère pas seulement aux luttes et aux conflits qui, dans le monde, ont des motifs religieux, même si parfois les raisons religieuses ne servent qu’à couvrir des raisons d’un autre genre, en l’occurrence la soif de pouvoir et de richesse. Comme mon prédécesseur Jean-Paul II l’avait publiquement dit et déploré à plusieurs reprises et ainsi que je l’ai fait moi-même, de fait, aujourd’hui on tue souvent en invoquant le saint nom de Dieu. Les violences freinent le développement authentique et empêchent la marche des peuples vers un plus grand bien-être socio-économique et spirituel. Cela s’applique spécialement au terrorisme de nature fondamentaliste, qui engendre douleur, dévastation et mort, bloque le dialogue entre les nations et détourne d’importantes ressources de leur usage pacifique et civil. Il faut néanmoins ajouter que, outre le fanatisme religieux qui, en certains milieux, empêche l’exercice du droit à la liberté religieuse, la promotion programmée de l’indifférence religieuse ou de l’athéisme pratique de la part de nombreux pays s’oppose elle aussi aux exigences du développement des peuples, en leur soustrayant l’accès aux ressources spirituelles et humaines. Dieu est le garant du véritable développement de l’homme, puisque, l’ayant créé à son image, Il en fonde aussi la dignité transcendante et alimente en lui la soif d’« être plus ». L’homme n’est pas un atome perdu dans un univers de hasard, mais il est une créature de Dieu, à qui Il a voulu donner une âme immortelle et qu’Il aime depuis toujours. Si l’homme n’était que le fruit du hasard ou de la nécessité, ou bien s’il devait réduire ses aspirations à l’horizon restreint des situations dans lesquelles il vit, si tout n’était qu’histoire et culture et si l’homme n’avait pas une nature destinée à être transcendée dans une vie surnaturelle, on pourrait parler de croissance ou d’évolution, mais pas de développement. Quand l’État promeut, enseigne, ou même impose, des formes d’athéisme pratique, il soustrait à ses citoyens la force morale et spirituelle indispensable pour s’engager en faveur du développement humain intégral et il les empêche d’avancer avec un dynamisme renouvelé dans leur engagement pour donner une réponse humaine plus généreuse à l’amour de Dieu. Il arrive aussi que les pays économiquement développés ou émergents exportent vers les pays pauvres, dans le contexte de leur rapports culturels, commerciaux et politiques, cette vision réductrice de la personne et de sa destinée. C’est le dommage que le « surdéveloppement » inflige au développement authentique, quand il s’accompagne d’un « sous-développement moral ».

 

30. Dans cette perspective, le thème du développement humain intégral revêt une portée encore plus complexe : la corrélation entre ses multiples composantes exige qu’on s’efforce de faire interagir les divers niveaux du savoir humain en vue de la promotion d’un vrai développement des peuples. On estime souvent que le développement, ou les mesures socio-économiques qui s’y rapportent, demandent seulement à être mis en œuvre comme fruit d’un agir commun. Toutefois, cet agir commun a besoin d’être orienté, parce que toute action sociale engage une doctrine. Compte tenu de la complexité des problèmes, il est évident que les différentes disciplines scientifiques doivent collaborer dans une interdisciplinarité ordonnée. La charité n’exclut pas le savoir, mais le réclame, le promeut et l’anime de l’intérieur. Le savoir n’est jamais seulement l’œuvre de l’intelligence. Il peut certainement être réduit à des calculs ou à des expériences, mais s’il veut être une sagesse capable de guider l’homme à la lumière des principes premiers et de ses fins dernières, il doit être « relevé » avec le « sel » de la charité. Le ‘faire’ sans le ‘savoir’ est aveugle et le ‘savoir’ sans ‘amour’ est stérile. En effet, celui qui est animé d’une vraie charité est ingénieux à découvrir les causes de la misère, à trouver les moyens de la combattre, à la vaincre résolument. Face aux phénomènes auxquels nous sommes confrontés, l’amour dans la vérité demande d’abord et avant tout à connaître et à comprendre, en reconnaissant et en respectant la compétence spécifique propre à chaque champ du savoir. La charité n’est pas une adjonction supplémentaire, comme un appendice au travail une fois achevé des diverses disciplines, mais au contraire elle dialogue avec elles du début à la fin. Les exigences de l’amour ne contredisent pas celles de la raison. Le savoir humain est insuffisant et les conclusions des sciences ne pourront pas, à elles seules, indiquer le chemin vers le développement intégral de l’homme. Il est toujours nécessaire d’aller plus loin : l’amour dans la vérité le commande. Aller au-delà, néanmoins, ne signifie jamais faire abstraction des conclusions de la raison ni contredire ses résultats. Il n’y a pas l’intelligence puis l’amour : il y a l’amour riche d’intelligence et l’intelligence pleine d’amour.

 

31. Cela signifie que les évaluations morales et la recherche scientifique doivent croître ensemble et que la charité doit les animer en un ensemble interdisciplinaire harmonieux, fait d’unité et de distinction. La doctrine sociale de l’Église, qui a « une importante dimension interdisciplinaire », peut remplir, dans cette perspective, une fonction d’une efficacité extraordinaire. Celle-ci permet à la foi, à la théologie, à la métaphysique et aux sciences de trouver leur place en collaborant au service de l’homme. C’est ici surtout que la doctrine sociale de l’Église concrétise sa dimension sapientielle. Paul VI avait vu clairement que parmi les causes du sous-développement, il y a un manque de sagesse, de réflexion, de pensée capable de réaliser une synthèse directrice, pour laquelle une claire vision de tous les aspects économiques, sociaux, culturels et spirituels est exigée. Le morcellement excessif du savoir, la fermeture des sciences humaines à la métaphysique, les difficultés du dialogue entre les sciences et la théologie portent préjudice non seulement au développement du savoir, mais aussi au développement des peuples car, quand cela se vérifie, il devient plus difficile de distinguer le bien intégral de l’homme dans les différentes dimensions qui le caractérisent. L’élargissement de notre conception et de notre usage de la raison est indispensable pour réussir à peser adéquatement tous les termes de la question du développement et de la solution des problèmes socio-économiques. 

 

   

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Publié par Matthieu BOUCART -
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