17 octobre 2010 7 17 /10 /octobre /2010 09:36

 

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre »

 

Nous avons déjà réfléchi sur la notion de « commencement », puis sur Celui que l’auteur biblique appelle « Dieu ». Il nous revient maintenant de méditer sur le concept de « création ».

 

Dieu créé. « Elohim bara » en hébreu. C'est-à-dire qu’Il fait surgir dans l'existence de l’être qui n’est pas de la même substance que Lui : la Création n’est ni une procession, ni une émanation, mais un acte de la Toute Puissance divine qui fait advenir à l’être ce qui n’était pas.

 

Dieu fait exister ce qu’Il créé – tandis que Lui, Dieu, ne dépend de rien ni de personne pour exister, pour être ce qu’il est comme il est : Il est, tout simplement. Il est l’Être absolu (sans aucun lien de dépendance avec un quelconque autre être) ; l’Être éternel, incréé et suffisant. Il est l’Être nécessaire, qui ne peut pas ne pas être, l’Être premier (le néant absolu ne pouvant pas être premier – absolument pas –, car : si rien n’était à l’origine du monde, rien ne serait de toute éternité ; le néant est incapable par lui-même de produire de l'être).

 

Le mot hébreu « bara » que l'on traduit dans nos Bibles par « créer » signifie primitivement « tailler » : il n’implique donc pas, de soi, l’absence de toute matière pré-existante. Quand je taille un rosier, l’action de tailler ne fait pas exister le rosier : le rosier existait déjà avant que je le taille. Toutefois, dans la Bible, quand le verbe « bara » désigne une action sur une matière pré-existante, il prend une autre forme (pihel, béré) ; il a pour sujet dans ce cas un être humain et pour objet la matière sur laquelle s’exerce le travail (cf. Jos. 17. 15). Dans la forme employée ici, le verbe « bara » a toujours, dans la Bible, Dieu pour sujet et le résultat de l’action accomplie pour objet (cf. Is 43. 1) ; il est toujours réservé à l’action créatrice de Dieu ou à ses interventions éclatantes dans l’Histoire. 

 

L’hébreu a en outre d’autres expressions pour désigner l’action de Dieu sur une matière pré-existante : le verbe « asah », « faire » (cf. Gn 1. 7, 16, 26,…) ; le verbe « jatsar », « former » ou « modeler » (Gn 2. 7-8 et 19) ; le verbe « banah », « construire », « façonner » (cf. la création de Eve en Gn 2. 22) ; etc.

 

Mis en relation comme il l’est ici avec l’idée de commencement, le verbe « créer » ne peut que désigner le surgissement dans l’être de l’univers lui-même (visible et invisible) par la Toute Puissance divine ; autrement il faudrait admettre que l’univers supposé pré-existant à l'acte créateur de Dieu soit apparu de lui-même ou encore qu’il soit éternel, deux hypothèses qui seraient en contradiction avec l’intuition de tout le récit.

 

Quand Dieu créé le ciel et la terre, il fait exister le ciel et la terre. Sans Dieu, le ciel et la terre – et tout ce qu’ils contiennent – n’existeraient pas. Ils n’existent pas par eux-mêmes, indépendamment de l’acte créateur de Dieu ; ils reçoivent leur être même de Dieu. Voilà le sens profond de ce premier verset – si dense et si riche – du livre de la Genèse.

 

Avec la Création, se met à exister une deuxième sorte d’être : une sorte d’être qui n’est pas Dieu, dont les caractères ontologiques la distinguent radicalement de Dieu (puisque comportant un commencement, une croissance, des corruptions,…). L’Univers physique, la Nature, les hommes (les empereurs, les rois...) ne sont pas divins ; ils ne sont pas l’Être absolu et nécessaire, l’Être premier ; ils sont créés – ils sont seconds.

 

Il faut donc clairement distinguer l’Être de Dieu et l’être de l’univers (visible et invisible) – cela, contre les deux grandes traditions métaphysiques de l'Histoire de l’humanité que sont l’idéalisme (pour qui l’univers est une apparence, le seul Être existant étant l’Esprit – l’univers apparent étant une manifestation de l’Esprit) et le matérialisme (pour qui le seul Être existant est l’univers physique – l'esprit étant une manifestation de la matière).

 

Pour ces deux grandes traditions métaphysiques, il n’existe qu’une seule sorte d’être : l’Esprit pour les idéalistes (qui considèrent la matière comme de l’Esprit) ; l’Univers physique pour les matérialistes (qui considèrent l'esprit comme un phénomène de la matière). Ces traditions sont monistes, en tant qu’elles ne discernent l’existence que d’une seule sorte d’être, tandis que l’affirmation de foi qui ouvre notre Bible confesse l’existence de deux sortes d’êtres : l’Être même de Dieu, incréé, éternel, impérissable, absolu ; et l’être de l’univers (visible et invisible) qui est créé, fini, corruptible et contingent.

 

La première affirmation de la Bible est donc une affirmation métaphysique. « La première proposition qui ouvre la sainte Bibliothèque hébraïque est une proposition proprement métaphysique, Genèse 1,1 (…). Cette première proposition enseigne que l’Univers physique n’est pas l’Être pris absolument, ou l’Être absolu, ou la totalité de l’Être ; que l’Être absolu est distinct de l’Univers physique, et qu’il existe une certaine relation entre l’Être absolu et l’Univers physique. Cette relation, c’est le don de l’être ou de l’existence. » (Claude Tresmontant, in L’activité métaphysique de l’intelligence et la théologie).

 

***

 

Dieu créé, nous dit le texte biblique, « le ciel et la terre ». C'est-à-dire : la totalité de ce qui existe… en dehors de Lui : « Rien de ce qui est créé n’est Dieu : la terre a été pétrie puis stabilisée sur ses bases ; le ciel est une calotte qui fut martelée comme un cuivre et cloutée de jolies lumières qu’il serait faux de prendre pour des divinités. Cela, la Parole divine devra le répéter longtemps. St Augustin entendra les créatures lui murmurer qu’elles ne sont pas l’Absolu et qu’il doit monter plus haut pour trouver ce qu’il cherche. » (P. André Manaranche).

 

Le mot hébreu qui désigne le ciel est un pluriel : « schamaïm », « les cieux ». Dieu créé les cieux et la terre. Par cieux, il convient d’inclure, outre notre ciel terrestre, l’univers invisible – le monde angélique. Le pluriel fait allusion aux nombreux espaces célestes qui se superposent les uns aux autres (cf. « les cieux des cieux » en 1 R 8. 27 et le « troisième ciel » en 2 Co. 12. 2). « Le ‘ciel’ ou les ‘cieux’ peut désigner le firmament, mais aussi le « lieu » propre de Dieu : « notre Père aux cieux » (Mt 5. 16) et par conséquent aussi le « ciel » qui est la gloire eschatologique. Enfin, le mot ‘ciel’ indique le « lieu » des créatures spirituelles – les anges – qui entourent Dieu » (CEC, § 326).

 

La « terre » quant à elle désigne toute la réalité matérielle qui nous entoure (le Cosmos en grec) : notre Univers Physique pris en son ensemble et en toutes ses composantes, de l’infiniment petit à l’infiniment grand.

 

Sur la base de cette Révélation divine, le Symbole de Apôtres professe que Dieu est « le Créateur du ciel et de la terre » et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite : « … de l’univers visible et invisible ».

 

La profession de foi du 4e Concile du Latran affirme pour sa part que Dieu « a tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire les anges et le monde terrestre ; puis la créature humaine qui tient des deux, composée qu’elle est d’esprit et de corps. » (CEC § 325 et 327).

 

[Sur la création de Anges : se reporter au CEC (Catéchisme de l’Eglise catholique aux paragraphes 328 et suivants). Réécouter aussi l'enseignement d'Arnaud Dumouch sur les Anges.]

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Publié par Matthieu BOUCART -
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