<br /> <br /> Cher Xavier,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « L’image qu’ont les musulmans du Dieu Unique est donnée par<br /> Dieu ? » Dans ce qu’elle a de juste, oui forcément. Comme disait St Thomas d’Aquin : « Toute vérité dite par qui que ce soit vient de l’Esprit Saint ».<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « Dieu, d’un côté se révèle comme étant Amour, et de l’autre<br /> non » ? Je ne suis pas sûr que l’on puisse dire de manière aussi tranchée que le Dieu des musulmans n’est pas un Dieu<br /> d’Amour…<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « Bien sûr qu’il existe UN SEUL DIEU, et qu’à ce titre, les Témoins de Jéhovah,<br /> les déistes, les musulmans, les juifs, les chrétiens et que sais-je encore parle du même Principe à l’origine de toute chose. » Le monothéisme vous paraît évident, Xavier, mais dans l’histoire des religions et des philosophies, il ne l’est pas – il reste un scandale pour la pensée<br /> humaine dont le penchant naturel (sans doute un effet du péché originel) est le monisme de l’être (qu’il soit spiritualiste ou matérialiste) – ainsi<br /> que l’a admirablement démontré Claude Tresmontant. L’affirmation d’un Créateur personnel et intelligent, ontologiquement distinct de l’univers physique, est une idée qui reste<br /> « révolutionnaire », et à contre-courant de la tendance spontanée de l’intelligence humaine.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Or, nous avons ceci de commun avec les musulmans que nous croyons en ce Dieu unique, personnel, Créateur, intelligent, Tout-Puissant,<br /> ontologiquement distinct de l’univers physique, infini, éternel… qui n’est certes pas le TOUT de notre foi, mais qui n’est pas RIEN non plus. C’est le même Dieu Unique que nous proclamons – c’est<br /> en Lui que nous croyons ; c’est Lui que nous adorons ; c’est à Lui que nous voulons soumettre notre vie.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « il y a un monde entre dire qu’il y a un seul Dieu, et connaître qui Il est. Il y<br /> a un monde entre dire qu’il n’y a qu’un seul Dieu et en avoir une vision correcte. » Je suis<br /> d’accord, et je ne dis pas autre chose. Une chose est d’affirmer qu’une réalité existe. Une autre est de dire ce qu’elle est. Les musulmans ont reçu la grâce de connaître Dieu en son unicité et<br /> en sa transcendance ; ils ne savent pas (encore) que l’unicité de Dieu est d’essence trinitaire, ni que la seconde personne de la Trinité s’est faite homme. Mais cette méconnaissance ne doit<br /> pas occulter ce que nous avons de commun – et qui est extrêmement précieux, dans un monde qui ne croit plus en rien, ou qui croit en n’importe quoi (cf. le New Age, les superstitions,<br /> l’ésotérisme, l’occultisme…).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « Prenons un exemple : vous avez un frère qui n’a pas grandi à la maison mais<br /> chez vos grands-parents. Vos grands-parents n’ont cessé de lui enseigner que votre père commun était violent et alcoolique. Vous, vivant au jour le jour avec lui, vous savez que c’est faux. Vous<br /> avez certes le même père, vous vous revendiquez certes du même père, mais l’image que vous en avez est radicalement différente et conditionne votre relation avec lui. Pire : votre frère, en<br /> un sens, ne connaît pas votre père, il parle d’un autre, un individu imaginaire. » Ce qui est imaginaire, c’est la<br /> représentation qu'il se fait du père – ce n’est pas le père lui-même, qui est bien réel. Croire en l’existence de Dieu, et le juger bon au point de vouloir lui soumettre sa vie, c’est là un point<br /> capital qui caractérise les croyants monothéistes à la face du monde, et qui me paraît un facteur d’union entre eux – susceptible, en tous les cas, de poser les bases d’un vrai dialogue (qui ne<br /> se limite pas, soit dit en passant, aux seules discussions théologiques…). Le fait que nous croyions dans ce même Dieu nous autorise à partager réciproquement la vision singulière que nous avons<br /> de Lui – à exposer chacun notre point de vue sur Lui –, en vertu même de cette fraternité que vous suggérez dans votre analogie.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « De même, les musulmans<br /> ne s’adressent pas au Dieu Unique Vivant et subsistant, mais à une idole, une vision déformée de Dieu. » L’idôlatrie n’est pas une vision déformée de Dieu – l’idôlatrie est une vision déformée<br /> d’une réalité naturelle que l’on divinise à tort. Les musulmans ne me paraissent pas entrer dans cette catégorie (même s’il existe, bien entendu, des musulmans idôlatres, comme il existe des<br /> chrétiens idôlatres…).<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « De cela, il n’y a aucun doute à avoir, à moins de tomber dans un relativisme<br /> théologique absurde. »<br /> Ce n’est pas du relativisme – puisque le dialogue interreligieux est conçu comme un lieu de témoignage de la foi<br /> chrétienne, une œuvre d’évangélisation. Il ne s’agit pas de renier ce que nous sommes, ni de sous-estimer l’importance et la gravité de la mission ; mais de nouer une relation avec les<br /> hommes à partir de ce que nous avons en commun avec eux – pour mieux proclamer l’évangile, dans un langage qu'ils peuvent comprendre (on ne<br /> parle pas ainsi à un musulman comme on parle à un athée…). Je rappelle à cet égard le préambule de la Déclaration Nostra Aetate, qui donne le fondement du dialogue avec les musulmans<br /> (notamment) : « Dans sa tâche de promouvoir l’unité et la charité entre les hommes, et aussi entre les peuples, elle examine ici d’abord ce que les hommes ont en commun et qui les pousse à vivre ensemble leur destinée. »<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> « Je crois que les chrétiens souffrent d'une frilosité. Sous prétexte<br /> d'"ouverture", ils n'osent plus affirmer qu'ils ont raison et que les musulmans ont tort. » Mais la réalité n’est pas aussi<br /> binaire que cela, Xavier. Les musulmans ont tort, oui… mais pas absolument. L’Eglise reconnaît que les religions non chrétiennes « reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. » C’est pourquoi elle « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. » Et ceci vaut en particulier de l’islam. Il n’est donc pas possible de rejeter l’islam en<br /> bloc comme une réalité entièrement fausse et idôlatre sans se mettre en porte à faux avec la doctrine catholique elle-même.<br /> <br /> <br /> <br />

<br /> <br /> Merci Henry pour ton sympathique commentaire!  A l'appui de ce point de vue, on peut aussi invoquer la<br /> déclaration conciliaire Nostra Aetate, selon laquelle "L’Église regarde (...) avec estime les musulmans, qui adorent LE Dieu unique [et non pas "UN" Dieu unique...], vivant et<br /> subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes."<br /> <br /> <br /> <br />