25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 11:08

Extrait de l’encyclique Caritas in veritatedu Pape Benoît XVI, donnée à Rome le 29 juin 2009, en la fête des Saints Apôtres Pierre et Paul.

 

16.  Dans Populorum progressio, Paul VI a voulu nous dire, avant tout, que le progrès, dans son apparition et son essence, est une vocation : « Dans le dessein de Dieu, chaque homme est appelé à se développer car toute vie est vocation ». C’est précisément ce qui autorise l’Église à intervenir dans les problématiques du développement. Si ce dernier ne concernait que des aspects techniques de la vie de l’homme, et non le sens de sa marche dans l’Histoire avec ses autres frères ou la définition du but d’un tel cheminement, l’Église n’aurait aucun titre pour en parler. Comme Léon XIII dans Rerum novarum, Paul VI était conscient de s’acquitter d’un devoir propre à sa charge, en projetant la lumière de l’Évangile sur les questions sociales de son temps.

 

Définir le développement comme une vocation, c’est reconnaître, d’un côté, qu’il naît d’un appel transcendant et, de l’autre, qu’il est incapable de se donner par lui-même son sens propre ultime. Ce n’est pas sans raison que le mot “vocation” revient dans un autre passage de l’encyclique, où il est affirmé : « Il n’y a donc d’humanisme vrai qu’ouvert à l’Absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie humaine ». Cette vision du développement est le cœur de Populorum progressio et anime toutes les réflexions de Paul VI sur la liberté, la vérité et la charité dans le développement. C’est la raison principale pour laquelle cette encyclique demeure encore actuelle de nos jours.

 

17. La vocation est un appel qui réclame une réponse libre et responsable. Le développement humain intégral suppose la liberté responsable de la personne et des peuples : aucune structure ne peut garantir ce développement en dehors et au-dessus de la responsabilité humaine. Les « messianismes prometteurs, mais bâtisseurs d’illusions » fondent toujours leurs propositions sur la négation de la dimension transcendante du développement, étant certains de l’avoir tout entier à leur disposition. Cette fausse sécurité se change en faiblesse, parce qu’elle entraîne l’asservissement de l’homme, réduit à n’être qu’un moyen en vue du développement, tandis que l’humilité de celui qui accueille une vocation se transforme en autonomie véritable, parce qu’elle libère la personne. Paul VI ne doute pas que des obstacles et des conditionnements freinent le développement, mais il reste certain que « chacun demeure, quelles que soient les influences qui s’exercent sur lui, l’artisan principal de sa réussite ou de son échec ». Cette liberté concerne le développement qui a lieu sous nos yeux, mais aussi, en même temps, les situations de sous-développement qui ne sont pas le fruit du hasard ou d’une nécessité historique, mais qui dépendent de la responsabilité humaine. C’est pourquoi « les peuples de la faim interpellent aujourd’hui de façon dramatique les peuples de l’opulence ». Il s’agit là encore d’une vocation, en tant qu’appel adressé par des hommes libres à des hommes libres pour qu’ils prennent ensemble leurs responsabilités. Paul VI eut une compréhension pénétrante de l’importance des structures économiques et des institutions, mais il perçut tout aussi clairement qu’elles étaient des instruments au service de la liberté humaine. Le développement ne peut être intégralement humain que s’il est libre ; seul un régime de liberté responsable lui permet de se développer de façon juste.

 

18. Outre la liberté, le développement intégral de l’homme comme vocation exige aussi qu’on en respecte la vérité. La vocation au progrès pousse les hommes à « faire, connaître et avoir plus, pour être plus ». Mais là est le problème : que signifie « être davantage » ? À cette question, Paul VI répond en indiquant la caractéristique essentielle du développement authentique : il « doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme ». Parmi les différentes visions concurrentes de l’homme proposées dans la société d’aujourd’hui plus encore qu’au temps de Paul VI, la vision chrétienne a la particularité d’affirmer et de justifier la valeur inconditionnelle de la personne humaine et le sens de sa croissance. La vocation chrétienne au développement aide à poursuivre la promotion de tous les hommes et de tout l’homme. Paul VI écrivait : « Ce qui compte pour nous, c’est l’homme, chaque homme, chaque groupement d’hommes, jusqu’à l’humanité tout entière ». La foi chrétienne se préoccupe du développement sans s’appuyer sur des privilèges ou sur des positions de pouvoir, ni même sur les mérites des chrétiens qui ont certes existé et existent encore aujourd’hui en même temps que leurs limites naturelles, mais uniquement sur le Christ, à qui doit être rapportée toute vocation authentique au développement humain intégral. L’Évangile est un élément fondamental du développement, parce qu’en lui le Christ, « dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même ». Eduquée par son Seigneur, l’Église scrute les signes des temps et les interprète et elle offre au monde « ce qu’elle possède en propre : une vision globale de l’homme et de l’humanité ». Précisément parce que Dieu prononce le plus grand OUI à l’homme, l’homme ne peut faire moins que de s’ouvrir à l’appel divin pour réaliser son propre développement. La vérité du développement réside dans son intégralité : s’il n’est pas de tout l’homme et de tout homme, le développement n’est pas un vrai développement. Tel est le centre du message de Populorum progressio, valable aujourd’hui et toujours. Le développement humain intégral sur le plan naturel, réponse à un appel du Dieu créateur, demande de trouver sa vérité dans un « humanisme transcendant, qui (…) donne [à l’homme] sa plus grande plénitude : telle est la finalité suprême du développement personnel ». La vocation chrétienne à ce développement concerne donc le plan naturel comme le plan surnaturel ; c’est pourquoi « quand Dieu est éclipsé, notre capacité de reconnaître l’ordre naturel, le but et le “bien” commence à s’évanouir ».

 

19. Enfin, la vision du développement en tant que vocation implique que la charité y occupe une place centrale. Dans l’encyclique Populorum progressio, Paul VI observait que les causes du sous-développement ne sont pas d’abord d’ordre matériel. Il nous invitait à les rechercher dans d’autres dimensions de l’homme : tout d’abord dans la volonté, qui se désintéresse souvent des devoirs de la solidarité ; en second lieu, dans la pensée qui ne parvient pas toujours à orienter convenablement le vouloir. C’est pourquoi, dans la quête du développement, il faut « des sages de réflexion profonde, à la recherche d’un humanisme nouveau, qui permette à l’homme moderne de se retrouver lui-même ». Mais ce n’est pas tout. Le sous-développement a une cause encore plus profonde que le déficit de réflexion : c’est « le manque de fraternité entre les hommes et entre les peuples ». Cette fraternité, les hommes pourront-ils jamais la réaliser par eux seuls ? La société toujours plus mondialisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères. La raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité. Celle-ci naît d’une vocation transcendante de Dieu Père, qui nous a aimés en premier, nous enseignant par l’intermédiaire du Fils ce qu’est la charité fraternelle. Dans sa présentation des différents niveaux du processus de développement de l’homme, Paul VI, après avoir mentionné la foi, mettait au sommet « l’unité dans la charité du Christ qui nous appelle tous à participer en fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes ».

 

20. Ces perspectives, ouvertes par Populorum progressio, demeurent fondamentales pour donner une envergure et une orientation à notre engagement au service du développement des peuples. Populorum progressio souligne ensuite à plusieurs reprises l’urgence des réformes et demande que, face aux grands problèmes de l’injustice dans le développement des peuples, on agisse avec courage et sans retard. Cette urgence est dictée aussi par l’amour dans la vérité. C’est la charité du Christ qui nous pousse : « Caritas Christi urget nos » (2 Co 5, 14). L’urgence n’est pas seulement inscrite dans les choses ; elle ne découle pas uniquement de la pression des événements et des problèmes, mais aussi de ce qui est proprement en jeu : la réalisation d’une authentique fraternité. L’importance de cet objectif est telle qu’elle exige que nous la comprenions pleinement et que nous nous mobilisions concrètement avec le “cœur”, pour faire évoluer les processus économiques et sociaux actuels vers des formes pleinement humaines.

 

 

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Publié par Matthieu BOUCART -
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