15 juillet 2007 7 15 /07 /juillet /2007 14:52

Cher Miky,

Je te remercie pour ton dernier commentaire qui va me permettre de revenir sur des points importants déjà abordés ici (Cf. Compagnons de route sur la chemin de la vérité, Commentaire n°3).

J'observe tout d'abord que tu n'as toujours pas répondu à ma série d’articles en réponse à ta réflexion sur le raisonnement métaphysique (Cf. Est-il raisonnable de croire en Dieu?, III). Ceci n'est pas un reproche : je sais combien ton emploi du temps était particulièrement chargé ces dernières semaines... Mais cela rend ton commentaire un peu anachronique. Les réponses à tes objections s'y trouvent en effet. Et ce qui suit ne fait qu’en reprendre la substantifique moelle. Les as-tu donc lu ?

« Je pense, écris-tu, qu'il nous faut trancher le noeud gordien une bonne fois pour toute. » Démarche ambitieuse, à laquelle je veux bien essayer de contribuer…

Pour résumer nos positions : tu dénies pour ta part tout caractère rationnel à l’explication « théiste » de l’univers, seule l’explication « naturaliste » te paraissant intellectuellement satisfaisante et rationnellement valide : « les arguments "rationnels" en faveur de l'existence de Dieu ne sont justement pas rationnels, affirmes-tu, et c'est bien là le problème. Ils n'ont que l'apparence de la rationalité. S'ils dénotaient un usage excessif de la raison, cela pourrait passer. Mais ils dénotent plutôt un usage partiel et partial de la raison, et c'est au nom de la raison et de la vérité qu'il convient justement d'en montrer l'inanité. » (Cf. Compagnons de route sur la chemin de la vérité, Commentaire n°1).

J'affirme de mon côté l'exact contraire : à savoir que seule l'existence de Dieu fournit une explication authentiquement rationnelle à l'existence de l'univers, l'athéisme me paraissant une option absurde et dépassée, les découvertes scientifiques du siècle passé lui ayant asséné un coup fatal...

Nos deux positions s’avèrent donc foncièrement incompatibles, et irrémédiablement inconciliables.

Note bien Miky que cela ne nous empêche pas de dialoguer, de réfléchir, et même de nous respecter et de nous apprécier,… C’est un peu ce que je voulais exprimer dans mon dernier article. C’est le même amour de la vérité, me semble-t-il, qui nous a donné de nous rencontrer (par Blogs interposés), et d’entretenir un fructueux échange. Et même si en apparence rien n’a bougé dans nos conceptions réciproques, je suis convaincu que, silencieusement, mystérieusement, mais sûrement, la Charité divine a fait son chemin dans nos cœurs et dans celui de ceux qui nous lisent. Que le Seigneur soit béni pour cela !

Mais revenons à nos moutons…

« La démarche rationnelle, écris-tu, repose sur trois bases : la logique (principe d'identité, principe de causalité), la formation de concepts, l'expérience objective (…) Or, je ne vois pas comment une combinaison exclusive de ces trois bases selon les modalités que tu voudras pourrait permettre d'inférer, ne serait-ce qu'en probabilité, l'existence d'un être qui par définition transcende l'expérience objective » (Cf. Compagnons de route sur la chemin de la vérité, Commentaire n°3).

Voilà donc le problème… Tu te refuses à inscrire la croyance en l’existence de Dieu dans une démarche qui se prétendrait rationnelle, parce que cette croyance porte sur « l'existence d'un être qui par définition transcende l'expérience objective. » Or, la démarche rationnelle devrait, pour être authentiquement rationnelle, se limiter strictement à ce qui est « empiriquement attestable »

Eh bien, tel est précisément l’objet de notre désaccord ! Et c’est peut-être là le vrai nœud du problème. Car en réalité, ce n’est pas le procès de la religion que tu fais, mais bien celui de la métaphysique. Tu l’as du reste toi-même reconnu, en affirmant sur ton Blog « ne pas rejeter a priori toute démarche métaphysique, mais contester qu'une telle démarche puisse fournir une connaissance universellement et objectivement valable. C'est ma démarche. Pour moi, la métaphysique peut permettre de préciser, systématiser, rationaliser, etc. un ensemble d'intuitions, et de les synthétiser avec les connaissances objectives fournies par les sciences expérimentales, les mathématiques, l'histoire, etc. Autrement dit, la métaphysique ne dit pas le réel, elle dit une certaine vision du monde » (Cf. La métaphysique expérimentale : une définition personnelle, Commentaire n°2).

Voilà pourquoi il t’est si difficile de croire en l’existence de Dieu : parce que tu ne crois pas l’esprit humain capable de parvenir à « une connaissance universellement et objectivement valable », et de dire le réel au-delà de ce qui est « empiriquement attestable ».

Ce sur quoi je te répondrais que nous avons de l’univers une connaissance qui dépasse amplement ce que nous pouvons observer de lui… Je te citais l’exemple de Le Verrier, qui a découvert la planète Neptune au moyen d’une démarche purement intellectuelle, un simple calcul mathématique dont les résultats furent confirmés a posteriori par le télescope de l’Observatoire de Berlin… Je rappelais également que la découverte de l’expansion de l’univers a été faite par des travaux purement mathématiques à partir de la Relativité, avant même que l’on ait eu connaissance des travaux expérimentaux de Hubble et Humason, dans l’ignorance des découvertes faites par les astronomes (Cf. Est-il raisonnable de croire... en la raison?).

Mais je pourrais aussi m’inspirer de la recherche historique, qui démontre bien que l’homme a cette extraordinaire faculté, à partir de quelques indices seulement, de reconstituer tout un réel qu’il n’a jamais observé par lui-même.

Il est donc bien possible d’avoir des connaissances certaines sur des réalités qui nous dépassent, à partir du moment où l’on part de l’observation du réel, et que l’on raisonne correctement sur ce réel.

J’insiste sur ce point : un discours rationnel n’est pas seulement un discours cohérent et intelligent, mais un discours en rapport avec le réel. Tu seras d’accord avec moi pour considérer que la rationalité se définie exclusivement dans sa relation avec l’expérience, ce que les psychiatres appelaient naguère la « fonction du réel ». Le schizophrène peut ainsi raisonner correctement du point de vue de la logique pure : ce qui manque à son raisonnement pour être authentiquement rationnel, c’est précisément cette « fonction du réel », cette relation entre la pensée conçue et exprimée et la réalité expérimentée.

Il s’agit donc, dans une réflexion métaphysique sur l’existence de l’univers, de penser le réel tel qu’il nous est dévoilé par les sciences positives, et de le penser jusqu’au bout, en traitant à fond les problèmes qu’il pose par lui-même à la raison humaine. Ou pour reprendre tes catégories : il s’agit de partir du réel (expérience objective) et de l’analyser rationnellement (selon les principes de la logique : identité, causalité), pour en tirer un certain nombre de conclusions (formation de concepts).

Il ne s’agit donc pas d’ajouter quoi que ce soit au réel, mais de découvrir en réalité ce qu’il implique, ce qu’il présuppose, pour être ce qu’il est, et comme il est.

L’application de cette méthode de raisonnement conduira ainsi naturellement l’esprit humain à inférer des réalités qui le dépassent, et dont il n’a pas immédiatement l’expérience, sans jamais enfreindre les règles d’une saine rationalité. Ainsi, concernant l’existence de Dieu, l’expérience commune nous enseigne qu’il n’est pas d’effet sans cause. C’est donc bien notre expérience commune qui nous aide à comprendre que l’univers lui-même a nécessairement une cause, et une cause qui le dépasse nécessairement, puisque le « moins » ne peut pas produire le « plus » (encore un enseignement de notre « expérience commune » !) : dès lors, si notre univers a une cause ontologique (et ma raison postule qu’il en ait une), celle-ci est nécessairement plus « vaste » que l’univers lui-même (ainsi que ma raison elle-même le conçoit) ! Ce n’est donc pas être infidèle à l’expérience commune que d’affirmer une réalité qui échappe… aux prises de notre expérience commune, puisque c’est elle-même qui nous y conduit finalement !

Rien ne permet donc d’affirmer que « le résultat d'une induction à partir de faits empiriques ne dépasse pas le niveau de l'empiriquement attestable »L’analyse rationnelle selon les principes de la logique (identité, causalité), nous conduit en vérité bien au-delà de ce que nous pouvons connaître par nos sens. Et cela par le jeu naturel d’un raisonnement s’appuyant sur le réel observé et sur des principes métaphysiques sûrs dont nous avons tous pu vérifier la solidité par notre expérience commune. Tu admettais toi-même dans un récent article qu'il puisse exister une « connaissance métaphysique », au sens d'une « croyance vraie et justifiée », dès lors que « l'intuition qui fonde cette croyance est une intuition à la foi très forte et très commune ». Alors, sommes-nous si éloignés que cela?...

« Quant à la formation de concepts, conclus-tu, elle « abrège et résume une multiplicité d'objets empiriques ou mentaux par abstraction et généralisation de traits communs identifiables » (Wikipedia). Là encore, je ne vois pas comment on pourrait aboutir à l'affirmation de l'existence de Dieu. Un concept, fut-il le plus général possible, ne demeure qu'une représentation intellectuelle, qui n'a pas forcément de contrepartie réelle » (Cf. Compagnons de route sur la chemin de la vérité, Commentaire n°3).

Oui, sauf que justement, Dieu n’est pas un concept, une « représentation intellectuelle » dépourvue de toute « contrepartie réelle ». Dieu, c’est Quelqu’un, un Être dont nous pouvons connaître l’existence à partir de la Création, dont nous pouvons connaître l’identité par la Révélation qu’il a faite de lui-même, ultimement et de manière indépassable en Jésus-Christ, et dont nous pouvons faire nous-même personnellement l’expérience. Il n’est donc pas exact d’affirmer que Dieu échappe totalement à l’expérience commune des hommes. Le Transcendant est aussi l'Immanent, le Très-Haut également le Tout proche. Tous les croyants, les convertis, les saints et les mystiques de tous les temps et de toutes les religions (ce qui fait tout de même quelques milliards d’âmes…) témoigneront ainsi chacun à leur manière de cette expérience si particulière qu’ils ont faite de la présence de Dieu dans leur vie. Ne penses-tu pas Miky que ces témoins mériteraient d’être écoutés ? Je ne vois pas en tous les cas ce qui autoriserait à ne pas les considérer comme sérieux et dignes de foi. Même si l’expérience spirituelle qu’ils relatent échappe à nos instruments matériels de mesure et d’analyse, l’universalité du phénomène, vécu par tant d’hommes et de femmes dans le monde et dans l’histoire, et parfois attesté par d'authentiques miracles, doit singulièrement nous interroger…

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

M
Une annexe : http://metazet.over-blog.com/article-11406018.html
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M
Cher Matthieu,
Voici ma réponse, sous forme de deux articles qui se suivent, et à lire dans cet ordre :
1°) http://metazet.over-blog.com/article-11351787.html2°) http://metazet.over-blog.com/article-11352285.html
Bien amicalement,
Miky
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