Nous avons vu ces dernières semaines combien l’Eglise insistait, à la suite du monothéisme hébreux, sur l'importance de la raison dans la démarche de foi.
Pour l’Eglise Catholique en effet, la raison est capable par ses seules ressources, et indépendamment de la révélation biblique, de parvenir à la connaissance de la vérité de ce qui est, et de croire avec certitude en l’existence de Dieu.
Comment cela ? A partir d’une réflexion sur la Création. Ou si vous préférez, sur la Nature, sur le monde physique qui nous entoure et dont les secrets nous sont révélés par la science, sur l’ensemble de l’univers.
La Création nous manifeste Dieu… comme la Joconde nous révèle Léonard de Vinci ! La Joconde en effet nous prouve par elle-même l’existence de son auteur, que nous n’avons pourtant jamais vu. Elle nous dit même quelque chose sur son auteur, même si ce qu’elle nous dit reste limité à ce que l’auteur a bien voulu donner de lui-même dans son œuvre. Aussi, analogiquement, pouvons-nous dire que la Création de Dieu nous manifeste l’existence de son Auteur, ainsi que quelques unes de ses perfections. Elle ne nous dit certes pas tout des richesses infinies du Créateur incréé, mais quoiqu’imparfaite et incomplète, la connaissance de Dieu à partir de la Création est une connaissance certaine, authentique, et rationnellement bien fondée.
Nous sommes donc bien loin des préjugés de tant de nos contemporains, chrétiens y compris ! Pour beaucoup de gens en effet, la question de l’existence de Dieu relève de la foi, entendue comme une adhésion aveugle à une vérité indémontrable par la raison. Ils sont convaincus que l’intelligence humaine ne peut pas connaître par elle-même et à elle seule la vérité sur l’existence de Dieu. On y croit ou on y croit pas. Moyennant quoi, s’ils choisissent d'y croire et de vivre un peu sérieusement leur "foi", il leur faut se mettre à l’écoute d’une Parole... dont ils n’ont pas la certitude qu’elle soit de Dieu, puisque son existence elle-même n’est pas assurée! Et ils empilent ainsi une foi aveugle en la Parole de Dieu sur une foi aveugle en l’existence de Dieu. Et lorsqu’il leur faut encore empiler sur ce bien frêle édifice une foi aveugle dans l’Eglise, dans ses dogmes et sa morale, il n’est pas étonnant que tout finisse par s’écrouler, « car leur maison était bâtie sur le sable »…
Comme de récents sondages nous l’on encore révélé : seulement 51 % des Français se disent désormais catholiques. Parmi eux, 52 % n’iraient jamais à la messe, excepté lors de cérémonies familiales, et le ponpon : 50 % confesseraient… ne pas croire en l’existence de Dieu ! Ou comment le fidéisme conduit irrésistiblement à l’athéisme…
Le Pasteur Eric Georges m’avouait son scepticisme quant à l’intérêt d’une réflexion métaphysique de fond au sujet de l’existence de Dieu. La foi étant un don de Dieu, et non le fruit d’un quelconque raisonnement intellectuel (ce que je ratifie tout à fait !), il m’indiquait ne pas comprendre le sens d’une démarche qui ne lui paraissait pas s’inscrire dans une perspective d’évangélisation. J’espère que cet article répondra à cette légitime interrogation. Car enfin : si l’on veut évangéliser, il faut bien commencer par se demander QUI évangéliser, et QUOI annoncer.
QUI évangéliser, sinon des hommes et des femmes doués de raison, qui, pour la plupart, ont appris à penser correctement ? Or, comment ces hommes et ces femmes sensés pourront-ils bien accueillir notre invitation à croire en la Parole de Dieu, si nous leur concédons qu’il est impossible d’établir avec certitude que Dieu existe, et que Dieu a parlé ! Voilà beaucoup de couleuvres à avaler en une seule foi ! si je puis me permettre ce jeu de mots, et je conçois dans ces conditions qu’il y ait tant de résistances au message chrétien dans le cœur et l’âme de tant de nos contemporains.
QUOI annoncer, sinon Jésus-Christ Fils de Dieu, Verbe fait chair pour le Salut du monde ? Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, amis lecteurs engagés dans la grande œuvre d’évangélisation, mais mon expérience personnelle me confirme dans l’idée qu’il est décidément bien difficile de faire l’impasse sur la question métaphysique de l’existence de Dieu. Car comment annoncer la bonne nouvelle de la venue de Dieu en notre humanité à des interlocuteurs qui vous rétorquent que : « de toute façon, moi, je ne crois pas en Dieu » !
Il faut donc bien commencer par asseoir les fondations, et rendre les intelligences réceptives au don de Dieu dans la Révélation. Faute de quoi l’évangélisation risque de tourner au bourrage de crâne, et à l’insupportable prosélytisme. N’oublions pas que l’acte de foi est fondamentalement un acte de la raison, un assentiment de l’intelligence. On a conservé l’idée que la foi est une conviction, un assentiment, mais on a oublié qu’il s’agit très exactement d’un assentiment de l’intelligence à la vérité elle-même qui se révèle. Dieu parle à des êtres doués de raison, et Il attend de leur part une adhésion totale, y compris de cette raison même qui est don de Dieu.
Il faut donc « préparer la route au Seigneur » en disposant les esprits à recevoir la révélation divine, et à entrer dans une véritable démarche de foi, qui n’est pas dans le langage biblique une simple conviction intérieure, subjective, et dissociée de la raison, mais bien une certitude de l’intelligence fondée dans la réalité objective et expérimentale.
(à suivre…)