21 février 2007 3 21 /02 /février /2007 09:43

Extrait de l’homélie prononcée par le Pape Benoît XVI le 2 octobre 2005 au cours de la messe d’ouverture de la XIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, consacrée à l’Eucharistie.

Nous prenons ce passage comme texte de méditation en ce mercredi des Cendres qui marque le début du Carême, temps privilégié de conversion où chacun est personnellement appelé à transformer « le vinaigre de l’autosuffisance, du mépris de Dieu et de sa Création » en « bon vin de la joie et de l’amour du prochain ».

Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!

Chers frères et soeurs!

 

(…) Dans l'Ecriture Sainte, le pain représente tout ce dont l'homme a besoin dans sa vie quotidienne. L'eau donne à la terre la fertilité : c'est le don fondamental, qui rend possible la vie. Le vin, en revanche, exprime la délicatesse de la création, il nous offre la fête dans laquelle nous dépassons les limites du quotidien : le vin, dit le Psalmiste, "réjouit le coeur". Ainsi, le vin et avec lui la vigne sont également devenus des images du don de l'amour, dans lequel nous pouvons faire dans une certaine mesure l'expérience de la saveur du Divin.

 

[En créant l’humanité, et en choisissant Israël] Dieu s'est créé une vigne (…). A l'homme, créé à son image, Dieu a insufflé sa capacité d'aimer et donc la capacité de L'aimer Lui aussi, son Créateur (…). "Je t'ai créé à mon image et ressemblance", dit-il à chacun de nous. "Moi-même, je suis l'amour, et tu es mon image dans la mesure où, en toi, brille la splendeur de l'amour, dans la mesure où tu me réponds avec amour". Dieu nous attend. Il veut être aimé de nous : un semblable appel ne devrait-il donc pas toucher notre coeur? (…) Il vient à notre rencontre, il vient à ma rencontre. Trouvera-t-il une réponse? Ou arrive-t-il avec nous ce qu'il se passe avec la vigne, à propos de laquelle Dieu dit à Isaïe : "Il attendait de beaux raisins : elle donna des raisins sauvages"? Notre vie chrétienne n'est-elle donc pas plus souvent du vinaigre que du vin ? Commisération sur nous-même, conflit, indifférence ?

(…) Dieu avait planté des vignes d'excellente qualité et, toutefois, du raisin sauvage a mûri. En quoi consiste ce raisin sauvage? Nous nous demandons : le bon raisin que Dieu attendait – dit le prophète – aurait dû consister dans la justice et dans la rectitude. Le raisin sauvage, ce sont en revanche la violence, le sang répandu et l'oppression, qui font gémir les peuples sous le joug de l'injustice.

 

Dans l'Evangile, l'image change : la vigne produit du bon raisin, mais les vignerons le gardent pour eux. Ils ne sont pas disposés à le remettre au propriétaire. Ils battent et ils tuent les messagers qu'il a envoyés et ils tuent son Fils. Leur motivation est simple : ils veulent devenir eux-mêmes les propriétaires ; ils prennent possession de ce qui ne leur appartient pas.

 

Dans l'Ancien Testament, on trouve au premier plan l'accusation de violation de la justice sociale, du mépris de l'homme de la part de l'homme. En arrière plan, toutefois, apparaît que, à travers le mépris de la Torah, du droit donné par Dieu, c'est Dieu lui-même qui est méprisé ; l'on veut seulement jouir de son propre pouvoir. Cet aspect est pleinement mis en évidence dans la parabole de Jésus : les vignerons ne veulent pas avoir de propriétaire – et ces vignerons constituent également pour nous un miroir.

 

Nous les hommes, auxquels la création est pour ainsi dire confiée en gestion, nous l'usurpons. Nous voulons en être les propriétaires au premier chef et tous seuls. Nous voulons posséder le monde et notre propre vie de manière illimitée. Dieu est pour nous une entrave. Ou bien on Le réduit à une simple phrase pieuse, ou bien Il est nié totalement, mis au ban de la vie publique, au point de perdre toute signification. La tolérance, qui admet pour ainsi dire Dieu comme une opinion privée, mais lui refuse le domaine public, la réalité du monde et de notre vie, n'est pas tolérance, mais hypocrisie. Mais là où l'homme se fait le seul propriétaire du monde et propriétaire de lui-même, la justice ne peut pas exister. Là, ne peut dominer que l'arbitraire du pouvoir et des intérêts. Bien sûr, l'on peut chasser le Fils hors de la vigne et le tuer, pour goûter de manière égoïste, tous seuls, les fruits de la terre. Mais alors, la vigne se transforme bien vite en un terrain inculte détruit par les sangliers, comme nous dit le Psaume responsorial (cf. Ps 79, 14).

(…) Le Seigneur, dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament, annonce le jugement à la vigne infidèle. Le jugement qu'Isaïe prévoyait s'est réalisé à travers les grandes guerres et les exils provoqués par les Assyriens et les Babyloniens. Le jugement annoncé par le Seigneur Jésus se réfère surtout à la destruction de Jérusalem en l'an 70. Mais la menace de jugement nous concerne nous aussi, l'Eglise en Europe, l'Europe et l'Occident en général. Avec cet Evangile, le Seigneur clame également à nos oreilles les paroles qu'il adresse dans l'Apocalypse à l'Eglise d'Ephèse : "Si tu ne te repens, je vais venir à toi pour changer ton candélabre de son rang" (2, 5). A nous aussi, la lumière peut être enlevée et nous faisons bien si nous laissons résonner cet avertissement en notre âme avec tout son sérieux, en criant dans le même temps au Seigneur : "Aide-nous à nous convertir! Donne à chacun de nous la grâce de nous renouveler vraiment! Ne permets pas que la lumière qui est au milieu de nous s'éteigne! Renforce notre foi, notre espérance et notre amour afin que nous puissions porter de bons fruits!".

Dès lors, se pose à nous cette question : "Mais n'y a-t-il aucune promesse, aucune parole de réconfort dans la lecture et dans la page d'Evangile de ce jour? La menace serait-elle le dernier mot ?" Non! La promesse existe et c'est elle qui constitue le dernier mot, le mot essentiel (…). Dieu ne faillit pas. A la fin, il remporte la victoire, l'amour sort vainqueur. (…) Dans la parabole de la vigne (…), la mort du Fils ne constitue pas la fin de l'histoire, même si l'histoire successive n'est jamais directement racontée. Mais Jésus exprime cette mort par le biais d'une nouvelle image tirée du Psaume : "La pierre qu'avaient rejetée les bâtisseurs c'est elle qui est devenue pierre de faîte..." (Mt 21, 42; Ps 117, 22). De la mort du Fils surgit la vie, un nouvel édifice se forme, une nouvelle vigne. Lui, qui à Cana changea l'eau en vin, a transformé son sang dans le vin du véritable amour et transforme ainsi le vin en son sang. Dans le Cénacle, il a anticipé sa mort et l'a transformée en don de soi, en un acte d'amour radical. Son sang est don, il est amour, et pour cette raison, il est le vin véritable que le Créateur attendait. De cette manière, le Christ lui-même est devenu la vigne et cette vigne porte toujours du bon fruit : la présence de son amour pour nous, qui est indestructible.

Ainsi, ces paraboles débouchent à la fin sur le mystère de l'Eucharistie, dans laquelle le Seigneur nous donne le pain de la vie et le vin de son amour et nous invite à la fête de l'amour éternel. Nous célébrons l'Eucharistie bien conscients que son prix fut la mort du Fils – le sacrifice de sa vie, qui, en elle, reste présent. Chaque fois que nous mangeons de ce pain et buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'Il vienne, nous dit saint Paul (cf. Co 11, 26). Mais nous savons également que, de cette mort provient la vie, parce que Jésus l'a transformée en un geste oblatif, en un acte d'amour, en la modifiant ainsi profondément : l'amour a vaincu la mort. Dans la sainte Eucharistie, Il nous attire tous à Lui depuis la croix (Jn 12, 32) et nous fait devenir des sarments de la vigne qu'Il est lui-même. Si nous demeurons unis à Lui, alors nous porterons du fruit nous aussi, alors, nous aussi, nous ne produirons plus le vinaigre de l'autosuffisance, du mécontentement de Dieu et de sa création, mais le bon vin de la joie de Dieu et de l'amour envers le prochain.

Lire le texte intégral de l’homélie du Pape Benoît XVI du dimanche 2 octobre 2005

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Publié par Matthieu BOUCART -
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