25 décembre 2006 1 25 /12 /décembre /2006 13:29

Dans son message de Noël 2005, Mgr Maurice E. Piat, évêque de Port-Louis (Île Maurice), a abordé le sujet du SIDA. Selon les estimations les plus alarmantes, 40 % des habitants de l'Île pourraient en effet être porteurs du virus. Le message de Mgr Piat a été salué par la presse mauricienne pour sa « remarquable acuité pastorale ». Nous en publions quelques extraits en cette fête de la Nativité de Notre Seigneur.

CHERS COMPATRIOTES DE MAURICE, DE RODRIGUES, D'AGALEGA ET DES CHAGOS,

 

Je vous souhaite de tout coeur un bien joyeux Noël. La joie que je vous souhaite pour Noël n'est pas une excitation tapageuse qui nous fait oublier la misère. La vraie joie de Noël, c'est la joie d'accueillir Jésus qui se fait vulnérable pour être solidaire de tous ceux qui souffrent aujourd'hui. C'est la joie de découvrir comment Jésus guérit les coeurs brisés et nous invite à les guérir avec lui.

 

C'est pourquoi je pense spécialement à nos frères et soeurs qui sont porteurs du virus du SIDA et spécialement à ceux et celles qui sont en prison. Pour que Noël soit vrai, il faut que la joie de Noël puisse les atteindre eux aussi. Cette joie les atteindra au coeur de leur souffrance, si seulement vous et moi refusons de les exclure de notre fête de Noël, et décidons de les inclure dans ce vaste partage d'amitié que Jésus a voulu instaurer entre nous.

 

En parlant du SIDA, je pense aussi à notre pays, à la grande famille des Mauriciens de toute culture et de toute religion, qui est menacée par cette terrible épidémie. Je vous invite à réfléchir à la responsabilité qui est la nôtre devant cette souffrance humaine qui est en train de se répandre sous nos yeux (…). L'objectif de la fête de Noël n'est pas de nous faire oublier - l'espace d'un instant - cette situation difficile. Au contraire, le Jésus que nous célébrons à Noël, vient nous réveiller de notre léthargie et nous pousse à assumer nos responsabilités.

 

Notre première responsabilité consiste à offrir un vrai soutien, amical, gratuit, aux personnes porteuses du virus aujourd'hui. Nous sommes appelés à être non pas moralisateurs mais solidaires, fraternels. En plus de leur maladie, nos frères et soeurs atteints du SIDA souffrent aussi d'une discrimination terrible. Ils sont quelquefois rejetés par leurs proches. Leur famille ne veut plus les fréquenter. Souvent on a peur d'avoir des contacts avec eux au travail, à l'hôpital, ou dans des lieux publics. On a tendance à les écarter de la vie courante, comme on le faisait autrefois pour les lépreux. Souvent aussi on les juge, on leur colle des étiquettes. En son temps, Jésus a lancé à ceux qui voulaient condamner la femme adultère : « Que celui d'entre nous qui est sans péché lui jette la première pierre ! ». Il faut lutter contre cette « stigmatisation » et corriger les idées fausses qui alimentent une peur déraisonnable chez beaucoup d'entre nous (…). Les personnes atteintes par le SIDA ont droit au respect, elles doivent pouvoir mener une vie normale et se soigner avec dignité au milieu de nous. À son époque, Jésus s'est dressé contre la discrimination qui sévissait à l'égard des lépreux. Il a lutté pour leur rendre la place qui leur revenait dans la communauté juive de son temps.

 

Notre deuxième responsabilité consiste à travailler activement à la prévention. Ce qu'il y a à faire pour freiner l'explosion de l'épidémie du SIDA est tellement vaste et complexe qu'il vaut mieux prendre quelques exemples avant d'insister sur les lignes de force du travail de prévention.

 

a) Ainsi, si vous êtes mariés ou avez un/une partenaire, et que vous découvrez que vous êtes déjà porteurs du virus la première chose à faire, c'est d'en parler avec votre conjoint ou votre partenaire. C'est une question de respect fondamental. Ils ou elles ont le droit de savoir que vous êtes porteurs du virus, afin de pouvoir réfléchir avec vous à la manière de réagir et aux mesures à prendre. Il ne faut pas avoir honte ou avoir peur. L'honnêteté est la meilleure politique. Seule la vérité vous libèrera et vous permettra de mieux vivre votre maladie.

 

Si vous avez le virus du SIDA, la seule manière à 100 % sûre de ne pas infecter votre partenaire, c'est l'abstinence, c'est-à-dire, renoncer aux relations sexuelles. Si vraiment vous ne pouvez pas vous passer de relations sexuelles, alors il faut protéger votre partenaire en employant un préservatif ; mais sachez quand même que cette protection n'est jamais sûre à 100 %.

 

b) Si vous êtes toxicomanes et porteurs du virus, la première chose à faire c'est de vous inscrire dans un centre de désintoxication et de réhabilitation. C'est vrai qu'aujourd'hui, à Maurice, la demande pour la désintoxication dépasse largement les places disponibles dans les différents centres. C'est pourquoi il est urgent d'ouvrir d'autres centres dans le pays et de revoir aussi la qualité de la désintoxication offerte. Mais pour nos frères et soeurs toxicomanes, la chose la plus importante c'est de ne pas partager vos seringues, en attendant d'être désintoxiqués.

 

c) Si vous êtes un jeune qui avez des comportements sexuels à risque, c'est-à-dire, si vous avez des relations sexuelles assez fréquentes avec des partenaires différents, la première chose à faire est de vous soumettre à des tests de dépistage pour savoir si vous êtes porteurs du virus ou non. Si vous découvrez que vous êtes porteurs du virus, n'hésitez pas à vous faire soigner. Suivez le traitement - les médicaments sont gratuits. Si vous vous y prenez à temps, vous pouvez vivre longtemps. Que vous ayez été infectés ou non, prenez la décision de changer de comportement, de vous abstenir de relations sexuelles avant le mariage. Vous avez en vous la capacité de regarder en face la situation, de réfléchir et de changer votre style de vie. Ne vous laissez pas entraîner par le courant. Réagissez et suivez votre instinct de survie. Seul ce changement peut vous apporter une vraie protection.

 

d) Même un jeune qui n'a pas de comportement à risque peut hésiter intérieurement et se dire : « Si j'ai une occasion de relation sexuelle, je vais essayer, pourquoi pas, tout le monde le fait ». Il peut même penser qu'il n'est pas normal s'il ne le fait pas. Cela n'est pas vrai. Les jeunes eux-mêmes le disent : « L'amour vrai sait attendre ». Il ne demande pas tout, tout de suite. Aujourd'hui, en plus de la raison morale, vous avez une autre raison pour vous abstenir. C'est la volonté de vous protéger efficacement contre le SIDA et de vous garder en bonne santé pour que vous puissiez plus tard vous marier et fonder une famille (…).

 

Aujourd'hui, beaucoup de parents et d'éducateurs ont peur que par le style de vie que mènent les jeunes, ceux-ci soient infectés par le virus du SIDA. Alors ils leur disent « prenez vos précautions, utilisez le préservatif. Voilà, on vous en donne gratuitement, on va même vous en distribuer dans les écoles, dans les boîtes de nuit, dans les fêtes, etc. ». Cette recommandation est faite par des adultes concernés par le problème. Cependant il faut réfléchir aux conséquences qu'entraîne dans la réalité cette recommandation par ailleurs bien intentionnée. Des recherches ont été faites en Afrique du Sud par des organismes surpris de voir la maladie se répandre très vite malgré les tonnes de préservatifs déversés dans les lycées, les collèges, les universités, etc. Ces recherches ont révélé ceci : quand des gens bien intentionnés viennent dans des collèges faire des campagnes d'information et de prévention par rapport au SIDA et qu'ils proposent le préservatif comme seul moyen de prévention, ce qui se passe en fait c'est que des jeunes qui jusque là s'abstenaient de relations sexuelles par peur du SIDA, comprennent alors qu'ils peuvent avoir des relations sexuelles autant qu'ils en veulent, en toute sécurité, pourvu qu'ils se servent du préservatif. Alors ils commencent à avoir une vie sexuelle active et souvent dispersée en se protégeant avec un préservatif. Après un temps, soit eux, soit leurs partenaires commencent à en avoir assez du préservatif « gêneur », ou bien ils négligent d'en avoir toujours sous la main et, de plus en plus, ils prennent des risques en ayant des relations sexuelles non protégées. Et c'est souvent ainsi qu'ils attrapent le virus et deviennent des agents propagateurs de la maladie.

 

Ce qui est grave ce n'est pas de se servir d'un préservatif si on ne peut s'empêcher d'avoir des relations sexuelles à risque et qu'on veut se protéger ou protéger sa partenaire. Mais ce qui est vraiment grave, c'est de laisser entendre aux jeunes qu'ils peuvent avoir la vie sexuelle la plus désordonnée qui soit avant le mariage et qu'ils seront toujours en sécurité pourvu seulement qu'ils se servent d'un préservatif. L'expérience au ras des pâquerettes montre que c'est souvent le contraire qui arrive. Pour être responsable, nous devons apprendre la leçon que les faits nous enseignent : le préservatif seul, sans une éducation sérieuse des jeunes par rapport à l'abstinence avant le mariage et à la fidélité dans le mariage, ne peut pas arrêter la progression de l'épidémie. Si les parents et les éducateurs croient en la capacité des jeunes de changer de comportement et de vivre heureux sans relations sexuelles avant le mariage, les jeunes y arriveront. Si les adultes n'y croient pas, les jeunes se laisseront aller à une vie sexuelle désordonnée et s'exposeront ainsi à de très graves dangers.

 

Le SIDA ne choisit pas sa victime. Qu'on soit pauvre ou de milieu aisé, qu'on soit chrétien, hindou ou musulman, croyant ou incroyant, nous sommes tous menacés. Ce qui est encourageant aujourd'hui c'est que nous commençons à en prendre conscience. Je souhaite de tout coeur que cette prise de conscience nous conduise à nous serrer les coudes et à travailler ensemble avec des convictions communes. En effet, que nous soyons décideur politique, responsable d'ONG ou travailleur social sur le terrain, nous gagnerions à adopter ensemble l'ordre de priorité exprimée par le fameux ABC proposé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la lutte contre le SIDA :

 

- A pour abstinence sexuelle avant le mariage,

- B pour « be faithful », soit la fidélité dans le mariage, et

- C pour « condom » ou préservatif.

 

Il faut remarquer que dans l'ordre de priorité le préservatif vient en 3e position. Ce qui veut dire que pour l'OMS le préservatif est un « dernier recours », ou une solution « faute de mieux » quand on ne peut faire autrement. C'est pourquoi certains programmes ont proposé avec raison d'introduire une signification additionnelle et prioritaire pour le C de la formule. Ainsi, avant de se référer au Condom, le C nous renverrait au : Character building pour bien montrer la priorité absolue à accorder à l'éducation, qui seule rend possible et épanouissante l'abstinence et la fidélité.

 

L'urgence est de traduire aujourd'hui cet ordre de priorité dans les faits. Prenons les moyens pour rendre accessible une éducation sérieuse au plus grand nombre. Investir dans l'éducation est beaucoup plus rentable que d'investir dans le latex. En éduquant, on s'appuie sur quelque chose de plus solide et de plus durable, c'est la capacité morale des jeunes de prendre conscience de l'enjeu et de changer leur style de vie. Nombreux sont ceux qui ont réfléchi et ont déjà adopté un style de vie responsable qui barre la route au SIDA. Ils en sont heureux. Ces jeunes sont aujourd'hui porteurs de l'espérance de Noël. Leur bonheur est contagieux et constitue le rempart le plus solide contre l'expansion de l'épidémie du SIDA.

   

La Documentation Catholique, numéro 2354 du 19/03/2006. Rubrique L'Église dans le monde, paru en page 289, 3088 mots.

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Publié par Matthieu BOUCART -
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commentaires

F
Bravo pour cette article.Ci-joint un article sur le même thème:http://liberezlescaptifs.over-blog.net/article-14544123.html
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M
Salut Matthieu,
 
merci pour ce texte très juste qui mériterait une large diffusion !
 
Marc
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P
La force sexuelle manifeste de Dieu en l'homme, car elle est une expression de la force vitale d'un homme et Dieu est la vie de l'homme. La force sexuelle ne doit pas être séparée de l'Amour, elle doit être vécue dans l'Amour et dans ce cas elle est divine. Si la force sexuelle est détournée pour devenir seulement une source de plaisir, elle ne peut plus être considérée comme divine, car la force d'Amour de Dieu qui la crée est pervertie et l'homme doit alors récolter les fruits de la perversion, n'étant plus dans la loi de l'amour, elle est dans la loi des semailles et de la récolte. Alors des maladies apparaîssent pour montrer aux hommes qu'ils font un usage démoniaque de leur force sexuelle.
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F
Un texte très interessant, surtout en cette période...et  il faut dire que els mises au point a ce propos sont nécéssaires
Merci
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M
Permets-moi cher Miky de te recommander la lecture de l'Encyclique Deus Caritas Est du Pape Benoît XVI pour une juste compréhension de la place du corps dans l'amour humain (il y a une catégorie Deus Caritas Est sur ce Blog), et de cette notion même d' "amour" si galvaudée de nos jours.
Cf. en particulier http://totus-tuus.over-blog.com/article-1915886.html
C'est un sujet sur lequel nous reviendrons de toute façon très abondamment en 2007, avec l'étude de la spiritualité du corps selon Jean-Paul II.
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M
Là tu n'es pas juste. Ce n'est pas parce que j'utilise des termes techniques précis et que je me concentre sur cet aspect technique, qui est le seul en occurence qui peut engendrer la transmission du SIDA ou une grossesse non désirée que l'amour n'a aucune importance. L'amour et le sexe sont grandement indépendants l'un de l'autre, mais quand le sexe sert à exprimer un amour, c'est plus épanouissant.
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M
Ben disons qu'il n'est pas beaucoup question d'amour dans tout ça...
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M
Ca reste catholique et moraliste (abstinence avant mariage, exclusivité sexuelle, etc.), mais je suis assez heureux que l'on tienne enfin compte (explicitement) des faits pour lutter contre ce fléau, avec ce système ABC...A mon sens, pour lutter efficacement contre le virus du SIDA, il suffit simplement de s'abstenir de coïts vaginaux ou anaux (mais les relations sexuelles ne se réduisent pas à cela) avec des personnes qu'on ne connaît pas suffisamment bien (voire idéalement de n'avoir que des coïts vaginaux, et avec une seule personne et toujours la même, et ce d'autant plus que le virus du SIDA n'est pas le seul problème : le risque d'entraîner une grossesse non désirée, avec toutes les conséquences que ça implique, est plus important, et est déjà assez lourd...). Mais en disant cela, c'est sûr que je diverge de la position catholique.
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