[Cet article est la suite de Qu'est-ce que le péché? ]
Le péché, avons-nous vu, est une idôlatrie, un manquement à l’amour véritable envers Dieu et le prochain, dont la cause réside dans un attachement désordonné et pervers à certains biens. Le péché est ainsi amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, pour reprendre une expression chère à St Augustin.
Il convient maintenant de distinguer les péchés selon leur gravité, car tous les péchés ne produisent pas les mêmes effets dans l’âme humaine.
Il y a, comme tu le soulignes fort justement Miky, les péchés dits « véniels », et les péchés dits « mortels ».
Le péché mortel est d’une gravité telle qu’il nous « coupe » de l’amour de Dieu, et nous rend passible de la « géhenne de feu », c’est-à-dire de l’enfer éternel. Je sais bien que ce sont des vérités que l’on n’aime pas entendre (ni même rappeler d’ailleurs !), mais il faut se garder d’oublier que la damnation éternelle est pour chacun de nous une réelle possibilité dont Jésus veut à tout prix nous sauver. Son supplice volontaire sur la Croix nous interdit d’en douter.
Comme l’enseigne le Catéchisme de l’Eglise catholique (CEC § 1861) : « Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour. »
« Si les hommes savaient ce qu’est l’éternité, disait la petite Jacinthe de Fatima, ils feraient l’impossible pour changer de vie »…
Il nous faut donc bien prendre conscience du sérieux de notre vie, et comprendre combien notre liberté nous engage ; nous avons à prendre la mesure de la responsabilité de nos actes, qui librement choisis à la suite d’un jugement de conscience de notre part, sont moralement qualifiables : ils sont bons ou mauvais.
« Je sais que pêché veut simplement dire "manquer la cible", écris-tu, mais "mortel" veut quand même dire que cela détourne radicalement de Dieu et cause la privation de la grâce sanctifiante, ce qui, quand on est un fervent catholique, est une perspective assez effroyable je trouve. » Tu as tout dit Miky... Le péché mortel donne la mort à l’âme en lui enlevant la grâce sanctifiante qui est le principe de la vie spirituelle.
Pour comprendre cela, le Père Pascal Ide nous invite à prendre une comparaison :
« Des amis vous invitent à déjeuner. Pour vous rendre chez eux, vous prenez la route. Attiré par un sentier bucolique, vous vous arrêtez, vous flânez… et vous arrivez en retard. Vous avez aussi le choix de rebrousser chemin et de ne pas honorer l’invitation ; c’est beaucoup plus grave. Dans le premier cas, la faute ne touche que le moyen, elle est vénielle : dans le second, elle vous fait manquer le but : mais ce but, c’est Dieu lui-même, qui est la Vie et donne la vie ; voilà pourquoi cette seconde faute est qualifiée de mortelle. Le péché mortel prive l’âme de la vie divine – pas le péché véniel. » (Pascal Ide et Luc Adrian, « Les 7 péchés capitaux », Editions Mame-Edifa).
Il convient toutefois de préciser que « le péché véniel affaiblit la charité ; il traduit une affection désordonnée pour des biens créés ; il empêche les progrès de l’âme dans l’exercice des vertus et la pratique du bien moral ; il mérite des peines temporelles. Le péché véniel délibéré et resté sans repentance nous dispose peu à peu à commettre le péché mortel. » Pour autant, en lui-même, il « ne rompt pas l’Alliance avec Dieu. Il est humainement réparable avec la grâce de Dieu. Il ne prive pas de la grâce sanctifiante ou déifiante et de la charité, ni par suite, de la béatitude éternelle » (CEC § 1863).
Pour qu’un péché soit mortel, nous dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique, « trois conditions sont ensemble requises » (CEC § 1857). Est ainsi mortel tout péché :
- qui a pour objet une matière grave,
- qui est commis en pleine conscience
- et de propos délibéré.
La matière grave est précisée par les Dix commandements selon la réponse de Jésus au jeune homme riche (Mc 10, 18) : " Ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère " (CEC § 1858).
Le péché mortel requiert pleine connaissance et entier consentement. Il présuppose la connaissance du caractère peccamineux de l’acte, de son opposition à la Loi de Dieu. Il implique aussi un consentement suffisamment délibéré pour être un choix personnel. L’ignorance affectée et l’endurcissement du cœur (cf. Mc 3, 5-6 ; Lc 16, 19-31) ne diminuent pas, mais augmentent le caractère volontaire du péché (CEC § 1859).
L’ignorance involontaire peut diminuer sinon excuser l’imputabilité d’une faute grave. Mais nul n’est censé ignorer les principes de la loi morale qui sont inscrits dans la conscience de tout homme. Les impulsions de la sensibilité, les passions peuvent également réduire le caractère volontaire et libre de la faute, de même que des pressions extérieures ou des troubles pathologiques. Le péché par malice, par choix délibéré du mal, est le plus grave (CEC § 1860).
Voilà pourquoi il me paraît pour le moins caricatural (et par suite, erroné) d’affirmer tout de go comme tu l’as fait dans ton article sur l'absolu et le relatif, que pour l’Eglise : « la masturbation est un péché mortel, (…), l'homosexualité est un péché mortel, avoir des relations sexuelles pour le plaisir partagé et même pour exprimer une amitié, un attachement, un amour, et même avec un grand A, est un pêché mortel du moment que cela ne se passe pas entre personnes mariés de sexe différent et dans l'optique de la procréation, etc. » La réalité est beaucoup plus complexe et nuancée, ainsi que tu le vois. Aucun péché n'est mortel en soi.
Maintenant, les sujets auxquels tu renvoies font tous référence à la morale sexuelle de l’Eglise. Voilà pourquoi il me paraît important de réfléchir sur ces questions. Nous verrons dans un prochain article pour quelle raison la luxure est un péché grave.
(à suivre…)