1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 23:00

Extrait de l’Audience Générale du Pape Benoît XVI du 25 juin 2008.

Chers frères et sœurs,

Je voudrais présenter aujourd'hui la figure de l'un des grands Pères de l'Eglise d'Orient de l'époque tardive. Il s'agit d'un moine,
Saint Maxime, auquel la Tradition chrétienne attribua le titre de Confesseur en raison du courage intrépide avec lequel il sut témoigner - "confesser" -, également à travers la souffrance, l'intégrité de sa foi en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, Sauveur du monde.

Maxime naquit en Palestine, la terre du Seigneur, autour de 580. Dès l'enfance, il fut destiné à la vie monastique et à l'étude des Ecritures, également à travers les œuvres d'Origène, le grand maître qui au troisième siècle était déjà parvenu à "fixer" la tradition exégétique alexandrine.

De Jérusalem, Maxime s'installa à Constantinople, et de là, à cause des invasions barbares, il se réfugia en Afrique. Il s'y distingua par un courage extrême dans la défense de l'orthodoxie.
Maxime n'acceptait aucune réduction de l'humanité du Christ. La théorie était née selon laquelle il n'y aurait eu dans le Christ qu'une seule volonté, la volonté divine. Pour défendre l'unicité de sa personne, on niait en Lui une véritable volonté humaine. Et, à première vue, cela pourrait aussi apparaître une bonne chose que dans le Christ il n'y ait qu'une volonté. Mais Saint Maxime comprit immédiatement que cela aurait détruit le mystère du salut, car une humanité sans volonté, un homme sans volonté n'est pas un homme véritable, c'est un homme amputé. L'homme Jésus Christ n'aurait donc pas été un homme véritable, il n'aurait pas vécu le drame de l'être humain, qui consiste précisément dans la difficulté de conformer notre volonté avec la vérité de l'être. Et ainsi, saint Maxime affirme avec une grande décision : l'Ecriture Sainte ne nous montre pas un homme amputé, sans volonté, mais un véritable homme complet : Dieu, en Jésus Christ, a réellement assumé la totalité de l'être humain – excepté le péché, bien évidemment – et donc également une volonté humaine. Et la chose, ainsi formulée, apparaît claire : le Christ EST ou n'EST pas un homme. S'il EST un homme, il a également une volonté.

Mais un problème apparaît : ne finit-on pas ainsi dans une sorte de dualisme? N'arrive-t-on pas à affirmer deux personnalités complètes : raison, volonté, sentiment? Comment surmonter le dualisme, conserver la totalité de l'être humain et toutefois préserver l'unité de la personne du Christ, qui n'était pas schizophrène. Et Saint Maxime démontre que l'homme trouve son unité, l'intégration de lui-même, sa totalité non pas en lui-même, mais en se dépassant lui-même, en sortant de lui-même. Ainsi, également dans le Christ, en sortant de lui-même, l'homme se trouve lui-même en Dieu, dans le Fils de Dieu. On ne doit pas amputer l'homme pour expliquer l'Incarnation ; il faut seulement comprendre le dynamisme de l'être humain qui ne se réalise qu'en sortant de lui-même ; ce n'est qu'en Dieu que nous trouvons nous-mêmes, notre totalité et notre plénitude. On voit ainsi que ce n'est pas l'homme qui se referme sur lui-même qui est un homme complet ; mais c'est l'homme qui s'ouvre, qui sort de lui-même, qui devient complet et trouve lui-même sa véritable humanité précisément dans le Fils de Dieu.

Pour Saint Maxime cette vision ne reste pas une spéculation philosophique ; il la voit réalisée dans la vie concrète de Jésus, surtout dans le drame de Gethsémani. Dans ce drame de l'agonie de Jésus, de l'angoisse de la mort, de l'opposition entre la volonté humaine de ne pas mourir et la volonté divine qui s'offre à la mort, dans ce drame du Gethsémani se réalise tout le drame humain, le drame de notre rédemption. Saint Maxime nous dit, et nous savons que cela est vrai : Adam (et Adam c'est nous) pensait que le NON était le sommet de la liberté. Seul celui qui peut dire NON serait réellement libre ; pour réaliser réellement sa liberté, l'homme devait dire NON à Dieu ; ce n'est qu'ainsi qu'il pense être finalement lui-même, être arrivé au sommet de la liberté. Cette tendance était aussi contenue dans la nature humaine du Christ, mais il l'a surmontée, car Jésus a vu que le NON n'est pas le sommet de la liberté. Le sommet de la liberté est le OUI, la conformité avec la volonté de Dieu. Ce n'est que dans le OUI que l'homme devient réellement lui-même ; ce n'est que dans la grande ouverture du OUI, dans l'unification de sa volonté avec la volonté divine, que l'homme devient immensément ouvert, devient "divin". Etre comme Dieu était le désir d'Adam, c'est-à-dire être complètement libre. Mais l'homme qui se referme sur lui-même n'est pas divin, n'est pas complètement libre ; il l'est en sortant de lui-même, c'est dans le OUI qu'il devient libre ; et tel est le drame de Gethsémani : non pas ma volonté, mais la tienne. C'est en transférant la volonté humaine dans la volonté divine que naît l'homme véritable et que nous sommes rachetés. C'est, en quelques mots, le point fondamental de ce que voulait dire Saint Maxime, et nous voyons qu'ici tout l'être humain est véritablement en question ; c'est là que se trouve toute la question de notre vie.

Saint Maxime avait déjà eu des problèmes en Afrique en défendant cette vision de l'homme et de Dieu ; il fut ensuite appelé à Rome. En 649, il prit activement part au Concile du Latran, convoqué par le Pape Martin Ier pour défendre les deux volontés du Christ, contre l'édit de l'empereur, qui - pro bono pacis - interdisait de débattre de cette question. Le Pape Martin paya cher son courage : bien que de santé précaire, il fut arrêté et traduit en justice à Constantinople. Jugé et condamné à mort, il obtint la commutation de sa peine en un exil définitif en Crimée, où il mourut le 16 septembre 655, après deux longues années d'humiliations et de tourments.

Quelques temps plus tard, en 662, ce fut le tour de Maxime, qui – s'opposant lui aussi à l'empereur – continuait à répéter :
« Il est impossible d'affirmer dans le Christ une seule volonté! » (cf. PG 91, cc. 268-269). Ainsi, avec deux de ses disciples, tous deux appelés Anastase, Maxime fut soumis à un procès exténuant, alors qu'il avait désormais dépassé l'âge de 80 ans. Le tribunal de l'empereur le condamna, avec l'accusation d'hérésie, à la mutilation cruelle de la langue et de la main droite – les deux organes avec lesquels, à travers la parole et les écrits, Maxime avait combattu la doctrine erronée de l'unique volonté du Christ. Pour finir, le saint moine fut exilé en Colchide, sur la Mer Noire, où il mourut, épuisé par les souffrances endurées, le 13 août de cette même année 662 (…).

La pensée de saint Maxime n'est jamais seulement une pensée théologique, spéculative, refermée sur elle-même, car elle a toujours comme aboutissement la réalité concrète du monde et de son salut. Dans ce contexte, dans lequel il a dû souffrir, il ne pouvait pas se réfugier dans des affirmations philosophiques uniquement théoriques ; il devait chercher le sens de la vie, en se demandant : qui suis-je, qu'est-ce que le monde?
A l'homme, créé à son image et à sa ressemblance, Dieu a confié la mission d'unifier le cosmos. Et comme le Christ a unifié en lui-même l'être humain, en l'homme le Créateur a unifié le cosmos. Il nous a montré comment unifier dans la communion du Christ le cosmos et arriver ainsi réellement à un monde racheté. A cette puissante vision salvifique fait référence l'un des plus grands théologiens du vingtième siècle, Hans Urs von Balthasar, qui - "relançant" la figure de Maxime - définit sa pensée par l'expression emblématique de Kosmische Liturgie, "liturgie cosmique". Au centre de cette solennelle "liturgie" se trouve toujours Jésus Christ, unique Sauveur du monde. L'efficacité de son action salvifique, qui a définitivement unifié le cosmos, est garantie par le fait que, bien qu'étant Dieu en tout, il est aussi intégralement homme - étant également comprise l'"énergie" et la volonté de l'homme.

La vie et la pensée de Maxime restent puissamment illuminées par un immense courage dans le témoignage de la réalité intégrale du Christ, sans aucune réduction ou compromis. Et ainsi nous apparaît qui est vraiment l'homme, comment nous devons vivre pour répondre à notre vocation.
Nous devons vivre unis à Dieu, pour être ainsi unis à nous-mêmes et au cosmos, en donnant au cosmos lui-même et à l'humanité la juste forme. Le OUI universel du Christ nous montre également avec clarté comment donner leur juste place à toutes les autres valeurs. Nous pensons à des valeurs qui sont aujourd'hui à juste titre défendues, comme la tolérance, la liberté, le dialogue. Mais une tolérance qui ne saurait plus distinguer entre le bien et le mal deviendrait chaotique et autodestructrice. De même : une liberté qui ne respecterait pas la liberté des autres et ne trouverait pas la commune mesure de nos libertés respectives, deviendrait anarchie et détruirait l'autorité. Le dialogue qui ne sait plus sur quoi dialoguer devient un vain bavardage. Toutes ces valeurs sont grandes et fondamentales, mais elles ne peuvent demeurer de vraies valeurs que si elles ont un point de référence qui les unit et leur donne leur véritable authenticité. Ce point de référence est la synthèse entre Dieu et le cosmos, c'est la figure du Christ dans laquelle nous apprenons la vérité sur nous-mêmes et nous apprenons ainsi où placer toutes les autres valeurs. Tel est le point d'arrivée du témoignage de ce grand Confesseur. Et ainsi, en fin de compte, le Christ nous indique que le cosmos doit devenir liturgie, gloire de Dieu et que l'adoration est le commencement de la vraie transformation, du vrai renouveau du monde.



Lire le texte intégral de l'Audience Générale du Pape Benoît XVI

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Publié par Matthieu BOUCART -
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